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à devenir dévote, n'avez-vous pas conçu que c'étoit vous engager à devenir une fainte?

LA VEUVE,

Oh! je vous affure que je n'ai jamais compris que dévote & fainte fuf fent deux mots fynonymes. La dévotion eft un état qui convient quand on n'eft plus d'un certain âge; on fe fait dévote par décence, par ennui, par fociété, pour être de quelque chofe. Cet état a fes devoirs tout comme un autre, mais qui ne font pas fort pénibles, & qui affurent le falut fans mener à cette haute perfection qui fait la sainteté, & où fi peu de perfonnes peuvent atteindre.

LA BONN E.

Hélas! Madame, il n'eft que trop vrai que la dévotion qui eft fi fort en vogue aujourd'hui ne reffemble que trop à ce que vous venez de nous dire ;

mais cette dévotion, loin d'affurer le falut, en éloigne, & eft un des moyens dont le diable fe fert le plus efficacement pour perdre les ames. Si on me demandoit lequel eft le plus aifé ou la converfion d'un grand libertin, ou celle d'une dévote de cette espece, je n'hésiterois pas à décider pour la premiere.

LA PRÉSIDENTE.

Voilà à-peu-près ce que m'infinuoient les directeurs que j'ai quittés, & ce qui m'a engagée à les abandonner.

Mlle. AGNÈS.

Ils avoient tort, je penfe, & Mademoiselle Bonne auffi; car enfin la dévotion telle que celle que vous frondez, engage à des chofes louables. J'aimois les habits magnifiques, & je leur en ai fubftitué de fimples; je courois les fpectacles & les bals, je n'y vais plus. La vifite des églifes, les conférences fpi

rituelles ont été fubftituées à ces plaifirs dangereux. Je ne communiois que tous les trois mois, je le fais actuellement deux fois chaque femaine; je lis des livres de piété au lieu des romans; je ne manque à aucun office; ma vie n'eft-elle pas plus édifiante aujourd'hui qu'elle n'étoit alors? Combien de jeunes filles de mon âge donnent - elles dans des intrigues dont je fuis exempte? Nous en gémiffons fouvent dans notre fociété; mais en vérité, c'eft qu'il n'y a plus de religion, de modestie, de piété, & je pourrois nommer cinquante de mes anciennes compagnes qui ont mille travers dont la dévotion m'éloiEn bonne vérité, Mademoiselle, aimeriez-vous mieux que je vécusse comme elles, que de continuer ce que j'ai commencé ?

gne.

LA BONN E.

Je vous le dirai hardiment, Mademoiselle; oui, je l'aimerois mieux. Le

fuperbe Pharifien étoit infiniment éloi gné du royaume de Dieu dont l'humble Publicain étoit proche. Vous vous plaignez qu'on vous a trompée en vous promettant dans la piété des douceurs que vous n'avez jamais éprouvées : je dois vous le dire en confcience, c'est que vous n'avez jamais été pieuse. Vous rougiffez, Mademoifelle; la colere & l'indignation fe peignent dans vos yeux j'en ai peut-être trop dit, mais vous m'avez prié de parler, & le filence me rendroit criminelle. Tremblez pour votre falut, Mademoiselle; ces communions multipliées & dont vous tirez fi peu de fruit, me jettent dans une fayeur légitime à votre égard.

Mlle. AGNÈS, féchement.

Je vous en remercie, Mademoifelle; vous êtes charitable & très-charitable, mais vous pouvez vous difpenfer de l'être tant à mon égard, &

pour vous en ôter les occafions, j'ai l'honneur de vous faire ma révérence.

Mlle. DOROTHÉE.

Ah! ma chere amie, qu'allez-vous faire? Ne voyez-vous pas que vous êtes auffi éloignée de la vraie piété que le ciel l'eft de la terre? N'avezvous pas conjuré Mademoiselle de vous parler à cœur ouvert? Ne lui avez-vous pas promis une docilité fans bornes? N'a-t-elle pas réfifté longtemps à vos importunités avant que de fe réfoudre à vous donner fes confeils? Etoit-ce pour être louée, applaudie, ou éclairée, que vous les lui avez demandés? Penfez-y bien; peut-être votre falut dépend-il de la victoire que vous allez remporter fur votre orgueil; peut-être......

Mlle. AGNÈS.

J'avoue que j'ai pris ceci trop vivement; mais il me femble auffi que Mademoiselle Bonne eft fort imprudente

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