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d'hui votre devoir, & la maniere dont vous devez le remplir. Il faut faire l'aumône, premiere vérité. Il faut faire l'aumône chrétiennement, feconde vérité. D'un côté vous verrez les motifs qui vous engagent à faire l'aumône. D'autre part, vous apprendrez à connoître les caracteres de l'aumône chrétienne.

Sondivi

Partie.

Rien de plus folidement établi dans les divines Ecritures, que le précepte de l'aumône; & ne fions de la croyez pas que par une pieuse exagération je premiere veuille vous engager à vous dépouiller d'une partie de vos biens pour les faire paffer dans les mains du néceffiteux. Je fçai qu'il y a un art de faire valoir les fujets que l'on traite, & qu'on s'affectionne d'ordinaire à ceux dont on parle, & que la vertu qu'on loue, paffe toujours pour la plus louable. Non, je ne veux point vous rendre fenfible par des motifs fi vagues, c'est de la raison & de la Religion que je les emprunte. Toutes deux de concert nous prêchent éloquemment la fenfibilité pour nos freres malheureux. Mais, hélas! qui le croiroit? fourds aux cris de la nature & de la Religion, la cupidité nous détourne d'un précepte gravé dans le cœur des hommes à l'inftant que leur raison se développe. Pauvres de Jesus-Chrift, paroiffez donc, je vais publiquement plaider votre caufe & foutenir vos droits. Riches du monde, paroiffez auffi, je veux vous exposer vos devoirs à l'égard du pauvre. J'ai dit, & c'est le deffein de cette premiere Partie, que le riche doit faire l'aumône: en voici quatre motifs, rendez-vous-y attentifs. Eh pourquoi? C'est Dieu qui ordonne l'aumône, c'eft à Dieu que nous faisons l'aumône, c'est de Dieu que nous tenons les biens qui doivent fervir à nos aumônes difons quelque chofe de plus preffant encore, l'aumône nous rend en quelque forte

Soudivi

feconde Partie.

femblables à Dieu. Ainfi motif d'obéiffance, motif de respect, motif de reconnoissance, motif de grandeur. Que de motifs pour déterminer un Chrétien à remplir le devoir de l'aumône !

Que ferviroit au riche de partager fes biens fions de la avec le pauvre, s'il ne connoiffoit les caracteres qui chriftianifme l'aumône, & fi fa charité ne fervoit qu'à le faire abmirer des hommes dans le tems, fans lui faire de ces amis puiffans qui puiffent le recevoir dans les tabernacles éternels? Or pour vous garantir d'un écueil fi fatal, il est de votre intérêt de connoître les caracteres de la véritable aumône. L'aumône, pour être chrétienne, doit être compatiffante, prompte, prompte, abondante, fecrette, légitime, univerfelle. Je dis aumône compatiffante, qui condamne les aumônes dures des riches; aumône prompte, qui rejette les aumônes tardives des riches; aumône abondante, qui réprouve les aumônes modiques des riches; aumône fecrette, qui corrige les aumônes fastueuses des riches; aumône légitime, qui abolit les aumônes injuftes des riches; aumône univerfelle, qui retranche les aumônes capricieuses des riches.

Preuves de

Fartie.

Par-tout

comman

La Religion qu'eft venu établir Jesus-Chrift, la premiere ne refpire que la charité ; c'eft-là que tendent' fes promeffes, fes menaces, fes exhortations, fes préceptes; tantôt il invite ce jeune-homme qui J. C. re- lui demandoit le chemin de la vie éternelle, à de la chari- vendre tous fes biens pour les diftribuer aux pauté, & fait vres: tantôt après avoir déclamé contre l'orgueil, un précepte contre l'hypocrifie, contre la fuperftition des Pharifiens, ces implacables ennemis de l'Evangile, il leur promet la rémillion de leurs péchés, s'ils veulent répandre dans le fein du pauvre des aumónes abondantes. Ici fous la figure d'un riche cruel qui étoit fourd aux cris du pauvre Lazare, il condamne les cœurs durs & infenfibles. Là fous l'i

de l'aumô

ne.

mage

mage du charitable Samaritain qui avoit exercé la miféricorde envers un inconnu, il nous repréfente les avantages de la libéralité chrétienne: par-tout il fe déclare le protecteur du miférable : par-tout il déclame contre la dureté des riches avares par-tout il promet à la pratique de l'aumône, les récompenfes les plus précieufes & les plus abondantes. C'étoit peu de preffer, de mehacer, d'exhorter, de promettre, il falloit, pour réprimer l'avarice infatiable de la cupidité des riches, commander expreffément l'aumône; & c'eft auffi ce que Jefus-Chrift a fait dans l'Evangile. Si vous doutez d'une vérité fr évidente, un feul raifonnement bien fimple & bien naturel, fuffira pour vous en convaincre. Point d'autre caufe dans l'Evangile de la condamnation des réprouvés, que leur dûreté envers les pauvres, & leur infenfibilité aux miferes de leurs freres. J'ai eu faim, leur dira Jefus-Chrift, & vous ne m'avez pas donné à manger, &c. Allez, hommes durs & fans cœur, allez maudits, allez fubir dans les flammes éternelles la jufte peine de votre cruelle infenfibilité; d'où il eft aifé de conclure que l'aumône eft un précepte indifpenfable, puifqu'on n'eft pas damné pour l'omiffion d'un confeil, mais pour la tranfgreffion d'un précepte. Sermon manufcrit & moderne.

