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Mlle. AGNÈS.

Dont vous ne riiez pas apparemment, Madame; ces fortes de choses ne font pas agréables à entendre.

LA PRESIDENTE.

Agréables ou non, elles font profitables, & je fuis très-déterminée à en tirer tout l'avantage poffible. J'avoue que cela m'auroit extrêmement piquée il y a un mois ; mais comme cela est arrivé pendant cette retraite, où je prenois réfolution chaque jour de me corriger, je répondis à cette fille: Vous vous trompez, ma chere; la vraie piété attendrit le cœur, le rend bon & compatisfant; elle fait la guerre à l'humeur, au caprice; en un mot, elle eft fort aimable. J'ajoutai en me tournant vers mes femmes : Vous avez peine à croire cela, & c'eft ma faute; vous m'avez cru dévote jufqu'à ce jour, & vous avez pu reconnoître en

moi les défauts oppofés aux vertus dont je viens de parler; c'est que je n'étois pas véritablement pieufe. Demandez à Dieu ma converfion, & alors je ferai telle qu'il le faudra pour réconcilier Nanette avec la piété; je veux, avec la grace de Dieu, vous donner à toutes une jufte idée de la dévotion, & vous rendre pieuses; & en attendant, je fuis fincérement fâchée de vous avoir mal édifiées jufqu'à ce jour ; je vous prie de l'oublier.

Mlle. SOPHIE.

Je vous demande bien pardon de ma fincérité, Madame; mais voilà un acte d'humilité qui reffemble comme deux gouttes d'eau à une imprudence; vos femmes font autorifées par-là à vous manquer de refpect.

LA PRÉSIDENTE.

Je l'aurois dit comme vous, Mademoiselle; mais la réflexion & l'expérience m'ont convaincue du con

traire. Nos fautes n'échappent point à nos inférieurs; ce font des obfervateurs exacts & féveres qui ne nous pardonnent rien. La connoissance de ces fautes nous avilit, fans doute, à leurs yeux; car il eft autant impoffible de ne pas mépriser le vice que de ne pas eftimer la vertu. Ce font deux fentimens qui nous entraînent invinci blement & fans notre aveu. Il est donc certain que j'étois méprifée de ces femmes, fans que je puffe leur en faire un crime, puisqu'il ne dépendoit pas d'elles de faire autrement. C'étoit à mes défauts qu'il falloit s'en prendre, à mon orgueil fur-tout. A chaque coup que je donnerai à mes défauts & à cet orgueil, je diminuerai un degré du mépris involontaire que je leur ai infpiré,' & fi je puis aller jusqu'à devenir vertueuse, elles feront forcées de rentrer dans les fentimens de refpect qu'elles ont actuellement pour mon rang, & qui paffera à ma

perfonne. D'ailleurs, fi j'avois volé un louis à quelqu'un, je ne me croirois pas en état de falut, jusqu'à ce que je l'euffe reftitué. Mademoiselle Bonne nous a fait remarquer qu'il ne peut y avoir de liaifon & d'accord entre la dévotion & l'injustice. Or je me fuis rendu coupable d'une horrible injuftice envers Dieu, en décriant fon fervice par ma mauvaise conduite. Je fuis donc obligée, en conscience, à réhabiliter la piété que j'ai décriée. Au refte, Mademoiselle, je n'ai jamais été mieux fervie que pendant ces huit jours; car actuellement mes femmes commencent à m'aimer, & s'efforcent machinalement à me remercier du changement de mes manieres à leur égard, par leurs attentions & leurs foins.

Mlle. AGNÈS.

On a grand tort de dire que la dévotion rapetiffe l'efprit; je crois qu'elle l'étend au contraire. Y a-t-il

rien de plus sensé & de plus juste que les réflexions qu'elle a infpirées à Madame la Présidente; c'est de la belle & bonne philofophie.

LA BONN E.

Rappelez-vous, Mesdames, les paroles de faint Paul, & votre surprise ceffera. La piété eft bonne à tout, dit ce grand Apôtre. Je vous jure que j'ai connu des perfonnes extrêmement bornées, à qui la vraie dévotion avoit donné quelque chofe qui reffembloit fi fort à de l'efprit, que les plus habiles y étoient trompés. Elles parloient peu, écoutoient beaucoup, faifoient chaque chofe en fon temps, prenoient toujours le meilleur parti dans les chofes délicates à décider, parce que, libres des paffions, elles voyoient tout, tel qu'il étoit. La fauffe dévotion au contraire, a le fecret de diminuer les lumieres, d'apetiffer l'ame, & de donner mille défauts qu'on n'avoit pas auparavant. Le

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