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Mlle. AGNÈS.

Vous me tentez, Mefdames; mais je réfifte courageufement à la tentation; ma Bonne eft trop févere. Si pourtant je pouvois me perfuader qu'en fuivant fon confeil, je trouverois cette paix, ce bonheur après lequel je cours.

LA BONN E.

"Vous le trouverez difficilement, tant qu'il fera l'unique but de votre recherche. Pourquoi voudriez-vous que Dieu payât vos dettes? Si à ce motif d'amour-propre, vous joigniez au moins un peu du défir de plaire à Dieu, on pourroit efpérer.

LA VEUVE.

Eh! Mefdames, imitez mon filen ce; ne voyez-vous pas bien que Mademoiselle n'eft effrayée que du nom, & non pas de la chofe? Elle a bien fait auprès de moi aujourd'hui l'office d'un

directeur. Y en auroit-il un qui fût entré dans de plus grands détails: Elle s'eft trop avancée pour ofer reculer; & après avoir jeté le trouble dans nos confciences, il y auroit, à nous abandonner, une barbarie dont je ne la crois pas capable. Continuez, Mademoiselle, à nous dire comment il faut faire cette confeffion générale que vous nous avez démontré être abfolument néceffaire à notre falut. Vous nous laifferez enfuite fi vous l'ofez. LA BONNE.

Je vois bien, Mesdames, que je me fuis trop avancée; mon amitié pour vous m'a fait commettre une imprudence fur laquelle je n'ai pas réfléchi. Cela peut me donner un grand ridicule; mais fi vous profitez d'une feule des chofes que j'aurai l'honneur de vous dire, cela me dédommagera de tout. Dans la vérité, je ne fais pas pourquoi j'hésite; ne diroit-on pas que ce que je dis vient de moi? Ma doctrine

"

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n'est pas ma doctrine; je ne fuis que le canal par où paffent des vérités que j'ai entendues & que je ne fais que répéter; ma répugnance eft une rufe de l'amour propre, qui prévient ce que l'on pourroit me dire; je ne l'écouterai plus. Il est donc question, Mesdames, de confulter d'habiles gens fur vos confeffions paffées, & s'ils vous déterminent à les réparer par une confeffion générale, de vous y préparer par une bonne retraite, que celles qui ne font pas maîtreffes d'ellesmêmes, feront au milieu de leurs occupations journalieres, en fe faisant une folitude au fond de leur cœur, d'où elles crieront fans relâche au Pere des miféricordes pour en obtenir le Saint-Efprit.

LA MARCHANDE.

Avant que de nous quitter, Mademoiselle, dites-moi, je vous prie, fi je dois céder ou non à mon époux dans

une chofe qu'il exige. Cette robe brune, ce linge uni le choque; il me tourmente pour m'habiller comme les autres. Dois-je lui obéir ou non?

LA BONN E..

J'ai lu dans la fainte Ecriture, que l'obéiffance vaut mieux que le facrifice; je décide, d'après le Saint-Esprit, que vous devez vous habiller de la maniere qui fera la plus agréable à votre époux, & je crois que la vanité n'y gagnera rien. Parlons de bonne foi. Mettez-vous moins de temps à votre toilette que vous n'en perdiez autrefois? Je soupçonne qu'il en a fallu beaucoup pour arranger cette coiffure où un pli ne pafle pas l'autre; & fans faire un jugement téméraire, la parure la plus brillante n'eft pas équivalente à cette exceffive propreté qui brille fur vous. Je gagerois qu'il y a plus de cinquante épingles à cette robe pour effacer le moindre petit pli.

LA MARCHANDE.

Et vous gagneriez : quand les habits font fimples, il faut qu'ils foient arrangés d'une certaine façon... Vous riez! LA BONNE.

Oui, de l'artifice de l'amour-propre qui trouve le fecret, chez la plus grande partie des dévotes, d'accommoder la gloire du renoncement aux parures, avec tous les raffinemens de la vanité des toilettes.

LA MARQUISE.

Mais il faut donc renoncer à la mor tification de la vanité dans les habits, du fafte, de la magnificence.

LA BONN E.

Oh que non,

Madame. C'eft le

premier facrifice que Dieu demande à une femme, parce que c'eft sa paffion dominante; mais il faut bien fe garder de fubftituer au luxe une fimplicité faftucufe où la vanité ne

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