tres les concurrens que l'on croit les plus redoutables. Chacun veut, pour ainfi dire, se bâtir aux dépens des autres une belle maison; mais par malheur, tel croit être bien logé qui n'a que l'avantage de ne pas connoître les défauts de fa maison. Et ce goût, pour exceller, est souvent une yvreffe d'autant plus forte, qu'on fe croit de fangfroid. Or pourquoi tant de peines & de foins réuffiffentils ordinairement fi mal, fi ce n'est parce que chacun connoît peu la valeur & l'ufage fenfé de ce dont il veut diminuer le prix dans les autres? A fuppofer même pour á iiij

un moment de la fincérité au milieu de cette ignorance de ce qui eft en foi : comment le discernement pourroit il préfider au jugement d'autrui quand on ne l'admet pas à l'examen de foi-même ? Et en effet on n'entend que louer, & blâmer avec excès fur les fimples apparences, fans approfondir, & fans combiner, comme on le devroit, le perfonnel avec la nature des circonftances.

On garde rarement un certain milieu dans les témoi gnages qu'on rend à fes pareils, & il fembleroit à voir ce qui fe paffe dans le cours ordinaire de la vie, que la

fociété générale des hommes feroit partagée en deux armées prêtes à fe détruire, le glaive à la main. Chacun fe fait effectivement la guerre fouvent fans utilité, & fans aucun refpect pour ceux qui ont réellement le plus de mérite; & en cela l'on péche également contre le sentiment & contre les confeils de l'efprit & du bon fens. J'en fuis moins étonné, lorsque je me rappelle que le parti de critiquer eft affez commode, fur-tout quand on n'eft pas fcrupuleux fur la dose de la critique. Mais en même tems je penfe qu'il feroit heureux pour ceux qui ont à effuyer

la févérité du Tribunal public, qu'il pût y avoir certains principes établis, d'après lefquels ceux qui s'érigent en Juges, fuffent obligés de dicter leurs Arrêts, C'est ce qui pourroit, fans doute, réfulter d'un examen bien approfondi du cœur & de l'efprit, de l'usage, des facultés, & des opérations de l'un & de l'autre, pour en tirer des confeils sûrs dans la conduite, & des guides non trompeurs dans les jugemens de ceux qui font fimples Spectateurs. Tout le monde fent, & raifonne, puifque

f

c'eft le caractére néceffaire

& diftinctif de notre exiften

pour

ce. Mais cela ne fuffit pas pour foi, ni les autres. Il faut fentir à propos, & raifonner conféquemment. Or on eft trahi par fon cœur ; on eft féduit par les égaremens de fon efprit; ou bien, faute d'examen, on met le cœur & l'efprit trop en jeu ; ou enfin on agit d'après le fentiment, quand on ne devroit agir que d'après le raifonnement, & réciproquement. Ce qui forme, pour ainfi dire, autant de méprifes préjudiciables au bien de la fociété, ou déftructives de fes agrémens. Cela ne vient, n'en doutons point, que de l'ignorance de nous-mêmes,