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du Logos, l'auteur, comme nous l'avons déjà vu, ne fait pas totalement abstraction de l'origine terrestre du Messie. Et, en effet, dans les discussions antérieures, Jésus s'est plusieurs fois proclamé Fils de Dieu. Il est vrai que, dans l'opinion de ses contemporains, il passait pour être issu de l'union légitime de Joseph et de Marie. Mais les « Juifs » du IV Évang. et les discours qu'ils tiennent se ressentent incontestablement du point de vue de l'auteur, de son milieu et de ses préoccupations. S'ils insinuent que Jésus est né de l'adultère, c'est que cette calomnie était déjà répandue dans les parages où vivait l'évangéliste. On s'étonnera peut-être que, sur un point aussi capital, l'écrivain sacré se contente d'une simple insinuation et qu'il ne réfute pas l'allusion odieuse qu'il met dans la bouche des « Juifs. » Remarquons néanmoins que, dans ce passage, 8, 41-42, le procédé est le même qu'auparavant, 6, 42-43. Dans chacun de ces deux endroits, les ennemis du Sauveur s'insurgent contre ses prétentions à une origine surnaturelle et, chaque fois, Jésus laisse tomber l'objection. Il n'y a qu'une explication à cela : l'évangéliste suppose connus la généalogie humaine du Sauveur et l'Évang. de l'enfance.

4o 8, 48-59.

48 Les Juifs répondirent et lui dirent : « N'avons-nous pas raison de dire que tu es samaritain et que tu as un démon? » 49 Jésus répondit : « Je n'ai point de démon, mais j'honore mon Père, tandis que vous ne m'honorez pas. 50 Je ne recherche pas ma gloire; il est quelqu'un qui la recherche et qui juge. 51 En vérité, en vérité je vous dis, celui qui garde ma parole sera préservé de la mort à jamais. » 52 Les Juifs lui répondirent donc : « A présent, nous savons que tu as un démon; Abraham est mort et les Prophètes aussi, et tu déclares que celui qui garde ta parole ne goûtera* jamais la mort! 53 Es-tu plus grand que notre père Abraham, lequel est mort? Les Prophètes, eux aussi, sont morts. Qui prétends-tu être? » 54 Jésus répondit : « Si je me glorifie moi-même, ma gloire n'est rien. C'est mon Père qui me glorifie, lui dont vous dites qu'il est votre Dieu*. 55 Et vous ne le connaissez pas; mais moi, je le connais et, si je dis que je ne le connais pas, je serai menteur comme vous; mais je le connais et je garde sa parole.

52. Β α θεωρήσῃ, au lieu de γεύσηται.

54. Bon nombre de témoins ont notre Dieu.

56 Abraham, votre père, a tressailli de joie dans l'espérance de voir mon jour; il l'a vu et il s'est réjoui. » 57 Les Juifs lui dirent alors : «< Tu n'as pas encore cinquante ans et tu as vu Abraham?* ». 58 Jésus leur répondit : « En vérité, en vérité je vous dis, avant l'apparition d'Abraham, je suis. » 59 Là-dessus, ils prirent des pierres pour les lui jeter. Mais Jésus se cacha et sortit du temple*.

57. N, Sah. et Syr. sin. lisent et Abraham t'a vu. 58. D et It. omettent yevés0xt.

59. T. R. ajoute : διελθών διὰ μέσου αὐτῶν, καὶ παρῆγεν οὕτως. Ce membre de phrase manque dans les meilleurs témoins, & BD, It., Or.

