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L'œuvre salutaire de Jésus-Christ doit être complétée et couronnée par l'Esprit-Saint, qui apparaît, dans le IVe Évangile, comme une hypostase distincte sous le nom de Paraclet (14, 16, 26; 15, 26; 16, 7). L'avènement du Saint-Esprit dépend à la fois de Jésus et du Père. Le Sauveur déclare tantôt que le Père l'enverra en son nom (14, 26), tantôt qu'il l'enverra lui-même de la part du Père (15, 26). En tout cas, il ne pourra accomplir sa tâche que lorsque le Christ aura quitté le monde pour retourner à Dieu (16, 7). Le IVe Évangile nous présente donc les trois personnes, à savoir Dieu (le Père), Jésus-Christ (le Fils) et le Paraclet (l'Esprit-Saint), dans les rapports d'une union très étroite. L'être et les attributs divins se communiquent du Père au Fils et du Fils à l'Esprit; dans un ordre inverse, l'Esprit glorifie le Fils (16, 14) qui, à son tour, glorifie le Père (13, 31-32). Tels sont, nous semble-t-il, les traits les plus propres à caractériser la théologie de l'Evangile johannique.

3. Style.

Le caractère doctrinal que nous venons de signaler a réagi sur la forme. La disposition générale du IVe Évangile est celle d'une œuvre savamment conçue et habilement exécutée. La parabole, dont les Synoptiques font un si fréquent usage, en est complètement bannie. Par contre, l'enseignement y est souvent présenté d'une façon pittoresque, à la faveur d'un artifice littéraire, que l'auteur emploie sous une double forme, le symbolisme et l'allégorie. Au genre symbolique appartiennent les traits suivants, dont l'évangéliste a soin d'indiquer, d'une manière plus ou moins directe, la portée figurative : le temple (2, 19-22), le serpent d'airain (3,14), la manne (6, 31-32, 49-50, 58), la résurrection de Lazare (11, 25), le crurifragium (19, 36). L'allégorie est représentée par deux récits que l'on peut citer comme modèles du genre, celui du bon pasteur (10, 1-16) et celui de la vigne (15, 1-17)1. Les discours sont remplacés par des

1. Il y a une différence bien marquée entre l'allégorie et la parabole. 1o La parabole est un apologue, un récit formant en soi un tout complet, un tableau que l'on peut se représenter indépendamment de toute applica

sortes de conversations, de dialogues ou de discussions. L'opposition des pensées se reflète dans la structure des phrases et produit le parallélisme, résultat de l'antithèse (3, 36; 12, 44 ss.). Les propositions brèves se succèdent, de manière à donner à la phrase une allure rythmique; au lieu de combiner les membres de phrase dans une même période, l'auteur se borne le plus souvent à les juxtaposer, en les réunissant au moyen de la conjonction zzì, imitant en cela le style hébreu (1, 1, 4-5, 10; 10, 27-28; 13, 31-32; 14, 23). Ce procédé simplifie la syntaxe, mais rend l'enchaînement des idées souvent difficile à saisir. Parfois cependant on rencontre la période carrée, phrase composée de deux membres symétriques, dont chacun comprend deux parties (11, 9b-10; 15, 15). Un trait fort caractéristique du style johannique consiste à répéter à plusieurs reprises une même formule, que l'on fait suivre chaque fois d'un développement explicatif (6, 48, 51; 10, 7, 9, 11, 14; 11, 9, 10). Il importe de signaler aussi les transitions ambiguës, qui ne permettent pas de déterminer l'endroit précis où cesse le style direct (1, 15-16; 3, 11-12, 30-31). L'ordre logique, dans la structure des phrases, est généralement observé; on rencontre assez souvent des exemples de raisonnements construits d'après la forme syllogistique et qui rappellent la dialectique péripatéticienne (5, 19-21; 6, 38-40; 7,18; 10, 28-30; 16, 14-15); parfois cependant la tournure

