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LE

MAGASIN

DES

DÉVOTE S.

PREMIERE JOURNÉE.

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J

LA BONNE.

E vous affure, Mesdames, qu'après avoir réfléchi sérieufement fur ce que vous m'avez demandé, je me

fuis repentie de la promeffe que je vous ai faite, & que je ne me fuis rendue ici que pour dégager ma parole.

Mlle. DOROTHÉE.

Et vous avez fuppofé apparemment que nous aurions la foibleffe de vous la

rendre? Non, Mademoiselle, vous avez contracté une dette dont nous ne fommes pas difpofées à vous donner quittance. Nous voulons nous donner à Dieu fans réserve & de la maniere que nous croirons la plus parfaite. S. Paul af fure que la piété eft bonne à tout; cependant, malgré cet oracle, nous voyons aujourd'hui que la piété gâte tout, & que la dévotion eft tellement décriće que le nom de dévote devient une injure. Nous penfons conféquemment que la piété d'aujourd'hui n'eft pas celle dont parle S. Paul. Vous nous avez dit mille fois que vous aviez vécu longtemps avec de vraies dévotes; que la piété en avoit fait les perfonnes les plus aimables dans la fociété : c'eft cette dévotion que nous voudrions connoître afin de la pratiquer; ces dames ont làdeffus les mêmes défirs que moi.

LA MARQUISE.

Je vous avoue dans mon particulier

que je ne puis me paffer d'un éclairciffement à cet égard. Il y a deux ans que j'ai pris le parti de la dévotion; j'ai facrifié à Dieu les spectacles, le rouge, les promenades au Cours, au Luxembourg, aux Tuileries, au Palais royal; j'ai quitté les couleurs pour prendre le brun, je vais affidument aux églises. Que faut-il davantage pour être dévote? Cependant, fi j'en crois Lifette, je fuis devenue infupportable depuis que je veux être pieuse; elle me prêche qu'elle a connu des dévotes chez lefquelles la dévotion a produit un effet tout différent ; j'ai de la bonne volonté, je voudrois connoître la vraie route de la dévotion, j'y entrerois de bon cœur. On dit que vous la connoiffez, Mademoiselle; auriez-vous la cruauté de me la cacher?

Mlle. AGNÈS.

Pour moi, voici mon dernier mot. On m'avoit affuré que je trouverois de

grandes douceurs dans la dévotion; c'est à cette promeffe que j'ai facrifié les plaisirs du monde: on m'a trompée, je fuis prête à tout laiffer-là.

Mlle. SOPHIE.

J'en dirois bien autant, mais le respect humain m'empêche de rentrer dans le monde que j'ai quitté par une faillie de jeune fille. Cependant je fuis trop malheureuse pour que cela puisse durer long-temps.

LA MARCHANDE.

Si je quitte la dévotion, ce ne fera pas par amour du monde & de fes plaisirs dont je ne me foucie guere, Dieu merci; mais pour avoir la paix avec mon mari qui fe défefpere de me voir dévote.

LA PRÉSIDENTE.

Puifque tout le monde fe confeffe ici, je veux auffi déclarer ce qui me tient au cœur. On dit qu'un directeur

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