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eft effentiel à une dévote; j'en ai déjà fait trois différens, & ils ont pensé me faire devenir folle.

LA VEU V E.

Et moi, je fuis fort contente de la dévotion, & j'aurois bien de la peine à y renoncer, elle me rend affez heureuse; cependant cette même Lifette prétend que je ne fuis rien moins que dévote, elle me vient chanter un catéchisme dont je n'ai jamais entendu parler; c'est de l'abnégation, des humiliations, & je ne fais combien de chofes qui me paroiffent petites puériles. Elle m'a entraînée ici, & m'a dit que Mademoiselle Bonne étoit dans la grande dévotion, je la crois fur fa parole; car je ne vois rien ici qui me l'annonce.

LA BONN E.

Elle vous a effectivement trompée, Madame. Je connois la vraie piété, je l'eftime plus que toutes les chofes du

monde ; je donnerois je crois de bon cœur la derniere goutte de mon fang pour être une vraie dévote; cependant, je l'avoue à ma honte, à peine ai-je fait les premiers pas dans la piété.

LA VEUVE.

S'il faut vous en dire mon fentiment, Mademoiselle, je vous crois fur votre parole, jamais on ne pourroit me perque vous êtes dévote.

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LISETT E.

Oferai-je vous demander, Madame, fur quoi vous fondez votre jugement par rapport à Mademoiselle Bonne

LA VEUVE.

Et mais cela faute aux yeux. Mademoiselle porte des couleurs; voyez comme fa chambre eft meublée.Je fais de bonne part qu'elle ne communie que deux fois par mois; je ne l'aï jamais vue dans les fociétés pieufes, & je fais au contraire qu'elle voit des

dames du grand monde. J'ai appris, à n'en pouvoir douter.... Mais diraije tout, Mademoiselle? j'ai peur de vous fâcher.

LA BONN E.

Non affurément, Madame : vous ne dites rien d'offenfant; je n'afpire point au titre de dévote, on peut me le refufer fans me bleffer.

Mlle. AGNÈS.

Cependant vous difiez tout à l'heure que vous donneriez la derniere goutte de votre fang pour la devenir; comment cèla eft-il compatible avec ce que vous dites actuellement que vous n'aspirez pas au titre de dévote?

LA BONNE.

Très-compatible, ma chere; le titre n'a rien de commun avec la réalité. On peut aimer cette feconde chofe, & fe foucier fort peu de la premiere.

Mais, laiffons, s'il vous plaît, achev er ce que Madame avoit à me dire.

LA VEU V E.

Eh bien puifque vous me le permettez, on vous accufe d'une grande molleffe. Vous fouffrez le vice fans le reprendre, vous cherchez même à l'excufer, je vous en donnerai un exemple. On parloit l'autre jour d'un fcandale qu'avoit donné Madame.... LA BONN E.

Arrêtez, s'il vous plaît, Madame. S'il eft certains vices que j'excuse, il en eft d'autres que je ne puis fupporter. La médifance, par exemple. Je l'ai en horreur, & je crois que le premier pas qu'on doit faire dans le chemin de la dévotion eft de la retrancher abfolument. La premiere regle que nous mettrons donc dans nos con verfations, eft de refpecter infiniment le prochain. Il eft des occafions où nous pouvons parler de nos fautes,

encore doivent-elles être rares, mais jamais de celles du prochain, à moins que ce ne foit aux perfonnes fupérieures qui ont le droit & les moyens de réprimer le vice.'

LA PRÉSIDENTE.

Que dites-vous, Mademoiselle qu'il faut rarement parler de fes fautes; eft-ce qu'il n'eft pas bon de s'humilier?

LA BONNE.

Oui, Madame, & c'eft pour cela que je dis qu'il ne faut pas parler de foi-même en mal. La vraie humilité confifte à aimer à être inconnue, oubliée. Souvent c'est par orgueil qu'on parle de fes fautes; on veut occuper les autres de foi.

LA MARQUIS E.

Je tombe des nues. Quoi, la religion confifte à vouloir être oubliée !

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