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partie tragique du Joueur de Regnard, et qui est assuré d'une immortalité relative, parce qu'on ne peut pas parler de l'un sans se croire obligé de parler de l'autre.

Tels encore La Harpe et Marmontel; mais ceux-ci eurent tous les deux cette destinée particulière qu'après avoir commencé par la tragédie, ils se tournèrent vers la critique, critiquèrent pour se délasser d'être critiqués et donnèrent de bonnes leçons pour se revancher d'avoir donné de mauvais exemples. La Harpe était l'élève particulièrement chéri de Voltaire, son thuriféraire, disaient les gens bien élevés, et son « singe », disaient les autres. Warwick, Timoléon, Pharamond, Gustave Wasa, Menzikoff, les Barmécides, Jeanne de Naples, les Brames, Coriolan, Virginie, Philoctète, témoignent d'un grand labeur, d'une certaine habileté dramatique et d'une grande ténacité devant l'insuccès. Sur un autre théâtre, à savoir à l'Académie française, il s'obstinait autant et réussissait mieux. Les éloges de Henri IV, de Fénelon, de Racine, de Catinat, d'autres encore, furent successivement couronnés par l'Académie qui finit par l'admettre au nombre des quarante autant pour le louer que pour ne plus l'entendre louer les autres. Vers la fin de sa carrière, il se fit professeur de littérature, ce qui était sa véritable vocation. Son cours du Lycée forma quelques volumes d'une très saine et assez fine critique, où se révèlent de grandes lacunes relativement à la connaissance de la littérature ancienne, mais beaucoup de savoir et de goût pour ce qui regarde le XVII et le XVIIIe siècle, et qui, tout compte fait, forme la première histoire suivie de littérature qui ait paru en France.

Marmontel eut aussi ses tragédies, ses succès académiques et les bonnes grâces de Voltaire. Il fit un Denis le

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tyran, un Aristomène, une Cléopâtre, des Héraclides, un Égyptus. Tout cela, quelquefois applaudi, quelquefois un peu sifflé, était assez faible et n'avait jamais de succès durable. Marmontel se ramena à la « vile prose » où il réussit. Il était un critique et surtout un théoricien littéraire très intelligent. Il fut choisi par Diderot pour faire la plupart des articles de littérature de l'Encyclopédie. Il en rédigea un très grand nombre qu'il réunit plus tard sous le titre véritablement trop modeste d'Éléments de Littérature. Cet ouvrage mérite le plus grand éloge que puisse recevoir un ouvrage de critique : il a cent cinquante ans et il n'est pas ridicule; on le lit encore avec plaisir et avec beaucoup de profit; on doit l'avoir lu.

Marmontel, homme du reste très habile à se ménager des appuis et des ressources, directeur du Mercure de France, alors au plus haut point de sa prospérité, avait une très grande situation littéraire. Il publiait les Contes moraux. Crébillon fils, successeur de son père comme censeur royal, avait à donner le permis d'imprimer, qui était toujours formulé ainsi : « J'ai lu l'ouvrage de Monsieur un tel et n'y ai rien trouvé qui en empêche la publication. » Crébillon donnait le permis, en oubliant les cinq derniers mots de la formule; et il ne laissait pas d'avoir un peu raison, mais les Contes moraux n'en avaient pas moins un succès qui se continua jusqu'au commencement du XIXe siècle. Aux Contes moraux succéda Bélisaire, qui était un conte moral relativement historique, et qui, malgré la censure de la Sorbonne, ou à cause d'elle, fut très recherché; et après Bélisaire vinrent les Incas, sorte de poème épique en prose sur les Péruviens et Fernand Pizarre; et les Incas, malgré la sensiblerie maintenant surannée qui y est trop répandue, sont encore lisibles.

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D'après le dessin de Le Mort, gravé par A. de Saint-Aubin.

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