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et d'amertumes, peintures d'un temps et peintures d'une âme, rien n'est plus dramatique, et, sans art, ne touche plus à l'art vrai. Les Lettres à Buzot, écrites dans sa prison, en attendant la mort, qui furent longtemps igno

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rées et qui retrouvées révélèrent enfin quel fut celui des Girondins pour qui Madame Roland eut une passion aussi exaltée que pure, sont d'une admirable éloquence lyrique. Son testament, si l'on peut s'exprimer ainsi, ses adieux à la vie, auxquels on ne peut reprocher que d'avoir été

écrits (car peut-être y a-t-il une certaine pudeur de la mort qui devrait ne pas permettre d'écrire ces choses), sont, du reste, d'une bien grande beauté et presque simples :

<< Adieu, mon enfant, mon époux, ma bonne, mes amis; adieu, soleil, dont les rayons brillants portaient la sérénité dans mon âme comme s'ils la rappelaient dans les cieux; adieu, campagne solitaire, dont le spectacle m'a si souvent émue, et vous, rustiques habitants de Thézée, qui bénissiez ma présence, dont j'essuyais les sueurs, adoucissais la misère et soignais les maladies, adieu! Adieu! cabinets paisibles où j'ai nourri mon esprit de la vérité, captivé mon imagination par l'étude et appris, dans le silence de la méditation, à commander à mes sens et à mépriser la vanité! »

Malgré des fautes politiques qui sont de celles que tout homme politique a commises, malgré des tendances chimériques qui, après tout, ne sont que les inspirations d'un grand cœur, Madame Roland reste un des plus grands caractères et un des plus grands esprits de la fin du XVIIIe siècle. La philosophie proprement dite était représentée en ce temps par les disciples de Voltaire, de Diderot et de Condillac à savoir, Volney, Dupuis et quelques autres. Dupuis expliquait l'origine de tous les cultes par les premières idées des hommes sur l'astronomie et l'influence des saisons sur les travaux de la terre, esprit à la fois inventeur, original et étroit, assez intéressant. Volney, meilleur écrivain, encore que très déclamateur, grand amateur de voyages, d'histoire naturelle et de philosophie anti-religieuse, dans son Voyage en Égypte et en Syrie, dans ses Leçons d'histoire, surtout dans ses Ruines, professa une philosophie très creuse, positiviste sans ce qui a fait la solidité plus tard de la doctrine posi

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tiviste, c'est-à-dire sans forte base scientifique, et remarquable seulement par le perpétuel accent de colère à l'égard du sentiment religieux. Dans ses Ruines, a il y a, dit Sainte-Beuve, du nombre, une certaine emphase grandiose », mais « c'est terne, fatigué, pompeux, monotone et sourd à la fois. » On ne lit plus guère Volney que par curiosité. Quelques pages vraiment belles des Ruines mériteraient d'être arrachées à l'oubli.

CHAPITRE XI

CONCLUSION SUR LE XVIII SIÈCLE.

Un siècle qui a produit Montesquieu, Voltaire, Rousseau et Buffon est un grand âge dans l'histoire de l'humanité. Cependant on ne peut se dissimuler qu'après avoir été d'abord trop honni, puis trop encensé, puis, à notre époque, à la fois attaqué de la façon la plus vive et défendu de la façon la plus maladroite, il pâlira probablement entre les deux plus grands siècles littéraires qu'ait connu la France, le XVII et le XIX. Deux très grandes choses lui manquent presque : la philosophie, quoi qu'il en ait cru, et la poésie. Il n'a pas un philosophe à opposer ni même à présenter en regard de Descartes, Pascal et Malebranche. Il n'a pas un poète qui vaille Malherbe, ni la moitié de Corneille, ni la moitié de Racine. Il a laissé presque complètement tomber la littérature tragique; il a soutenu assez bien la littérature comique, mais sans comparaison possible avec Molière et tout au plus à égalité avec Regnard.

Où il retrouve ses avantages et très grands, c'est dans

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