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primitive1. Ce ne peut être qu'en vertu d'une tradition de ce genre que le quatrième évangéliste appelle le compagnon de Pierre « l'autre disciple », sans crainte de provoquer un malentendu.

Enfin, un quatrième argument nous est fourni par le chap. 21. Au verset 24, nous lisons: C'est ce même disciple qui atteste ces choses et qui a écrit cela, et nous savons que son témoignage est véridique. Nous ne partageons pas l'opinion commune, qui voit dans cette déclaration une preuve directe de l'origine apostolique du livre tout entier. Selon nous, les mots zal épázs 2ÜTX doivent s'entendre, non de tout l'Evangile, mais seulement des versets qui précèdent, où il est question de l'immortalité éventuelle du disciple bien-aimé. Cependant, ils peuvent servir de point de départ à un argument qui, pour être indirect, n'est pas dépourvu de valeur. Le dernier chapitre du IVe Evangile est un morceau ajouté au livre après coup et constitue un véritable appendice. L'auteur qui l'a inséré en ajoutant les versets 24 et 25 n'a fait qu'utiliser des documents préexistants, comme le prouvent les sutures des versets 1 et 14. Or, il nous indique lui-même l'origine de ces documents en nous disant, au verset 24, que ce qu'on vient de lire a été écrit par ce même disciple auquel Jésus avait adressé les paroles prises à tort pour une promesse d'immortalité. Ce disciple n'est autre que l'apôtre préféré de Jésus. D'un autre côté, l'examen interne porte à croire que les documents qui constituent ce dernier chapitre (2-13 et 15-23) sont de la même main que le reste du livre. Ainsi, l'attestation contenue au verset 24, c'est ce même disciple... qui a écrit cela, vise directement les versets qui précèdent (22-23), mais doit s'étendre au récit tout entier et s'appliquer, par voie de conséquence, au reste du livre.

L'ensemble des considérations que nous venons d'exposer et qui découlent naturellement d'un examen attentif du livre corroborent les données fournies par la tradition primitive et nous permettent de conclure que le IVe Évangile a été écrit par l'apôtre Jean. Le fils de Zébédée n'est nommé nulle part; mais on peut le

1. Lc. 22, 8; Act. Ap. 3, 1, 3, 4, 11; 4, 13, 19; 8, 14; Gal. 2, 9. 2. Voir le commentaire, ad loc.

reconnaître en plusieurs endroits où, sous le couvert de l'anonyme, il est au premier plan. Cet inconnu, en effet, a certainement été l'un des douze apôtres; il se donne comme un témoin oculaire des faits évangéliques; il a même eu avec le Maître des rapports de tendre affection et il joue un rôle considérable dans les circonstances les plus marquantes. Tout cela convient parfaitement au fils de Zébédée. D'autre part, on sent qu'il y a, entre le personnage anonyme et le rédacteur du récit, une relation très étroite. On entrevoit l'artifice de l'écrivain qui se dédouble en quelque sorte, tout en ayant soin de se laisser reconnaître. Pourquoi ce procédé? Est-ce la modestie qui empêche l'auteur de se mettre directement en scène? Cette raison est, en elle-même, fort plausible. En tout cas, elle est de beaucoup préférable à l'explication donnée par un certain nombre de critiques, qui voient, dans la façon mystérieuse dont saint Jean est présenté, le subterfuge d'un faussaire désireux de se faire passer aux yeux du lecteur pour l'apôtre bien-aimé. S'il en était ainsi, on ne se serait pas contenté d'insinuer l'identité entre saint Jean et le rédacteur du livre, et de la laisser deviner; on aurait fait sonner bien haut le nom de l'apôtre; on aurait affecté de le mettre en avant et de le faire parler à la première personne. C'est ainsi qu'ont agi tous les auteurs d'écrits apocryphes à l'égard des personnages dont ils empruntaient le nom 1.

Nous avons à rechercher maintenant quel est l'appoint personnel de l'apôtre dans la rédaction du IVe Évangile, les sources auxquelles il a puisé et les modifications que son œuvre a pu subir avant d'être publiée. C'est la question de la composition.