tion morale. L'allégorie est une simple image, qui tire toute sa signification de l'idée à laquelle on la rapporte. La parabole donne un corps à l'enseignement qu'elle exprime; l'allégorie ne fait que le colorer. 2o Dans la parabole, les termes sont employés au sens propre, pour désigner directement une réalité historique ou fictive, que l'on présente comme le type ou la figure de l'enseignement moral. Dans l'allégorie, au contraire, les mots revêtent un sens métaphorique et expriment directement les idées de l'écrivain. Ainsi, dans les discours allégoriques du Sauveur, que nous trouvons dans le IVe Évangile, 10, 1-16 ou 15, 1-6, ces propositions: Je suis la porte, je suis le bon Pasteur, je suis le cep, vous êtes les rameaux sont autant de métaphores. Considérons maintenant dans saint Luc, 15, 11-32, la parabole de l'enfant prodigue: Un homme avait deux fils, et le plus jeune dit au père, etc.; les termes de père et de fils sont employés avec leur signification ordinaire. Enfin 3o l'allégorie n'étant qu'un symbole, on la retrouve dans les productions artistiques, en peinture et en sculpture, tandis que la parabole est un genre exclusivement littéraire.

se complique par quelque inversion ou par l'insertion d'une proposition incidente, qui vient séparer un sujet de son complément grammatical (1, 9; 11, 1; 18, 18, 25). A noter enfin la répétition de la même idée en termes identiques (1, 20; 3, 31; 13, 34; 16, 14-15, 16-19; 18, 15-16) 1.

Sous le rapport de la terminologie, on remarque l'usage fréquent des mots abstraits (vie, mort, vérité, plénitude, péché, justice), l'emploi métaphorique de mots concrets (lumière, obscurité, eau, chair, monde). Parfois, un même terme présente, dans un même contexte ou à propos d'un même objet, des significations différentes; tels sont κόσμος (1, 9-10), ἐγείρειν (2, 19-20), avшDEV (3, 3-7), buca (3, 14 et 12, 32), yevvac0x (1, 13 et 3, 3), πνεῦμα (3, 8), κρίνειν (3, 17), ἀποθνήσκειν (4, 49 et 6, 50), ἁγιάζειν (10, 36; 11, 55; 17, 17-19), c.custy (1, 37 et 21, 20) 2. L'Évangile johannique abonde en antithèses; l'opposition des mots est encore un de ses traits distinctifs lumière et obscurité (1, 5), esprit et chair (3, 6), choses célestes et choses terrestres (3, 12), être sauvé et être jugé (3, 17), ciel et terre (3, 31), vie et mort (5,24), choses d'en haut et choses d'en bas (8, 23), vérité et mensonge (8,44). Il convient de signaler également la présence d'un certain nombre de mots hébreux (pa66í ou px66cuví, Μεσσίας, Κηφᾶς, ἀμήν, ἀμήν, Βηθέσια, μάννα, Σιλωάμ, Θωμᾶς, ὡσαννά, Γαββαθά, Γολγοθά) et de quelques tournures sémitiques, telles que ἐκ τῶν Φαρισαίων (1, 24), ἔρχου καὶ ἴδε (1, 46), ἀπῆλθον εἰς τὰ ὀπίσω (6, 66), ἐξουσίαν πάσης σαρκός (17,2), ὁ υἱὸς τῆς ἀπωλείας (17, 12).

Tous ces traits réunis donnent à l'Évangile johannique une physionomie propre, un caractère profondément original.

4. Rapport du quatrième Évangile avec les Synoptiques.

Une tradition fort ancienne assure que l'auteur du IVe Évangile a connu les Synoptiques 3. Et cependant, son œuvre est si différente de celles de ses devanciers ! a) D'abord au point de vue

