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DÉCOR, DÉCORATION.

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en bien d'autres choses, les Italiens ont été nos | jeu tout artificiel de la lumière. Les obstacles initiateurs et nos maîtres; mais depuis long- sans nombre que rencontre le décorateur ne temps nous les avons surpassés, et nos décora- peuvent être surmontés ou tournés qu'à force teurs ne connaissent plus de rivaux dans au- d'adresse et d'ingéniosité; la perspective, incun pays. Cet art du décor est d'une nature suffisante, je l'ai dit, et obligée de se soumettoute particulière, et l'on pourrait presque dire tre à certaines nécessités de position, brise qu'il ne procède que par trompe-l'oeil, telle- continuellement ses lignes en exagérant ses ment l'optique du théâtre nécessite l'emploi de raccourcis, et l'agencement des couleurs, l'harmoyens singuliers par le fait du peu de pers- monie des tons, d'un effet souvent si suave et pective naturelle, du petit espace à l'aide du-si exquis à la scène, sont obtenus par des proquel on doit produire de grands effets, du cédés dont l'effet paraîtrait barbare si la pein

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ture était vue de près et sous un jour naturel. | triste figure et rappellent bien peu les palais et les Dans son livre si curieux et si intéressant, l'Envers du théâtre, Moynet a donné, au sujet du décor, des détails très précis et que je vais lui emprunter sans fausse honte :

Vous avez vu, dans les rues de Paris, le matin, d'immenses chariots remplis de châssis tendus de toiles grises, laissant apercevoir quelquefois leur face couverte d'une peinture indécise ou bien un peu trop brutale d'exécution. Le passant en conclut que les décors sont affreusement barbouillés. En effet, ces fragments, mis au grand jour, font

brillants paysages vus derrière la rampe; ces exhibitions matinales n'ont donc pas peu contribué à accroître le dédain qu'on a généralement pour la peinture de théâtre; erreur qu'un peu de réflexion fera disparaître si on prend un fragment d'un tableau bien exécuté, un fragment de deux ou trois centimètres carrés et qu'on le grandisse trente ou quarante fois on n'aura plus alors qu'une partie de tableau, à peine indiquée, et représentant parfaitement une fraction de décor. Si on fait l'opération inverse, si on regarde un fragment de décor par le gros bout d'une lorgnette, cette peinture brutale

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res à la grandeur de l'exécution. Ensuite on coud les toiles, on monte, on assemble sur le parquet de l'atelier les châssis sur lesquels on tend la toile, fixée par des broquettes. On cloue les voliges dans lesquelles les silhouettes des châssis seront chantournées, puis taquetées, pour éviter les fractures; on passe alors une « impression » générale sur toute la décoration, et voilà, sommairement, tout ce qui précède la peinture (1).

On appelle maquette l'esquisse en petit d'une | niste, qui se met immédiatement à faire les épudécoration. On place cette maquette sur un petit modèle de théâtre. Les châssis, rideaux, plafonds et praticables sont figurés avec du carton, peint comme doit l'être la décoration. Ce travail fait, chacun vient l'étudier et le critiquer; le régisseur veut une entrée d'un côté, l'auteur en veut une d'un autre, le maître de ballet, les acteurs, chacun dit son mot et déplace les morceaux de carton, au grand détriment de l'oeuvre, qui sort quelquefois de là toute mutilée et défigurée; enfin on arrive à l'exécution; le peintre donne les mesures des châssis et de tout ce qui compose son œuvre au machi

(1) On appelle « impression » une couche uniforme d'un ton quelconque étendue sur la surface du décor.

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Il faut procéder maintenant à la mise à l'encre du décor. On commence par le rideau, sur lequel on reporte aux carreaux le travail qui a été fait sur la maquette; puis on passe aux fermes, aux terrains, qu'on livre aux machinistes, une fois mis à l'encre, pour le chantournage, c'est-à-dire le profil qu'elles doivent avoir afin de représenter des arbres, des terrains, de l'architecture, etc. Quand tout est tracé, on porte quelquefois la décoration

Décor du 2e acte d'Hamlet. Châssis, côté cour (3 plan).

au théâtre, afin que les régisseurs puissent bien prendre connaissance du décor, des entrées et sorties des praticables, et n'aient pas à faire de modifications plus tard. On fait même quelquefois répéter dans le décor ainsi préparé, puis on ramène le tout à l'atelier.

La perspective théâtrale est soumise à de certaines lois spéciales; la scène étant animée par des personnages vivants, ceux-ci ne peuvent, comme les figures d'un tableau, diminuer de dimension à

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mesure qu'ils s'éloignent vers le fond. Le décora teur prend les précautions nécessaires pour empêcher les acteurs d'approcher des parties lointaines et fuyantes de sa composition. Il est obligé d'inventer des obstacles pour qu'on ne choque pas la vraisemblance. Dans les décorations architecturales, il doit tenir toute la partie inférieure au-dessous de la ligne d'horizon dans les dimensions réelles, les parties fuyantes ne commençant qu'à l'endroit où la décoration cesse d'être praticable.