6. La composition.

Nous possédons sur ce point une notice que les anciens auteurs ecclésiastiques se sont passée de main en main et qui, sous ce rapport, peut être appelée traditionnelle. Le Canon de Muratori

1. Ce trait est particulièrement frappant dans l'Évangile de Pierre : « Et nous, les douze disciples du Seigneur, nous pleurions et nous étions désolés... Et moi, Simon-Pierre et André, mon frère, ayant pris nos filets, nous retournâmes à la mer. » 59-60.

la reproduit dans sa forme primitive: Johannes ex discipulis cohortantibus condiscipulis et episcopis suis dixit: conjejunate mihi hodie triduo et quod cuique fuerit revelatum, alterutrum nobis enarremus. Eadem nocte revelatur Andreæ ex apostolis, ut recognoscentibus cunctis Johannes suo nomine cuncta describeret (11.9-16). Nous la retrouvons dans Clément d'Al. réduite à une expression plus simple: ἔλεγεν [ὁ πρεσβύτερος] (v.1. ἔλεγον [οἱ πρεσβύτεροι])... τὸν μέντοι Ἰωάννην ἔσχατον συνιδόντα, ὅτι τὰ σωματικά ἐν τοῖς εὐαγγελίοις δεδήλωται, προτραπέντα ὑπὸ τῶν γνωρίμων, πνεύματι θεοφορηθέντα, πνευματικὸν ποιῆσαι εὐαγγέλιον 1. Elle a été en vogue surtout chez les écrivains de l'Église latine, d'après lesquels Jean aurait écrit son Évangile poussé (compulsus) par les évêques d'Asie. Nous sommes ici en présence d'une légende, dont l'étude comparative des textes permet de suivre l'évolution. Le fragment de Muratori la donne naïvement dans tous ses détails. Les écrivains qui l'ont suivi l'ont modifiée pour la rendre acceptable et la mettre en rapport avec l'origine probable du IVe Évangile. D'après l'ensemble des documents, elle se réduit aux données suivantes : le IVe Évangile a été écrit par l'apôtre Jean, mais c'est l'entourage apôtres (Mur.), disciples (Clém. d'Al.) ou évêques (écrivains latins) — qui ont pris l'initiative de la rédaction. Ces indications émanent d'une source suspecte. Il est probable, en effet, que le fragment de Muratori relève des Acta Joannis de Leucius Charinus 3. Il serait donc imprudent de voir dans cette notice autre chose qu'un récit d'origine légendaire, qui s'est modifié jusqu'au point de devenir vraisemblable, grâce aux transformations systématiques, que lui ont fait subir les écrivains postérieurs. Cependant, n'y aurait-il pas, au fond de tout cela, comme un écho de la vraie tradition et un reflet de la

1. Hypot. (dans Eus., H. E., VI, 14).

2. Victorin, Comment. in Apoc., 11, 1; s. Jérôme, De Vir. ill., 9; Préface du Comm. in Matth.; Augustini opera, Tract. in Jo., præfatio incerti auctoris; Primasius, Comm. in Apoc., 1. I, préface. On rencontre des vestiges de cette même tradition chez les Pères grecs. Cf. Zahn, Gesch. des neut. Kan., II, p. 839 ss.

3. Le fragment de Mur., dépend des Acta Petri. Or ce dernier livre par it être du même auteur que les Acta Jo. Cf. Zahn, Gesch. des neut. Kan, II, p. 844, n. 1.

réalité historique ? L'entourage de l'apôtre n'aurait-il pas joué un certain rôle dans l'élaboration et la publication de l'Évangile johannique? C'est là une question délicate, je dirai même subtile, sur laquelle nous ne pouvons être renseignés que par l'examen interne du livre.

