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Avant d'aborder la deuxième partie du livre, l'évangéliste jette un coup d'œil en arrière, sur la période de lutte qu'il vient de raconter et en tire une conclusion. Ses considérations rétrospectives portent d'abord sur les actions (37-43), puis sur l'enseignement de Jésus (44-50).

a) De tous les événements qui ont été exposés jusqu'ici, deux faits se dégagent avec une netteté parfaite d'une part, la manifestation éclatante du Verbe en la personne de Jésus, d'autre part, l'endurcissement des Juifs. En présence de si nombreux et si éclatants miracles, comment expliquer l'incrédulité invincible d'Israël ? Cette question provoque les réflexions de l'écrivain et l'amène à l'idée de la prédestination. Le v. 37 énonce simplement le fait de l'incrédulité chez ceux qui ont été les témoins des miracles. L'évangéliste semble tout d'abord renoncer à donner lui-même la raison de ce singulier phénomène. Il se retranche derrière l'autorité des prophètes. Mais on voit bien que les textes d'Isaïe ne lui fournissent pas une solution définitive. La question revient sous une autre forme (42) et, cette fois, l'auteur la résout en vertu d'un principe subjectif (43). L'endurcissement des Juifs n'est que la réalisation des oracles messianiques. Le premier texte (Is. 53, 1) est cité d'après la traduction des Sept. L'évangéliste introduit la citation par une formule familière à Matthieu, va inрwo. Dans cette expression, vx ne doit pas s'interpréter, comme on l'a prétendu parfois, dans le sens de ore, ita ut. Elle indique proprement la fin; elle est employée Tελxs, comme disent les grammairiens, et doit se rendre par ut, afin que. La prophétie d'Isaïe, ou plutôt le contenu de cette prophétie, est le motif de l'incrédulité des Juifs'. Les Juifs n'ont pas pu croire, parce que leur incrédulité a été prédite, di TouTo... ött. Donc leur incrédulité est nécessaire à l'accomplissement de la prophétie, va Anρ. Il y a un rapport indissoluble entre la prédiction de l'événement et l'événement lui-même. La seconde citation n'est conforme ni au texte hébreu, ni à la version des Sept. Les verbes mis ici au prétérit, Terupλoxsv... EπópжGεv, sont à l'impératif dans l'hébreu; c'est le prophète qui reçoit de Iahvé l'ordre d'aveugler et d'endurcir. Chez les Sept., ces mêmes verbes sont au passé, mais ils ont un sens réfléchi: Israël s'est aveuglé et endurci. La deuxième moitié du v. 40, à partir

1. «Non potuit fides consistere cum eo quod Isaias de ipsis prædixerat. »> Lucas Brugensis, ad loc.

de foot jusqu'à la fin, dépend de la négation ivz ur, de peur que. On peut se demander à qui l'évangéliste attribue les textes sacrés; est-ce au prophète, à Iahvé ou au Messie? Nous croyons que le premier texte est rapporté comme sortant de la bouche du prophète, tandis que, dans l'autre, c'est le Christ lui-même qui parle et attribue à Iahvé l'endurcissement du peuple juif. Le v. 41 l'indique assez clairement; les deux pronoms qui s'y trouvent ne peuvent s'entendre que du Messie ainsi s'exprima Isaïe, lorsqu'il vit la gloire du Verbe et parla de lui. Il s'agit d'une vision en esprit, dans laquelle le divin Logos se manifesta au prophète et lui révéla l'étrange destinée d'Israël. Il est impossible de ne pas voir une opposition entre le v. 42 et ce qui précède quos μévto, et pourtant, malgré cela, beaucoup eurent foi au Christ et ne furent arrêtés dans le chemin du salut que par le respect humain. Le vrai motif pour lequel la plupart des Juifs ne se sont pas sauvés, c'est que, mis en demeure de choisir entre la gloire de Dieu et la gloire des hommes, ils ont librement préféré celle-ci (43; comp. 3, 19).

