sublime, pour tout ce qu'il avait de platonicien, soit comme hauteur de pensée, soit comme grâce. Cousin a dit très heureusement et dans un style qui se sent d'une récente lecture de Malebranche: « C'est Descartes qui s'égare parce qu'il a trouvé des ailes. » La Recherche de la vérité, ne fût-ce que pour son style, reste un des grands livres du XVII siècle. Malebranche, ne fût-ce que considéré comme une espèce de transition entre Descartes et Spinoza, reste un des grands noms de l'histoire de la philosophie. CHAPITRE VI POÈTES DE 1630 A 1660 PRÉCIEUX ET BURLESQUES. : En dehors du théâtre, dont nous nous occuperons plus loin, les poètes de 1630 à 1660 ne sont pas des hommes supérieurs, mais ils forment un groupe très intéressant pour l'histoire littéraire. Ce sont ceux qu'on a appelés les Précieux et les Burlesques. La préciosité, c'est-à-dire l'art de dire des riens d'une façon agréable, imprévue et un peu énigmatique, avait été développée par l'Hôtel de Rambouillet et la vie de salon. Les poètes précieux foisonnèrent de 1630 à 1660. Leur roi fut Voiture, homme d'esprit et de trop d'esprit, qui cherchait l'esprit et qui malheureusement en trouvait autant qu'il en cherchait. Ses lettres que Voltaire a appelées un « baladinage », parce qu'il songeait aux siennes, sont en effet plus souvent un « abus » qu'un « usage de l'esprit ». Quelques-unes, comme celle de la carpe au brochet pour féliciter le prince de Condé du passage du Rhin, sont vraiment ridicules et dignes d'être méprisées; mais d'autres sont d'une véritable grâce, d'une fine et élégante galanterie, et des modèles de style comme de langue. Un recueil des lettres de Voiture à Mlle Paulet par exemple serait un petit chef-d'œuvre. Quand on songe que cela était écrit au temps où l'on croyait que les Lettres de Balzac étaient des lettres, on ne peut s'empêcher de penser que, « quoi qu'on die », Voiture a révélé à ses contemporains la vérité épistolaire, et qu'il pourrait être considéré comme le maître de Mme de Sablé et de Mme de Sévigné, si en fait de lettres à écrire elles eussent eu besoin de maître. Les lettres de Voiture sont des lettres, un peu maniérées; les lettres de Balzac sont des épîtres. Comme poète, il est moins bon. On citera toujours ce pendant ses jolies stances impromptu à la reine d'Anne d'Autriche, et les deux sonnets qui furent opposés l'un à un sonnet de Malleville, l'autre à un sonnet de Benserade, et soulevèrent ainsi deux querelles littéraires célèbres. Le premier a pour sujet Une belle matineuse et était comparé à un sonnet de Malleville sur le même sujet. Voici celui de Voiture: Des portes du matin l'amante de Céphale Quand la Nymphe divine à mon repos fatale Le soleil se hâtant pour la gloire des cieux L'onde, la terre et l'air s'allumaient à l'entour; Voici celui de Malleville : Le silence régnait sur la terre et sur l'onde, L'aurore déployait l'or de sa tresse blonde Quand la jeune Phillis au visage riant, Sacré flambeau du jour, n'en soyez pas jaloux, Le second a pour sujet une protestation de constance: Il faut finir ses jours en l'amour d'Uranie; Dès longtemps je connais sa rigueur infinie ; Quelquefois ma raison par de faibles discours Après beaucoup de peine et d'efforts impuissants, ou une Voici celui de Benserade qui fut opposé au précédent. Il a pour sujet le Livre de Fob envoyé à une dame, et c'est aussi une déclaration : Job, de mille tourments atteint, Vous verrez sa misère nue; D'un homme qui souffre et se plaint. Bien qu'il eût d'extrêmes souffrances, Il souffrit des maux incroyables; Il s'en plaignit, il en parla: J'en connais de plus misérables. Et tels étaient les jeux et aimables querelles que Voiture se permettait avec ses sujets, et permettait à ses sujets d'avoir avec lui. J'ai dit que ces sujets étaient nombreux. C'étaient Godeau, Benserade, Malleville, Gombauld, Segrais, Sarrazin, Cotin, Brébeuf, d'autres encore. Quelques mots sur chacun sont nécessaires, bien qu'il se ressemblent à peu près tous. Godeau, « le nain de Julie », comme on l'appelait à cause de sa petite taille, qui pourtant ne le distinguait pas de Voiture, fut surtout un poète religieux. On trouve quelques beaux vers dans ses Fastes de l'Église, et surtout dans son Assomption de la Vierge. Dans ses paraphrases des cantiques, il s'est montré parfois très beau poète lyrique. On a tant dit que trois vers de Polyeucte sont de lui, ce qui est une gloire, qu'il faut au H moins citer la strophe de l'ode à Louis XIII, où ces vers se trouvent en effet : Tel on voit le destin funeste Malleville était un aimable esprit, dont le genre et la tournure de talent sont suffisamment indiqués par le sonnet que nous en avons cité. Gombauld, un peu plus âgé que les autres écrivains de ce groupe, a dans sa préciosité quelque chose de plus majestueux et garde un certain grand air à travers tous ces colifichets. Il faut savoir que, soupirant respectueux de la reine Marie de Médicis, une grande partie de ses sonnets galants avaient pour objet secret ou avoué cette très grande dame, ce qui a contribué à leur donner cet air imposant. En voici un qui donnera une idée de sa manière : Que les grandes beautés causent de grandes peines, Que d'aveugles désirs, de craintes incertaines, De pensers criminels, de soins ambitieux, Je doute cependant si je voudrais guérir |