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dans ce difcours qu'elle vient de me tenir; elle a des idées fingulieres, faut-il qu'on les adopte? Croit-elle qu'il ne peut y avoir d'idées juftes que celles qui fortent de fa tête ? Pratique-t-elle ce qu'elle veut nous infinuer ?

LA BONN E.

Oh! pour cela, Mademoiselle, je vous paffe condamnation de tout mon cœur ; je fuis bien éloignée de pratiquer ce que j'enseigne aux autres; j'en gémis, & je demande tous les jours à Dieu la grace de conformer ma vie à mes lumieres. Devenez une vraie dévote, & vos prieres m'aideront à obtenir cette faveur, Au refte, j'avoue que je fuis fouvent fort imprudente, & que peut-être je l'ai été dans cette occafion; mon amitié pour vous m'a emportée au-delà des bornes, & je vous en demande excufe. Vous devez me pardonner cette faute en faveur

du zele qui l'a produite; j'efpere, avec la grace de Dieu, être plus circonfpecte à l'avenir.

Mlle. AGNÈS.

Je demeure confondue: au lieu de fentir mon impertinence, vous avez la bonté de vous accufer vous-même. Ah, que je fuis éloignée de ces difpofitions! mais comment faire pour les acquérir? je vous ai rebutée trop vivement pour que vous daigniez pren. dre à l'avenir la peine de me reprendre. Vous me laifferez telle que je fuis, & vous aurez raifon; j'avoue que vous devez vous épargner une incartade telle que je viens de vous la faire, & vous ne pourrez plus vous fier aux promeffes que je vous ferai de me corriger. pourtant.....

Si

LA BONNE.

Et quand vous me manqueriez de parole, ma chere amie, aurois-je droit de m'en facher? Hélas! depuis bien

des années je fais des promeffes à Dieu auxquelles je manque tous les jours; il a la bonté & la patience de me sup◄ porter malgré mes infidélités & mes rechûtes, pourquoi m'impatienteroisje avec les autres ?

Mlle. AGNÈS.

Vous me confolez un peu; mais, pour me rendre toute ma tranquillité, promettez-moi d'oublier fi parfaitement ce qui vient de se paffer, que vous agirez avec moi auffi librement que vous le faifiez auparavant.

LA BONN E.

Qui, ma chere, je vous le promets. Je vous connoiffois aflez pour penfer que votre colere feroit de peu de durée: j'avoue cependant que je ne m'attendois pas à la voir finir fi-tôt : la promptitude de votre repentir me donne de grandes efpérances.

Mile. SOPHIE.

Je fuis moins vive que Mademoifelle

Agnès, mais je fuis fort opiniâtre, & je doute que je fuffe revenue fi vîte. Que cela ne vous décourage pas, Mademoiselle, j'ai bonne volonté, & fi en me rendant vraiment dévote vous pouviez me guérir de mes ennuis & de mes dégoûts, je vous pardonnerois ce que vous pourriez me dire de plus dur. Ma paffion eft d'être heureuse; je n'ai voulu me donner à Dieu que parce que je ne trouvois pas le bonheur dans le monde; j'avoue que ce motif n'eft pas bien noble, c'eft pourtant le mien.

LA BONN E.

Dieu fe fert de tout, ma chere: vous purifiez votre motif, & il vous aidera à fouhaiter principalement fa gloire. Après tout il ne vous défend pas de chercher à être heureuse en lui, mais il ne veut pas que ce foit - là votre feul motif. Il faut que ce ne foit que le fecond,

LA MARCHANDE.

Que diriez-vous fi vous connoiffiez celui qui m'a jetée dans ce que l'on appelle dévotion? il s'en faut de beaucoup qu'il ne foit auffi bon. Vous voyez que je suis bien éloignée d'être jolie; j'ai une fœur qui l'eft beaucoup & à qui fon vifage attire de grandes diftinctions; c'eft pour me donner quelque confidération que je me fuis fait dévote, & cela m'a réuffi; en forte qu'aujourd'hui j'ai une fociété plus nombreuse, & on a plus d'égards pour moi que pour ma fœur.

LA BONNE.

Avouer fes fautes & fes travers, est une preuve certaine du défir qu'on a de fe corriger. D'ailleurs, Mefdames, je crois remarquer en vous un fond de bonne volonté qui me donne de grandes efpérances vous avez manqué d'inftruction, & vous avez cru que la dévotion pouvoit s'acquérir par mille

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