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Plusieurs de ses romans ont été arrangés pour le théâtre soit par elle, soit par quelques-uns de ses amis. Ceux qui ont le mieux réussi sont François le Champi et le Marquis de Villemer.

George Sand est certainement le « romancier romanesque » qui représente le mieux ce que les lettrés français demandent à un roman, à égale distance ou à peu près, selon la nature de l'œuvre, de la stricte et triste observation et de la pure et simple imagination abandonnée à elle-même.

Le mélange de romantisme et de réalisme était plus sensible chez Balzac parce qu'il était moins bien ménagé. Balzac était plein d'imagination un peu grosse, un peu lourde et un peu puérile; il aimait les changements subits de destinée, les passages brusques de la misère à la fortune colossale, la génération spontanée des millions; et aussi les histoires de brigands et de policiers, les conspirateurs louches, les complots obcurs, les romans judiciaires, et tout ce Dumas de second ordre, si l'on peut dire ainsi, encombre les meilleures de ses compositions. Et d'autre part il était très observateur, minutieux guetteur et fureteur, tout plein de notes prises avec ses yeux et sa mémoire (ce sont les meilleures) sur la réalité qui l'entourait. Il y a eu ainsi en lui un conflit plutôt qu'un mélange de romanesque et de réalisme, de fantaisie lourde et d'exactitude, qui ne va pas sans déconcerter et dépayser, si c'est dépayser excellemment que de faire vivre son lecteur dans deux pays à la fois.

Mais au-dessus de ces deux qualités ou de ces deux défauts, il avait une faculté puissante, qui fut son génie même ou le meilleur de son génie, qui était de savoir faire vivre d'une vie intense, avec un relief stupéfiant, les person

nages, même imaginaires, même fantastiques, qu'il introduisait devant nous, à plus forte raison les personnages vrais qu'il lui arrivait aussi de rencontrer et avec qui il nous faisait faire connaissance. Aussi les types de Balzac sont-ils restés dans toutes les mémoires : le Père Goriot,

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Philippe Brideau, le Père Grandet, Rastignac, maniaque de faiblesse paternelle, soudard épique, avare forcené, ambitieux anormal, etc.

Et ici, dans la peinture de ces personnages, les deux tendances de Balzac réussissent à s'unir et à se combiner. Ces hommes sont réels en leur fond, comme des types éternels de l'humanité, comme les personnages de Molière; et en

même temps ils ont toute l'outrance, tout l'excès en quelque sorte lyrique de personnages qui ont été rêvés par un romantique; et encore, comme eux-mêmes ont vécu en un temps de romantisme, l'excès qui est en eux est comme un reflet de leur temps, il est ce je ne sais quoi de déclamatoire que les hommes de leur temps ont eu dans toutes leurs démarches et par conséquent il n'est qu'un trait de réalité de plus. Aussi Balzac, qui a séduit ses contemporains par les défauts qu'il tenait d'eux, a séduit la postérité par les profondes facultés d'observateur et par cette sorte de psychologie fougueuse, tout en restant solide, qui était en lui.

Théophile Gautier, plus que les précédents, est littéralement un disciple, un élève, et d'abord très discipliné, du Romantisme. Il commença par des poèmes très admirés, et plus admirés que ceux des maîtres, parce qu'ils n'avaient que les défauts de l'école. C'étaient, en vers, Albertus, la Comédie de la Mort, pièces fantastiques, macabres et patibulaires; en prose, des romans licencieux et empanachés, du reste d'une langue excellente et d'un beau style, comme les Jeunes France et Mademoiselle de Maupin. A l'user il se rendit compte et prit possession de son véritable talent, qui était de décrire au plutôt de peindre avec la plume, fortement, précisément et brillamment. De là, en vers, ses croquis d'Espagne et surtout ses inestimables Émaux et Camées; en prose, tout ce qu'il a écrit en prose, feuilletons de théâtres, comptes rendus de salon, nouvelles, dont quelques-unes sont des restitutions merveilleuses d'une époque lointaine, le Capitaine Fracasse, sorte de réédition, infiniment supérieure à l'original, du Roman comique.

Gautier n'avait pas le fond de l'homme de lettres, ou,

si l'on veut, un des fonds que l'homme de lettres peut avoir. Il n'avait pas une philosophie, il n'avait pas une psychologie, il n'avait pas le don de l'observation morale;

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mais il avait des yeux d'artiste et une plume incomparable. Il savait « voir le monde extérieur », et il savait écrire aussi bien que Victor Hugo et mieux que tous les

autres écrivains du siècle. Aussi est-il un régal pour l'amateur des choses de langue et des beautés de style. Une de ses lectures favorites était les dictionnaires, soit de langage usuel, soit de langue ancienne, soit de langue technique. Aussi a-t-il, comme Nodier, comme Courier, rendu les plus grands services à la langue française, l'enrichissant par la résurrection d'anciens mots excellents, par l'introduction, en trop grand nombre, il est vrai (mais il ne faut tenir compte que de ce qui en reste) de termes empruntés aux métiers et aux arts, surtout, ce qui est la meilleure manière, par sa façon de l'écrire, en respectant la propriété des mots et en restituant à chaque mot son vrai sens à force de le bien connaître. Si un auteur n'était qu'un écrivain, Gautier serait un de nos plus grands auteurs; mais il ne faut jamais oublier qu'un auteur doit être un écrivain et aussi autre chose.

Flaubert est l'exemple le plus curieux de ce romantisme qui commence à se renoncer lui-même, à ce point qu'on se demande sans cesse s'il est vraiment un Romantique ou s'il en est le contraire. C'est qu'il est exactement double. Il ne va pas du Romantisme à une autre forme de l'art, comme Sand, par une plus ou moins lente évolution. Il ne mêle pas, non plus, le Romantisme à une autre forme de l'art dans une même œuvre, comme Balzac. Il est alternativement un pur Romantique ou un pur Réaliste en passant d'une œuvre à une autre, ce qui prouve d'abord qu'il était merveilleusement doué, ensuite qu'il avait un goût instinctif tout à fait rare, et qu'il ne permettait pas, quand l'un des hommes qui étaient en lui écrivait, à l'autre d'écrire en marge.

Son premier grand ouvrage fut uniquement réaliste et même doit être considéré, plus que Balzac, plus que Mé

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