N.-S. revendique une gloire qu'il tient du Père céleste (48-59). On remarquera la différence de signification du mot daμóvov (48) comparé au mot diabóλos du v. 44. Le diable a été présenté comme l'auteur suprême du mal. « Être le fils du diable » signifie, nous l'avons vu, aller à l'encontre du vrai et du bien. L'expression « avoir un démon » répond à l'idée rendue par le mot latin «< insanire », divaguer (comp. 7, 20; 10, 20). Au temps de N.-S., le terme de « samaritain » était ordinairement pris en mauvaise part. Au point de vue religieux, il exprimait une idée analogue à celle qu'éveillait le terme de « publicain » dans l'ordre administratif. Après avoir déclaré qu'il s'en remet au jugement de son Père (il est quelqu'un qui... juge), Jésus reprend le fil de son enseignement : celui qui demeurera fidèle à ma doctrine vivra éternellement (51). Cette nouvelle promesse est exprimée d'une manière négative: θάνατον οὐ μὴ θεωρήσῃ εἰς τὸν αἰῶνα. Nous trouvons une tournure similaire en deux autres endroits du N. T. (Lc. 2, 26; Hebr. 11, 5); mais dans ces derniers passages, c'est le verbe idɛiv qui est employé, au lieu de fewceiv; il répond mieux à l'expression hébraïque ¶ (Ps. LXXXIX Sept. LXXXVIII, 49; comp. Ps. XVI Sept. XV, 10). Il n'est pas invraisemblable de supposer que notre auteur a été amené à l'emploi du mot θεωρήση comme correlatif de τηρήσῃ par son goût du rythme et de l'allitération. Grâce à cette assonance, la phrase revêt une forme sentencieuse parfaitement en rapport avec le double y qui en marque le début. Une méprise des Juifs ravive la discussion. Comme dans tous ses autres discours, le Sauveur a parlé de la vie surnaturelle de l'âme. Ses adversaires comprennent qu'il s'agit de la vie terrestre. De là leur indignation. Les héros de l'ancienne Alliance,

les prophètes et les patriarches, sont morts; Abraham lui-mème n'a pas échappé à la loi universelle, et vous osez promettre à vos disciples une vie sans fin ! Quel rôle prétendez-vous jouer (52-53)? L'expression γεύσασθαι θανάτου est synonyme de ἰδεῖν θάνατον; on pourrait la rendre en latin par experiri mortem, expérimenter la mort (comp. Mt. 16, 28; Mc. 9, 1; Lc. 9, 27; Hebr. 2, 9). La réponse de Jésus est indirecte. Elle est basée sur un procédé d'argumentation déjà employé dans des circonstances analogues (5, 31-32): Jésus renonce à faire sa propre apologie; il s'en remet au Père du soin de démontrer sa divinité, de le « glorifier » par des miracles (comp. 12, 28; Hebr. 5, 5). C'est à celui qui lui a donné sa mission parmi les hommes qu'il appartient de la confirmer. Je tiens ma mission de celui que vous appelez votre Dieu et que vous ne connaissez pas. Il s'agit ici, bien entendu, d'une connaissance parfaite, qui appartient en propre au Fils unique (1, 18). Jésus agit conformément à cette connaissance (5, 19-20). Le v. 56 est une réponse à l'objection du v. 53. Abraham a tressailli de joie à la pensée que le Messie sortirait de sa race (Gen. 12,3; 18, 18; 22, 18); il a salué de loin sa venue (comp. Hebr. 11, 13). Son désir est dès maintenant satisfait; le Christ qu'il attendait depuis des siècles a fait son apparition en la personne de Jésus1. On voit par là quel est le rapport de dignité entre Jésus et Abraham. Il vit et se réjouit; quelques exégètes ont cru reconnaître dans cette phrase une allusion aux théophanies dont le patriarche Abraham fut gratifié durant sa vie mortelle, notamment à la manifestation divine qui eut lieu dans la vallée de Mambré (Gen. 18); d'après cette interprétation, le Verbe de Dieu aurait été une des trois personnes mystérieuses mentionnées dans le récit de la Genèse. Il est plus conforme à notre texte d'admettre qu'il s'agit, dans la dernière partie du v. 56, de l'existence posthume d'Abraham. Le verbe sloɛv a pour complément thν μéρav thν éμýv. Le jour du Christ ne peut désigner que la vie mortelle du Messie (comp. Lc. 17, 22, 30): du sein des limbes, Abraham assiste à la réalisation des promesses divines. Les Juifs, dans leur réponse (57), commettent une méprise double; ils entendent le mot voir d'une vision

1. ... ὅτι ̓Αβραάμ, πρῶτος περιτομὴν δούς, ἐν πνεύματι προβλέψας εἰς τὸν Ἰησοῦν, quia Abraham primus circumcisionem dans in Spiritu prospiciens ad Iesum. Ep. de Barnabé, 9, 7.