b)Le morceau qui termine le chapitre (44-50) constitue la deuxième partie de la conclusion. Ce n'est pas un nouveau discours du Sauveur, mais une récapitulation des discours précédents. Nous avons vu, en effet, que Jésus, après avoir adressé à ses contemporains une dernière exhortation, se retire et disparaît (36). Son ministère public est fini. Or, dans la suite, l'évangéliste rapporte ses paroles comme ayant été prononcées à haute voix et au grand jour, expažev. En second lieu, nous ne trouvons dans ce passage aucun enseignement nouveau; toutes les idées et même toutes les expressions qui y sont contenues se retrouvent dans les entretiens antérieurs. Enfin, l'auteur ne donne aucune indication relative aux circonstances de cette allocution. Au chap. 7, l'auteur emploie deux fois l'expression expažev λéyov; mais il y joint une détermination locale (28) ou chronologique (37). L'aoriste expažev joue le même rôle qu'au v. 42 inícтeugav; dans les deux cas, on rendrait fidèlement la pensée de l'auteur en traduisant par l'imparfait : « cependant beaucoup avaient cru; - cependant Jésus s'était écrié... » Nous sommes donc ici en présence d'un résumé, d'un pastiche fait des traits les plus saillants de la doctrine développée auparavant par Jésus devant les Juifs de Jérusalem. Ce n'est pas un discours fictif. Le narrateur ne s'est pas proposé de composer un discours à sa

façon avec des éléments puisés dans des discours réels. Il a voulu simplement faire la synthèse de l'enseignement public du Sauveur. Pourtant, ce résumé n'est pas dépourvu d'une certaine méthode; il est destiné à mettre en opposition avec l'incrédulité des Juifs la foi chrétienne, ses motifs et ses conséquences. Le principal motif d'adhésion consiste dans l'union de Jésus avec son Père céleste ajouter foi à la parole de Jésus, c'est ajouter foi à la parole de Dieu. Cette idée se présente à deux reprises: 44-45 et 49-50. Nous l'avons rencontrée sous différentes formes dans la bouche du Sauveur (5, 30, 36; 6, 38; 7, 16, 28-29; 8, 28-29, 38, 42; 10, 38). Les trois versets intermédiaires (46-48) expriment l'antithèse entre la foi et l'incrédulité au point de vue des conséquences. D'une part, la lumière et le salut (46), selon les déclarations formelles de Jésus (3, 19, 21; 8, 12; 9, 5; 12, 35); d'autre part, la condamnation volontaire et spontanée (47-48), conformément à la doctrine plusieurs fois exposée (3, 17-21; 5, 29; 9, 39). Le « jugement >> est pris ici dans le sens de condamnation : ceux qui s'obstinent dans leur incrédulité se jugent, c'est-à-dire se condamnent eux-mêmes.

La réprobation du peuple juif est un problème mystérieux que les écrits du N. T. proposent aux méditations de l'exégète et du théologien. S. Paul, dans l'épître aux Romains, après l'avoir considéré sous toutes ses faces (9-11), y voit en définitive un abîme incompréhensible (11, 33). Le fait historique, en soi, est fort singulier. Mais l'explication en est d'autant plus difficile, que les écrivains sacrés le rattachent constamment à la question théologique de la prédestination. C'est le cas pour le texte du IVe Évang. 12, 37-40. Il est dit des Juifs :1° qu'ils ne pouvaient pas croire (39); 2° que Dieu les aveugla et les endurcit. Dans ces conditions, on se demande : où est la responsabilité, où est le péché? L'impossibilité de croire est mise en rapport avec la prophétie d'Isaïe. Étant donné l'oracle infaillible, par lequel Dieu avait déclaré qu'ils ne croiraient pas, ils ne pouvaient pas croire. Dieu connaissait de science certaine leur incrédulité; or, pour qu'il y ait certitude, il faut qu'il y ait nécessité. Mais Dieu connaît leur incrédulité, parce qu'ils sont incrédules, et ils sont incrédules parce qu'ils ne veulent pas croire : « quare autem non poterant credere, si a me quæratur, cito respondeo, quia nolebant; malam quippe eorum voluntatem prævidit Deus, et per prophetam prænuntiavit ille cui futura abscondi non possunt. » En connaissant leur infidélité, Dieu ne la produit

