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LISET TE.

C'est la meilleure de mes amies, & je puis compter fur elle comme fur moi-même.

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S'il étoit vrai, je te prierois, ma chere Lifette, de me dire fon nom, ou de me procurer le plaifir de l'entretenir un moment ce foir.

LISETTE.

Je t'accorde ce dernier point, & je te promets qu'avant que le jour finiffe, tu la reverras. Peut-être fe découvrira-t-elle, pourvu que tu me faffes un aveu fincere de ce que je veux fçavoir de toi.

LA FLEUR.

Parle, & fois fûre de ma fincérité.

LISET TE.

Crois-tu que Monfieur Philinte aime toujours fa femme ?

LA FLEUR.

Puifque tu m'as prié d'être fincere, je t'avouerai ingénuement que Monfieur Philinte aime fa femme d'un amour fi pur & fi refpectueux, qu'il eft réfolu de faire lit à part au premier jour..

Et la raifon?

LISETTE.

LA FLEUR.

La raison? qu'on lui a représenté qu'il ne conve¬

noit pas à un homme comme lui de vivre de la forte, & qu'il feroit déshonoré à la Cour, fi l'on prenoit qu'il couche toutes les nuits avec fa femme.

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LISET TE.

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A la vérité, cela eft fcandaleux; mais quel eft l'honnête homme qui le confeille fi bien?

LA FLEUR.

Ne vois-tu pas ici tous les jours un certain Chevalier qui ne fahue perfonne, qui brufque dédaigneufement tout le monde, & qui ne dit jamais du bien que de lui-même ?

LISET TE.

Qui? ce petit-maître outré, qui fait vanité d'étaler des fentimens libertins & des opinions dangereufes, qui paffe pour le fléau de notre fexe, qui décrie fur-tout l'amitié conjugale, & qui tourne en ridicule les maris qui font attachés à leurs femmes, & les femmes qui font fidelles à leurs maris?

LA FLEUR.

C'est lui-même.

LISETT E.

Je lui prépare une piece digne de Lifette; il ne s'en rira point. Mais revenons à ton Maître; fon cœur eft-il vacant, ou n'est-il indifféremment occupé que du premier objet qu'il rencontre?

LA

LA FLEUR.

Je te dirai à l'oreille, qu'il a perdu, comme moi, fa liberté au bal, & qu'il eft éperdument amoureux de la Maîtreffe de ma Chauve-fouris. Il brûle auffi pour elle fans la connoître, & ne l'a jamais vue qu'en habit de Vénitienne.

LISETT E.

Cela fuffit, je fuis contente de toi ; tu m'as tenu ta parole, & je te tiendrai la mienne. A ce soir. LA FLEUR.

Dois-je bien me fier à toi? Tu as je ne fçais quel charme qui féduit les gens à qui tu parles, on n'y peut résister : tu aura beau me tromper encore une fois, je ferai pris une troifieme. Je vois venir Madame Dorimene. Adieu. Il eft tems que j'aille rendre réponse à mon Maître.

LISETTE.

Il eft dans mes filets.

Tom. I.

B

J

SCENE V..

DORIMENE, LISETTE.

LISETT E.

E vous l'avois bien dit, Madame, que votre

Mari vous trompoit; mais il s'eft pris lui-même : & notre partie de bal a eu tout le fuccès que nous en pouvions attendre. Il foupire pour fa femme, lorfqu'il croit foupirer pour une autre ; & ce qu'il y a de plus réjouiffant, j'ai fait la conquête de Lafleur fous l'habit de Chauve-fouris, dans le tems què vous avez fait celle de Monfieur Philinte, fous l'habit dé Vénitienne.

DORIM EN E.

Peut-être qu'il m'a reconnue, & que l'amour qu'il a fait paroître n'étoit qu'une feinte. Dorante, que nous avons mis de la partie, doit m'en éclaircir au plutôt ; je l'attends.

LISETT E.

Je viens de lui parler; il m'a dit que votre Epoux avoit mordu à l'hameçon, & qu'il brûloit du defir d'apprendre qui vous êtes; jufques - là même, que vous en devez recevoir une tendre

déclaration par écrit. Lafleur, à qui j'ai tiré les vers du nez, m'a affuré à peu près la même chose. DORIM EN E.

Après tout, Lifette, c'est moi qu'il aime.

LISET TE.

Mais, vertu de ma vie! s'il vous aime, c'est parce qu'il ne vous connoît pas ; &, vous aimer ainfi, n'eft-ce pas vous être infidele?

DORIMENE.

Il eft vrai; je voudrois le haïr, mais je ne puis.

LISETTE.

Vous ne sçauriez haïr votre Mari? vous vous moquez; il n'y a rien de fi naturel à une femme.

DORIMENE.

Qui; à une femme du bel air, à une coquette de profession, qui pense qu'il eft aujourd'hui auffi honteux de dire qu'on aime fon mari qu'il l'étoit autrefois d'avouer qu'on avoit un galant. Mais il n'en eft pas ainfi d'une femme raifonnable, que le devoir regle & que l'honneur conduit. LISETT E.

Quelque vertu que vous ayez, êtes-vous obligée d'aimer fi fcrupuleufement un mari qui méprife vos charmes au bout de fix mois, & qui, loin de tenir

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