Une autre difficulté est celle des châssis obliques placés de chaque côté de la scène. Pour empêcher le spectacteur de voir au delà du décor, ces parties brisent forcément les lignes architecturales et produisent alors des anamorphoses pour les spectateurs qui ne sont pas placés au milieu de la salle.

Où le peintre décorateur est tout à fait à son aise, c'est lorsque l'action se passe dans le domaine du merveilleux; alors rien n'arrête sa verve; son imagination peut s'élancer librement dans le vaste champ de la fantaisie : il appelle à son aide des ressources qui manquent complètement au peintre; l'or, l'argent, les cristaux, les gazes, la lumière électrique, concourent avec la peinture à des effets éblouissants.

Une décoration théâtrale étant forcément composée de plusieurs parties dessinées et peintes isolément, il faut attendre la fin du travail pour en juger l'effet. On l'expose alors définitivement au théâtre, on l'éclaire, on la met soigneusement en place; c'est ce qu'on appelle régler une décoration.

Ce travail se fait ordinairement la nuit, après une représentation ordinaire. Chaque châssis est amené à son plan, au point où il se raccorde avec le plafond qui le couronne; il est marqué au patin (on appelle ainsi la traverse inférieure) d'un signe correspondant à la levée des trappes ou au point milieu du théâtre. On a équipé les plafonds en se servant du point milieu comme repère; ils sont réglés, quant à la hauteur qu'ils occupent au-dessus de la scène, par le brigadier du cintre, au moyen d'un repère sur ses poignées.

Ce travail fait, reste l'éclairage. On règle avec le chef des lampistes le nombre de becs à mettre derrière les châssis et les terrains, les herses qui doivent être éclairées en plein et celles qui doivent l'être à mi-feux; en un mot, le peintre distribue la lumière et des dernières teintes partout où il le juge convenable pour l'effet général. La rampe elle-même est réglée; le chef lampiste prend note de ces dispositions, qui devront se reproduire à chaque représentation...

Les divers dessins du décor du deuxième acte

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Le lecteur peut ainsi se rendre compte de la façon dont le décor est divisé, et de la position qu'occupe chacune de ses parties. Le décor du deuxième acte du Tribut de Zamora, opéra de M. Gounod, qui illustre aussi le présent article, pour être d'un autre genre, n'est pas moins beau que le précédent; il est l'œuvre de M. J.-B. Lavastre, l'un des artistes les plus remarquables de ce temps.

Nous faisons maintenant un nouvel emprunt à Moynet, qui va nous faire connaître les détails du travail du peintre décorateur :

En France, la détrempe est presque exclusivement employée pour le décor de théâtre. Grâce au talent des artistes français, on en obtient des résultats remarquables. Ses tons frais et brillants se prêtent admirablement aux exigences de la scène, et sont le complément naturel des étoffes éclatantes dont on habille les personnages; bien souvent le peintre doit ajouter au charme et à la variété de couleur que lui donne sa riche palette des études sérieuses de perspective, d'archéologie et d'ethnographie. Depuis quarante ans, la peinture scénique a été en progressant. En ces derniers temps, l'introduction de la décoration anglaise a pu faire craindre un moment une invasion du mauvais goût,

mais le bon sens de nos artistes a su faire tourner au profit de l'art les procédés employés exclusivement par nos voisins pour obtenir des effets exagérés.

Les progrès de l'industrie et des sciences sont venus s'ajouter aux moyens qu'on possédait pour

augmenter les effets de la scène : on a introduit

les rideaux de gaze, les toiles métalliques, les eaux naturelles, les paillons, les cristaux factices appelés loghès dont les facettes en étain brillent comme des pierres précieuses, les glaces, la lumière électrique. Une invention, qui date de quelques années à peine, est venue donner au feuillé des arbres une légèreté semblable à celle de la nature un grand filet, collé derrière la toile, permet de découper

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celle-ci, suivant tous les contours que donnent les branches légères garnies de feuillage. Le filet soutient la toile ainsi découpée et demeure invisible pour le spectateur. Les traces de la construction en bois qui porte le décor disparaissent complètement. On a obtenu au moyen de gazes lamées des eaux transparentes qui reflètent les objets environnants. On emploie au théâtre la peinture à l'huile et à l'essence quand on veut obtenir des effets transparents; c'est sur le calicot que l'on peint, après lui avoir fait subir une préparation; on l'éclaire par derrière comme les stores, et l'on obtient des effets analogues. La décoration théâtrale, au moyen de tous ces auxiliaires, peut produire des effets merveilleux.

Il nous reste à faire connaître les procédés d'exécution qui suivent le tracé dont nous avons donné la description. Lorsque la décoration est mise à

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