Le IVe Évangile offre, il est vrai, un plan régulier et un ordre chronologique constant. On peut néanmoins y découvrir, chap. 18, les traces d'un certain trouble. Dans le passage où est raconté l'interrogatoire du Sauveur (12-27), Jésus est conduit devant le grand prêtre (24), après que le grand prêtre vient de l'interroger (19-23); d'autre part, nous lisons au verset 18 les circonstances qui doivent provoquer le deuxième reniement de Pierre, et le reniement n'est rapporté qu'au verset 25. Pour donner de ce fragment une explication rationnelle, il faut de toute rigueur transposer les versets. Si nous passons aux dernières pages de l'Évangile, nous y découvrons des indices curieux les versets 30-31 du chapitre 20 constituent une finale et le chapitre 21 est une sorte d'appendice. De plus, les attestations contenues 19, 35 et 21, 24 ont un caractère étrange. Si l'on veut bien y réfléchir, on se persuadera aisément que le livre, ici encore, a subi quelques modifications. On peut en dire autant du prologue, où les passages 14- et 16-18 ne peuvent guère s'expliquer qu'à la condition de les considérer comme des retouches.

:

Ce sont des indices de ce genre qui ont amené M. Spitta, à penser que, dans l'état actuel du IVe Évangile, plusieurs passages étaient transposés, et à rechercher quelle avait dû être la disposition primitive du texte. Son système, à vrai dire, ne regarde pas tant la composition du livre que sa conservation et son intégrité. Selon lui, l'autographe aurait compris un assez grand nombre de feuilles détachées, ce qui aurait permis aux premiers éditeurs, c'est-à-dire aux premiers copistes, de pratiquer des transpositions. En raison de cette même circonstance, quelque partie du livre aurait pu s'égarer. A la faveur de ces remarques générales, le savant auteur s'évertue à rétablir la disposition primitive du texte. Ses tentatives portent sur quatre points: a) Le passage 7, 15-24 a sa place normale immédiatement après 5, 47. - b) La place qui, dans l'édition cano

nique, est occupée par la péricope de la femme adultère (7, 538,11) correspond à une lacune de l'édition primitive; cette lacune est due à la disparition d'un feuillet. c) Le contenu des chapitres 13 - 17 se présentait d'abord dans l'ordre suivant : 13, 1-31; 15-16; 13, 31b-14; 17.-d) Enfin, le récit de la comparution de Jésus devant le grand prêtre (18, 12-27) doit se reconstituer de la manière suivante : 12-13; 19-23; 24; 14; 15-18; 25b: 271.

Les remarques générales que M. Spitta prend pour point de départ de ses investigations nous paraissent fort justes. Mais fournissent-elles une base suffisante aux hypothèses que nous venons d'énumérer? D'abord, pour ce qui regarde le passage 18, 12-27, il s'agit là d'un morcellement trop détaillé pour qu'il puisse être question d'une transposition de feuillets. D'ailleurs, sur ce point, les vues de l'auteur trouvent dans la disposition actuelle du texte une justification suffisante 2. Peut-on en dire autant du déplacement proposé au sujet de 7, 15-24? Voici une considération capable de donner quelques vraisemblances à l'opinion de Spitta le fragment dont il s'agit contient une allusion à la guérison du paralytique de Béthesda (21, 23). Or, cette guérison miraculeuse est racontée au début du chap. 5 et se rattache à la fête de Pâques, tandis que le chap. 7 se rapporte à la fête des Tabernacles. Il y a lieu de s'étonner que le miracle de Béthesda soit remis en question six mois après l'événement, tandis que le reproche de Jésus aux Juifs, énoncé 7, 23, se comprend très bien à la suite des discussions qui remplissent la première moitié du chap. 5. Tout cela est fort juste, si l'on se place au point de vue objectif et que l'on considère l'ordre des faits. Mais, quand il s'agit d'un livre comme le IVe Évangile, il faut s'attacher avant tout à suivre la pensée de l'auteur. Et, à ce point de vue, les paroles du Sauveur 7, 21, 23 ont une place aussi naturelle au milieu du chap. 7 qu'à la fin du chap. 53. Une autre raison paraît militer en faveur de la théorie de Spitta: c'est que, dans les deux passages qu'il s'agit de réunir, l'argumentation de Jésus roule sur « la Loi de Moïse » (5, 45-47; comp. 7, 19,

1. Zur geschichte und Litteratur des Urchristentums, I, p. 155-204. 2. Voir le commentaire, ad loc.

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