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qu'elle est du grand romancier Honoré d'Urfé. Comme spécimens de la tragi-comédie ou de la tragédie romanesque, nous relevons Les Funestes amours de Belcar et de Méliane, par Daniel d'Anchères, celui qui sous le nom de Jean de Schelandre avait donné le drame Shakespearien de Tyr et Sidon; et surtout la célèbre « tragédie » de Pyrame et Thisbé, par Théophile de Viau, qui est restée célèbre comme exemple de mauvais goût extraordinaire et de style métaphorique saugrenu, et qui, du reste, il faut savoir le dire, ne contient aucune beauté qui puisse compenser ces étranges défauts.

Le premier dramatiste qui revint à la tragédie régulière fut Jean de Mairet. Il commença par la tragi-comédie (Chryséide et Arimant) et la pastorale (Silvie) et donna en 1629 la première tragédie du XVIIe siècle qui fût vraiment conforme aux règles, et qui du reste est assez agréable, la Sophonisbe, par laquelle furent effacées toutes les Sophonisbes précédentes et dont s'inspirèrent toutes les Sophonisbes plus modernes. Mairet avait de la facilité, de l'esprit, un certain art de composition, aucun génie. Quand Corneille parut, nul ne s'étonnera que Mairet s'éclipsât un peu et qu'il fut de ceux qui trouvèrent le Cid détestable. A tout prendre, la période qui va de 1610 à 1630 est une des moins fécondes qui aient été en France pour le poème dramatique.

CHAPITRE III

LES PROSATEURS DE 1610 A 1630

On a assez vu le caractère tout romanesque de la poésie et du théâtre de cette époque pour supposer que dans la

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prose c'était surtout le roman qui dominait. En effet, le roman tel que nous l'entendons, le « roman romanesque » date de cette époque. Issu des poèmes idylliques italiens, comme l'Aminta du Tasse et le Fidèle berger de Guarini, il prit son expression française dans l'Astrée d'Honoré d'Urfé, qui est peut-être le livre qui a été le plus lu et un de ceux qui ont eu la plus considérable influence.

L'Astrée est le roman le plus romanesque qui ait été écrit. Amours traversés d'un « berger » et d'une « bergère » qui sont des espèces de grands seigneurs terriens, « nymphes» qui sont des châtelaines, « druides » qui sont des évêques, mélange de tous les temps ou plutôt histoire placée en dehors du temps, discussions de haute métaphysique amoureuse, analogues aux subtilités des troubadours, aventures sinon extraordinaires, du moins. incroyables et un peu saugrenues, comme celle d'un amant qui séjourne, déguisé en femme, plusieurs semaines, auprès de son ancienne « bergère » sans être reconnu d'elle tout cela est le domaine même de l'invraisemblance et de la fantaisie.

:

Mais l'ouvrage est plein de talent. Les qualités de l'esprit français s'y retrouvent, à travers les conventions de ce genre faux. Les personnages ont des caractères, et des caractères qu'on retrouvera, non seulement à travers tous les romans du XVIIe siècle, mais même dans le théâtre de l'époque classique; et surtout l'auteur conte agréablement, quoique avec quelque longueur, et il a de l'esprit. C'est par cet esprit qu'il s'est sauvé. La Fontaine l'a adoré :

Étant petit garçon, je lisais son roman,
Et je le lis encore avec la barbe grise.

Mais s'il l'adore, on le voit par un passage des Amours de Psyché, c'est à cause du personnage d'Hylas qui représente dans l'Astrée l'esprit comique, la verve paradoxale, la fantaisie capricieuse et ironique, et qui en effet est presque toujours charmant.

Il ne faut pas se tromper sur l'Astrée. Ce n'est ni une œuvre profonde comme le Don Quichotte ou le Pantagruel, ni une œuvre d'exquise sensibilité comme la Princesse de Clèves; mais c'est une œuvre d'aimable imagination et de grâce spirituelle, une œuvre d'agrément, dans tout le sens du mot, une œuvre de bonne compagnie, et à tous ces titres une des œuvres les plus françaises qui aient été.

C'est à un degré au-dessous que nous trouvons Marin Le Roy de Gomberville. D'une précocité extraordinaire, s'avisant de faire à quatorze ans un Éloge de la Vieillesse, ce qui est sans doute le comble de l'incompétence, et publiant son premier roman à vingt-deux ans, ce qui n'est pas l'âge d'en écrire, il fut très goûté en son temps. La Caritie, la Cithérée, surtout l'illustre Polexandre, furent dans toutes les mains. Gomberville n'est point méprisable. Il a de l'invention, de l'ingéniosité dans la conduite de récits d'aventures qui sont extrêmement compliquées et d'intrigues qui sont trop savantes, enfin un certain souci de la couleur locale exacte, par exemple dans le Polexandre, qui est placé au Mexique. Je crois voir que Corneille ne laisse pas de devoir quelque chose à Gomberville, comme plus tard à La Calprenède. Gomberville fut le grand ami de Maynard, dont il publia l'édition de 1646 avec une préface extrêmement élogieuse. Il finit ses jours dans la piété la plus austère, parmi les solitaires de Port Royal, méprisant ses ouvrages et

n'aimant pas qu'on fût par trop de son avis là-dessus.

Mais « le roi des auteurs »>, du moins en prose, à cette époque, fut Guez de Balzac. Il n'avait pas d'invention, il n'avait pas d'idées, si ce n'est de ces idées très générales qu'on appelle lieux communs; il ne sut faire ni un bon roman, ni une bonne histoire, ni un bon livre philosophique (car le Socrate chrétien ne mérite point ce titre et l'épigramme de Sainte-Beuve qui l'appelle Isocrate chrétien n'est pas sans justesse); mais il faut confesser que c'est un très bon, un très distingué et presque un grand écrivain. Style périodique sans lourdeur ni longueurs, propriété remarquable de l'expression, sûreté du tour, << nombre et harmonie de la prose », comme dit Voltaire, trouvés, à ce degré du moins, pour la première fois; élégance presque naturelle; esprit un peu cherché, mais bien trouvé le plus souvent, telles sont les qualités qui recommandent encore ces fameuses lettres qui faisaient alors le tour de la société littéraire et de la société mondaine, et dont chacune était pour celui à qui elle allait un titre, non seulement d'honneur, mais d'immortalité.

A la vérité, ces lettres sont bien souvent, comme dit encore Voltaire, des « harangues ampoulées », et écrire à un cardinal : « Vous venez de prendre le sceptre des rois et la livrée des roses » est de bien mauvais goût; mais le style est quelque chose, en un temps surtout, où, il faut le remarquer, on n'écrit vraiment bien qu'en vers. C'est Boileau qui a, cette fois, donné le jugement, encore un peu sévère, mais le plus juste et mesuré sur le grand homme de 1630: « Personne n'a mieux su sa langue que lui et n'a mieux entendu la propriété de notre langue et la juste mesure des périodes; mais on s'est aperçu tout à coup l'art où il s'est employé toute sa vie était l'art qu'il

que

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