1. S. Augustin, In Joan. Evang., tract. LIII, 6.

pas : « non enim propterea Deus quemquam ad peccandum cogit, quia futura hominum peccata jam novit'. » Mais pourquoi n'ont-ils pas voulu croire? C'est là le deuxième aspect de la question et le plus difficile. Dieu, répond le prophète, les a aveuglés et endurcis. Il importe avant tout de remarquer que ces termes ne peuvent pas être pris à la lettre, à moins d'interpréter le passage d'après les doctrines calvinistes et de faire de Dieu l'auteur du péché. Il faut mitiger les expressions, de manière à leur attribuer un sens compatible avec la doctrine de l'Évangile, d'après laquelle Dieu permet le mal, mais ne le produit pas. La cause positive de cet aveuglement est tout entière chez les Juifs. Dieu n'en est que la cause négative, en tant qu'il ne l'a pas empêché : << Sic enim excæcat, sic obturat Deus, deserendo et non adjuvando2. » Pourquoi nel'a-t-il pas empêché, pourquoi n'a-t-il pas éclairé les Juifs de sa grâce? Parce qu'ils y étaient réfractaires, répond s. Thomas 3. Ils sont restés plongés dans les ténèbres, parce qu'ils avaient horreur de la lumière; ils sont demeurés infidèles, parce que leurs œuvres antérieures ne les avaient pas disposés à recevoir la foi (3, 19-21). Ils sont donc responsables de leur endurcissement. Au point de vue simplement historique, la réprobation d'Israël est un fait étrange au premier abord. Peut-on concevoir que la nation sainte, que le peuple choisi ait été abandonné de Dieu ? Cependant, il en a été ainsi. Une faible minorité parmi les Juifs a été élue, tout le reste a été rejeté (Rom. 11, 7). Pourquoi cela? Afin que la voie du salut, répond s. Paul (Rom. 11, 25), restât ouverte au monde païen. La prévarication d'Israël a fait la richesse des Nations (Rom. 11, 12), la perte des Juifs a fait le salut du monde

1. S. Thomas, Evang. Joan., cap. XII, lect. 7, 2. 2. S. Augustin, loc. cit.

3. L'exposition de s. Thomas se rattache à une question assez importante pour que nous la reproduisions intégralement : « Sciendum quod excæcatio et induratio Dei non intelligitur quasi Deus immittat malitiam, vel ad peccandum impellat; sed per hoc quod non infundat gratiam : quam quidem gratiam infundit ex sua misericordia; sed causa hujus quod non infundit est ex parte nostra, in quantum scilicet in nobis est aliquid gratiæ divinæ repugnans. Nam ipse, quantum in se est, illuminat omnem hominem venientem in hunc mundum (Jo. 1, 9). Vult omnes homines salvos fieri (I Tim. 2, 4). Sed quia nos a Deo recedimus, ideo gratiam suam nobis subtrahit... Et est simile sicut si aliquis clausisset fenestram domus, et diceretur ei : tu non potes videre, quia privaris lumine solis. Sed hoc non esset ex defectu solis, sed quia ipse sibi lumen solare interclusisset. Et similiter hic dicitur quod non poterant credere quia Deus excæcavit eos : quia scilicet ipsi causam præstiterant ut excæcarentur, secundum illud Sap. 2, 21 excæcavit illos malitia eorum. » Evang. Jo., cap. XII, lect. 7, 3.

(Rom. 11, 15). Dans l'économie de la divine Providence, le rôle du peuple hébreu est subordonné aux intérêts surnaturels de l'humanité; sa prépondérance n'a été que provisoire. Le culte légal fut un moyen, un instrument; en présence de l'Évangile, il devenait une entrave. Les épîtres de s. Paul nous ont conservé l'écho des dissentiments que provoqua au sein de la chrétienté naissante le parti des judaïsants. Que serait-il advenu de l'Église, si, dès l'origine, le peuple juif s'était converti en masse au christianisme?

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