L'on trouvera dans le premier Difcours de l'Aumône, une foule de preuves fur cette vérité, page 250&fuivantes, & dans les Réflexions Théologi ques & Morales, page 232 & fuivantes.

Ne vous y trompez pas, lorfque vous refufez l'aumône aux pauvres, ne penfez pas n'avoir rebuté qu'un homme comme vous, c'eft à JefusChrift que vous faites cette injuftice, c'eft JefusChrift que vous fruftrez du fecours qu'il attend de vous, c'eft envers Jesus-Chrift que vous vous · Tome I. Morale. I. Vol.

S

C'eft à Dieu même que nous fai

fons l'au

mông.

35.

Ibid.

pas:

montrez fi barbare & fi cruel. Il ne vous dira Vous n'avez point foulagé les pauvres, vous avez endurci votre cœur à leurs cris: mais il vous dira, Matth. 25. J'ai eu faim, efurivi, j'étois preffé de la foif, fitivi: nud expofé à la rigueur du froid & à l'inclémence des faifons, nudus: dans les fers, infirme & fouffrant. Ames barbares, pour colorer votre cruauté, ne me dites pas, Ah! Seigneur, quand vous avons-nous vû fi rigoureufement traité? Ibid. 44. Quando te vidimus efurientem? Nous avons bien vû des hommes méprifés du monde, en proie à toutes les rigueurs de la vie; nous avons entendu parler de quelques malheureux qui n'avoient qu'un peu de pain cuit fous des cendres à peine échauf Fées, pour conferver un refte de vie que la faim alloit bien-tôt leur ravir; l'on nous a fouvent fait le récit plaintif de quelques familles défolées, comme échappées aux foins paternels de votre Providence à des fpectacles fi frappans, nous fommes, il est vrai, demeurés infenfibles ; mais que n'euffions-nous pas fait pour vous, Seigneur, fi vous euffiez frappé nos yeux dans une fituation fi touchante? Bièn-tôt, comme d'autres Zachées, nous vous euffions donné la moitié de tous nos biens; bien-tôt, comme ces généreux Fideles des premiers fiécles, nous euffions porté aux pieds de vos Miniftres le prix de nos plus beaux héritages. Prétextes frivoles, hommes infenfibles, ne vous avois-je pas déclaré que je regarderois comme fait à moi-même le bien que vous feriez au moindre de mes freres? Quandiu uni ex fratribus feciftis, mihi feciftis. L'Auteur, dans fon Difcours fur

Ibid. 45.

Sur le mêine fujet.

l'Aumône.

Oui, de quelque maniere qu'on explique l'Evangile, vangile, Jefus-Chrift eft dans la perfonne des pauvres. Il y eft, dit S. Thomas, par la communication que les membres du corps mystique de

l'Eglife, doivent avoir avec leur Chef; il y eft,
continue ce faint Docteur, par commiffion: car
comme les Princes ont des Officiers fubalternes
pour lever fur le peuple les tributs & les impôts,
auffi les pauvres font, pour ainfi dire, les minif-
tres de Dieu, établis pour exiger & pour recevoir
des riches ce qu'ils doivent à Dieu par tant de ti-
tres. Il y eft encore, ajoute le Docteur Angéli-
que, comme dans fes images qui nous en font
conferver le fouvenir; car comine les Rois font
les images de Dieu fur la terre, qui nous le re-
préfentent par ce qu'il a de plus grand & de plus
augufte par fa puiffance, par fa grandeur & par
fa majefté; ainfi les pauvres font les images de
Dieu, qui nous le retracent dans l'état humiliant
qu'il a daigné prendre pour nous,
dans fa pau-
vreté & dans fes humiliations. Or comme ce n'eft
point par les qualités éclatantes que Dieu nous a
racheté, mais par les opprobres, par les fouffran-
ces; fi Dieu exige de nous le refpect pour la per-
fonne facrée des Rois qu'il a élevés au-deffus de
nos têtes, j'ofe dire qu'il demande quelque chofe
de plus à l'égard des pauvres, & c'est un amour
tendre envers ceux qui lui reffemblent par fa vie
abjecte & fouffrante. Plus mon 'Sauveur a voulu
s'abbaiffer pour moi, difoit S. Bernard, plus il
m'est cher, & plus ceux en qui je reconnois fes
humiliations me doivent être auffi aimables. Le
P. Cheminais, Sermon fur la charité envers les
prifonniers.

Sur le mê

Quand Jefus-Chrift dans fon Jugement, vous reprochera votre dûreté à son égard, qu'il vous me fujet. dira : C'étoit moi qui vous demandois ce fecours, qui vous le demandois en pleurant, qui vous le demandois en reconnoiffance de ce que j'avois fouffert pour vous; qui vous le demandois pour le rachat de vos propres péchés; qui vous le

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