matérielle, et l'attribuent non pas à Abraham, mais à Jésus: Tu n'as pas encore cinquante ans et tu as vu Abraham? Saint Irénée s'appuie sur ce passage pour soutenir l'opinion qu'il déclare tenir des presbytres d'Asie, d'après laquelle Jésus aurait été crucifié vers l'âge de cinquante ans. Son argumentation est fort bien conduite, mais elle se heurte à une tradition trop solidement établie pour être concluante'. Toujours est-il qu'elle met parfaitement en relief la difficulté du texte évangélique; en disant au Sauveur: Tu n'as pas encore cinquante ans, les Juifs paraissent supposer qu'il approche de la cinquantaine. Et telle semble bien être la pensée de l'évangéliste (v. supra, p. 171 s.). Le seul tort d'Irénée, ou de la tradition qu'il représente, est d'avoir transporté dans le domaine de l'histoire une donnée conçue en vue d'une chronologie symbolique. La repartie des Juifs provoque la réponse décisive, qui est la conclusion de cette longue controverse: avant qu'Abraham füt, je suis, πρὶν ̓Αβραὰμ γενέσθαι ἐγὼ εἰμί. Cette opposition entre les deux verbes ciui et ysvécu rappelle la terminologie du prologue (1, 1a et 3a). Au dernier verset, le T. R. ajoute: diɛ20ùv dià μéσou aútív, xxi ларйуεν оÜτшs. Сe membre de phrase, qui ne se rencontre pas dans les mss. B D, est dû, selon toute vraisemblance, à une interpolation de copiste, dans laquelle on a combiné les premiers mots du chapitre suivant avec Lc. 4, 30.

Les mots diable (báboλos) et démon (datuóvtov), aujourd'hui synonymes, expriment, dans le langage évangélique, deux idées sensiblement différentes. Le premier désigne l'esprit du mal par excellence, qui est parfois appelé aussi Satan (Jo. 13, 2; comp. 13, 27); le second se rapporte plutôt aux diverses manifestations de cet esprit. De là l'expression fréquemment usitée dans les Évang. : « avoir un démon » pour caractériser l'état psychologique de celui qui est sous l'empire de l'esprit mauvais. Celui-ci s'insinue dans sa victime, pénètre ses organes, tantôt paralysant les facultés, tantôt troublant leurs fonctions, de manière à produire des allures grotesques et un langage insensé.

1. Contra Hær., II, 22, 5-6. V. supra, p. 15 ss.

§ XVII. Guérison de l'aveugle-né; le Bon Pasteur.

Ce paragraphe embrasse deux récits qui s'enchaînent naturellement, à raison des circonstances de temps et de lieu. Le premier a pour objet la guérison miraculeuse de l'aveugle-né et comprend tout le chap. 9; l'autre contient l'allégorie du bon Pasteur, 10, 1-21.

Dans la guérison de l'aveugle-né, on peut distinguer trois sections narration du miracle, 1-7; enquête, 8-34; résultats du prodige, 35-41.

1° 9, 1-7.

1 Et, en passant, il vit un homme aveugle de naissance. Et ses disciples l'interrogèrent, disant : « Maître, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu'il soit né aveugle? » 3Jésus répondit : « Ni lui ni ses parents n'ont péché; mais c'est pour que les œuvres de Dieu soient manifestées en lui. Il faut que j'opère* les œuvres de celui qui m'a* envoyé, pendant qu'il est jour; la nuit vient, où personne ne peut travailler. Tandis que je suis dans le monde, je suis lumière du monde. » 6Ayant dit cela, il cracha à terre, fit de la boue avec la salive, en enduisit les yeux de l'aveugle, 7et lui dit : « Va, lave-toi dans la piscine de Siloé (ce qui veut dire Envoyé). » Il s'en alla donc, se lava et revint voyant*. :

L et cop. ont, ici encore,

4. NBD L, Cop., Or. lisent užs au lieu de qué. ἡμᾶς, au lieu de με. 7. Syr. sin. ajoute: et, après qu'il se fut lavé le visage, ses yeux s'ouvrirent.

On a signalé avec raison l'analogie frappante qui existe entre la guérison de l'aveugle-né et celle du paralytique de Béthesda, qui est racontée au début du chap 5 : « il y a de part et d'autre un grand prodige, accompli en un jour de sabbat, mis en rapport avec une piscine célèbre, et donnant lieu à un redoublement de haine envers le divin thaumaturge. » Il s'agit ici d'un aveugle de naissance (1), détail particulier,

1. Fillion, Évang. selon s. Jean, p. 189.

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