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Et je n'aimerais pas qu'on me sautât au cou :
Mais de faire la Chatte-mite,

D'affecter comme vous un minois sérieux,

Tandis que nous savons qu'Amour vous sollicite,
Et qu'à de certains Chats vous faites les doux yeux,
Je vous le dis tout net, Grisette, j'aime mieux
Une folle qu'une hypocrite.
Mettez-vous avec moi dessus un autre pié
Si vous voulez long-tems garder votre conquête.
Je suis un coureur de clapié:

Chat qui prend des lapins ne passe pas pour

Adieu jusqu'au premier sabbat:

bête.

C'est là que j'attendrai réponse à cette lettre,
Et que vous connaîtrez, si je livre combat,
Que je sais plus tenir que je ne sais promettre.

Et

MITTIN,

CHAT DE MADEMOISELLE BOCQUET,

A GRISETTE.

GRISETTE, vous faites du bruit,

Non de ce bruit que font durant la nuit

Les Minettes trop amoureuses ;

C'est un bruit que la gloire suit,

que font en tout tems les Chattes précieuses.
Ce bruit est venu jusqu'à moi;

Il a troublé ma solitude.

Je vivais libre, exempt de l'amoureuse loi,
Et je sens de l'inquiétude.

Il me revient de tous côtés

Que vous avez cent rares qualités :

On dit que vous avez le regard doux et tendre,
Et que, pour en faire comprendre

La charmante douceur et le brillant éclat,
Vous n'avez pas des yeux de Chat.

On dit que la nature, adroite et bienfaisante,
Vous a fait de sa main une robe luisante,
D'un petit gris beaucoup plus fin
Que le petit gris de lapin!

Que vous savez, avec cent tours d'adresse,
Chasser les plus fâcheux enhuis,

Faire des jours heureux et d'agréables nuits
A votre savante maîtresse.

On vous voit quelquefois, d'un manège léger,
Sauter, bondir et voltiger,

Et quelquefois, en galante Minette,

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Vous dresser sur vos pieds pour atteindre au miroir,
Prendre plaisir à vous y voir,

Y consulter vos traits en illustre coquette,
En Chatte d'importance, et non pas en Grisette.
Vous n'avez rien de brutal et de bas:

On ne vous vit jamais souiller vos pattes,
Innocentes et délicates,

Du sang des souris et des rats.

En amour vous avez les plus belles manières:
Vous n'allez point par des cris scandaleux
Promener sur les toits la honte de vos feux,
Ni vous livrer aux Matous des gouttières;
Par un tendre miaulement

Vous expliquez votre tourment;

Et vous savez si bien, dans l'ardeur qui vous presse,
Toucher votre illustre maîtresse,
Qu'elle prend soin de vos plaisirs,
Et d'un digne galant régale vos desirs.
J'en pourrais dire davantage

Sur le bruit qu'on fait tous les jours

De vos charmans appas, de vos tendres amours.
On n'en dit que trop, dont j'enrage.
J'enrage de bon cœur, Grisette, quand je voi
Tant d'appas, tant d'amour qui ne sont pas pour moi:
Je sens que le bruit que vous faites

Allume dans mon cœur des passions secrettes,
Que, dans tous les pays des plus tendres Matous,
Nulle autre n'allume que vous.

Mais il est tems enfin de mettre en évidence
Et mes talens et mes exploits;

Ma solitude et mon silence

M'ont oté jusqu'ici l'honneur de votre choix:
Il faut vous faire ma peinture,

Vous dire que je suis un Chat des mieux appris.
C'est trop languir dans une vie obscure;

Et, comme enfin la nuit tous Chats sont gris,

Il faut mettre au jour ma figure:

J'ai la mine assez haute, et l'air fort glorieux;
Tant d'éclat brille dans mes yeux,

Qu'on prend mes ardentes prunelles
Pour des astres ou des chandelles;
Je ne suis point sujet aux fâcheux accidens
Où tombent les Chats imprudens;
Ma conduite n'a rien de brutal, de sauvage,
Et je ne fis jamais aucun mauvais usage
De mes griffes ni de mes dents;

Quoique mon sérieux marque trop de sagesse,
Et me donne tout l'air d'un sévère docteur,
Quand il faut plaire à ma maîtresse

Je suis badin, je suis flatteur;

Je la baise, je la caresse

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Et la plus enjouée et brillante jeunesse

L'est bien moins que ma belle humeur.
Savez-vous de quel air discret et raisonnable
J'ai ma part dans un bon repas?
J'appuie adroitement ma patte sur les bras
De ceux qui sont assis à table:
Si leur faim est inexorable

Ma faim ne se rebute pas,
Et, d'un air toujours agréable,
Je tire du moins charitable

Les morceaux les plus délicats,

Qu'à la fin il me tend d'une main libérale. (*)

(*) Ce vers et le suivant ont visiblement été estropiés dans les précédentes éditions; on a cru devoir les restituer au sens de Madame Deshoulières, sans prétendre la corriger.

Enfin, quoique je sois un Chat des mieux nourris, Je chasse d'une ardeur qui n'eut jamais d'égale: Nul Matou mieux que moi ne chasse dans Paris; Et je prétends qu'un jour mon amour vous régale D'une hécatombe de souris.

RÉPONSE DE TATA A GRISETTE.
GRISETTE, avec raison je suis charmé de vous;
Vous avez de l'esprit plus que tous les Matous;
Jamais, à ce qu'on dit, Chatte ne fut mieux faite:
Mais, ceci soit dit entre nous,
N'êtes-vous point un peu coquette?

Vous pouvez l'avouer sans paraître indiscrette:
Le mal n'est pas grand en effet;
Et s'il faut tout dire, Grisette,
Moi-même, franchement, je suis un peu coquet,
Malgré la perte que j'ai faite.

On peut bien sans amour écrire galamment,
Quand on a comme vous tant de belles lumières;
Mais, croyez-moi, pour parler savamment,
Surtout en certaines matières,

Il faut avoir fréquenté les gouttières :
On ne devient point habile autrement.
Après tout c'est une faiblesse

A nous de n'oser coquetter:
Sur ce point pourquoi nous flatter?
Les Matous coquettent sans cesse;
Tome XII.

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