1. Cf. Rev. bibl., VII, p. 542, note 2.

2. H. J. Holtzmann, Das Evangelium des Johannes 2, p. 4.

3. Clément d'Alexandrie, dans Eusèbe, Histoire ecclésiastique, VI, 14.

du plan général du livre notre évangéliste omet complètement la naissance et l'enfance du Sauveur, que nous lisons dans Matthieu et dans Luc. De plus, tandis que les trois Synoptiques s'accordent à ne raconter qu'un seul voyage de Jésus à Jérusalem, le IVe Évangile en mentionne cinq (2, 13; 5, 1; 7,10; 10, 22-23; 12, 12). Chacun de ces voyages est rattaché à une fête spéciale. La série de ces solennités constitue un cadre chronologique qui embrasse trois années entières, à moins d'admettre que la fête dont il est question 5, 1 est une fête autre que celle de Pâques, ce qui est peu probable, principalement à cause de la notice 4, 35. Or le ministère de Jésus, tel qu'il est raconté dans les trois premiers Évangiles, paraît bien se restreindre à l'espace d'un an. — b) Dans les trois premiers Évangiles, le théâtre de la prédication évangélique est la Galilée; Jésus ne se rend à Jérusalem que pour y souffrir la Passion. L'Évangile johannique, au contraire, représente le Sauveur exerçant son ministère habituellement en Judée, en particulier dans la métropole; c'est à peine s'il reproduit quelques épisodes du ministère galiléen 2, 1-12; 4, 43-54; 6—7, 9; 21. Encore ce dernier passage est-il un hors-d'œuvre, un morceau étranger au plan primitif du livre. c) Pour les récits, notre Évangile marche à peu près de front avec les trois autres dans l'histoire de la Passion. Hors de là, nous ne rencontrons guère que six petits fragments, dans lesquels il se rapproche des Synoptiques. Ce sont : 1, 19-34 (témoignage de Jean-Baptiste), 2, 13-16 (purification du temple), 4, 46-54 (guérison du fils de l'officier), 6, 1-13 (multiplication des pains), 6, 16-21 (marche sur le lac), 12, 1-8 (onction), 12, 12-16 (les rameaux). Encore ces rapprochements sont-ils plus extérieurs que fondamentaux. A vrai dire, il est plus aisé, dans la plupart de ces différents cas, de signaler les divergences que les points de contact. Pour ce qui est des miracles en particulier, nous en lisons sept dans le IV Évangile. Sur ce nombre, deux seulement peuvent être considérés avec certitude comme parallèles à ceux des Synoptiques. Ce sont la multiplication des pains (6, 1-13 = Mt. 14, 13-21; Mc. 6, 32-44; Lc. 9, 10-17) et la marche sur le lac (6, 16-21 Mt. 14, 22-33; Mc. 6, 45-52). Quant aux cinq autres changement de l'eau en vin (2, 1-11), guérison du fils du gouverneur (4, 46-54), guérison du paralytique (5, 1-15), guérison

=

ou

d'un aveugle-né (9, 1-7), résurrection de Lazare (11, 17-44) bien ils sont entièrement originaux, ou bien ils rappellent des prodiges simplement analogues à ceux des Synoptiques. — d) Au milieu des longs développements que le quatrième évangéliste met dans la bouche du Sauveur, l'identité verbale avec les discours de Jésus dans les Synoptiques se réduit à une quinzaine de << paroles » au plus :

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12, 7-8 12, 25

Mt. 26, 61 (27, 40); Mc. 14, 58 (15, 29).
Mt. 13, 57; Mc. 6, 4; Lc. 4, 24.

Mt. 9, 6; Mc. 2, 11; Lc. 5, 24.
Mt. 14, 27; Mc. 6, 50.

=

=

Mt. 26, 11-12; Mc. 14, 7-8.

Mt. 10, 39; 16, 25; Mc. 8, 35; Lc. 9, 24 ; 17, 33. 12, 27 Mt. 26, 39; Mc. 14, 36; Lc. 22, 42.

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Il est probable que l'auteur du IV Évangile a connu les écrits de ses devanciers, mais les coïncidences verbales sont si rares, que l'on peut se demander s'il a avec eux un lien de dépendance littéraire.

L'Evangile johannique est donc une œuvre à part dans le canon du Nouveau Testament. L'histoire évangélique y apparaît à travers les développements du dogme. La tradition nous invite à chercher son origine dans cet enseignement oral qui, vers la fin du premier siècle, florissait en Asie Mineure et dont l'apôtre saint Jean fut l'âme. C'est là une question d'intérêt capital, que nous allons examiner maintenant.

5. L'auteur.

Dès la fin du second siècle, plusieurs écrivains ecclésiastiques, Théophile d'Antioche, Clément d'Alexandrie, saint Irénée, recon

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