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tous les dévots fe tuoient de me dire

que vous étiez une fainte; d'où je concluois que c'étoit le plus grand malheur du monde d'avoir une femme fi parfaite. Voyez-vous, fi la dévotion vous engage à prendre foin de vos affaires, & à être telle que vous êtes aujourd'hui, oh, je fuis le très-humble ferviteur de celle-là, & je la trouve bien refpectable; il eft certain que vous me donneriez envie de vous imiter. J'ai fort affuré mon Epoux, que je ne voulois plus mettre la piété qu'à bien remplir mes devoirs; & il a été fi enchanté de mes promeffes, qu'il eft forti fur le champ & eft allé chez un orfevre chercher quelques diamans qu'il s'étoit obstiné à me refufer, feulement pour me punir. Ah! Mademoiselle, j'ai eu une violente tentation à ce momant, je fuis auffi vaine que gour mande; je me parois en efprit de ces bijoux, l'orgueil penfoit avec complaifance au dépit qu'auroient mes

voifines, de me voir ces bijoux; Dieu m'a donné une force toute particuliere, & que je n'aurois jamais trouvée dans mon propre fonds. J'ai refufé les diamans; mais j'en ai pleuré lorsque j'ai été feule. Cependant j'étois enchantée de ne les avoir pas pris: accommodez tout cela fi vous pouvez.

LA BONN E.

Très-aifément, Madame; voilà ce grand myftere que nos trois jeunes filles ont tant de peine à comprendre. Voilà les deux hommes dont parle S. Paul, le vieux & le nouveau. Le premier jette des cris épouvantables quand on le veut foumettre à l'efprit; & ces Demoiselles, n'étant attentives qu'à fes cris, trouvent que le renoncement à foi-même eft la médecine la plus amere: fi elles pouvoient fentir les confolations & la joie que goûte le nouvel homme, à mesure que l'autre fe détruit, elles conviendroient que le plaisir

l'emporte fur la peine. Voilà déjà quelques pas de faits, Madame; mais il vous en refte de plus importans.

LA MARCHANDE.

Vous allez toucher le point délicat, Mademoiselle; je fuis fûre qu'il est question de mes filles; me trompé-je?

LA BONN E.

Non, Madame, & je vois avec une

grande fatisfaction que la grace m'a prévenue & a parlé plus haut que je ne pourrois le faire.

LA MARCHANDE.

Qui, Madame; mais elle n'y a encore rien gagné. Je crois qu'il faut un miracle pour me faire furmonter ma répugnance à cet égard.

LA MARQUIS E.

Eft-ce que vous avez plus d'une fille, Madame ? j'aurois juré que vous n'aviez que celle que je vous connoiffois,

LA MARCHANDE.

C'eft faire innocemment, Madame, la critique la plus jufte d'une mere dénaturée, telle que je l'ai été jusqu'aujourd'hui. Pour obtenir de Dieu la grace de me vaincre à cet égard, je vais vous avouer le principe de ma barbarie. Vous le favez, je fuis née d'une famille très-obfcure & peu à fon aife; mon époux qui poffede de grands biens m'a fait ma fortune. C'eft un homme extrêmement modéré & attaché à fon commerce; l'ambition m'en dégoûta bientôt. Cette boutique me paroiffoit fi ignoble, que je fis les plus grands efforts pour l'engager à la quitter: il ne put s'y réfoudre, & cette contradiction fut le premier principe de ma mauvaise humeur. J'ai eu trois filles les premieres années de mon mariage, & Dieu, pour me punir fans doute, a permis qu'elles fuffent laides; il n'en a pas fallu davantage pour me les faire

prendre à dégoût: elles ont passé des mains de leurs nourrices dans des couvens de campagne, où je ne les vois qu'une fois l'année, & où j'ai promis de groffes dots fi on pouvoit les engager à être Religieufes. Après quatre ans de repos, j'ai eu ma quatrieme fille. Vous favez, Madame, qu'elle eft fort jolie ; j'en ai fait mon idole. Je me fuis flattée pour elle d'un grand mariage, qui forceroit mon mari à quitter cette odieufe boutique; en conféquence je lui ai donné tous les airs d'une fille de qualité, pendant que fes fœurs font abandonnées. Ma confcience me reproche vivement cette injuftice, ainsi que la vocation de mon aînée, qui par défespoir le prépare à prendre le voile blanc dans le couvent où elle a été élevée.

LISETTE.

Ah! Madame, donnez-la-nous plutôt; je connois le bon cœur de Madame la Marquife; affurément elle la

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