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Quel eft le motif qui vous a fait prendre le parti de la dévotion?

LA VEUVE.

Je vais vous répondre avec franchife. Des défagrémens éprouvés dans le monde, m'en ont d'abord inspiré un dégoût. La raison enfuite m'a montré que j'approchois de l'âge où une grande parure & des plaifirs bruyans rendent ridicule, & qu'ainfi il falloit deve nir dévote affez tôt pour qu'on ne pût m'accufer de l'être par néceffité, A ces motifs s'eft joint un peu de défir de faire mon falut, & d'éprouver ce bonheur fi vanté par les faintes ames ? LA BON NE,

Qu'avez-vous fait pour remplir les vues que vous vous étiez propofées ? Par où avez-vous commencé ?

LA VEU V E.

J'ai quitté les couleurs & les habits de foie, les dentelles, le rouge, les

fpectacles.J'ai auffi réformé mon ameublement. Je me fuis impofé des méditations, des prieres vocales; je fuis entrée dans toutes les bonnes œuvres qu'on m'a propofées, j'y dépenfe une partie de mon bien. Je fréquente les hôpitaux, les prifons: je communie fouvent. Voilà d'un bout à l'autre ce qui conftitue ma réforme : du refte, je n'ai jamais vécu dans le défordre ; j'aimois le monde & les plaifirs, je pen fois plus à m'amufer qu'à me fauver; mais j'ai toujours eu des mœurs.

LA BONN E.

Auriez-vous voulu mourir avant cette réforme? Croyez-vous que vous viviez dans la grace de Dieu ? Approchiez-vous souvent des facremens, faifiez-vous de bonnes œuvres ?

LA VEU V E.

Si l'intention fait les bonnes ac->

tions, j'en faifois

peu.

Je communiois

& me confeffois trois fois par an, parce que c'étoit l'ufage. J'allois à l'églife par décence, j'y lifois fans attention des prieres où mon cœur n'avoit aucune part. Je donnois l'aumône, parce que je fuis née pitoyable, & que je fouffre quand je vois des malheureux.

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C'est-à-dire, Madame, que vous étiez une honnête païenne : & avezvous conçu une grande horreur de l'inutilité de votre vie? Avez-vous cherché à vous bien réconcilier avec Dieu par une bonne confeffion générale ?

LA VEU V E.

Je l'ai faite par partie; c'est-à-dire, que de temps en temps j'ai rappelé quelques-unes de mes fautes, mais jamais je n'en ai fait une entiere; je ne me croyois pas affez coupable pour en avoir befoin. Je vous parle bien fincérement, comme vous voyez.

LA BONNE.

Et cette fincérité eft abfolument néceffaire pour me guider dans les confeils que j'ai l'honneur de vous of frir. Je crois très-certainement, Madame, que vous avez manqué à l'effentiel. La premiere chofe par laquelle vous deviez commencer étoit de vous bien convaincre du mauvais état dans lequel vous étiez, & des crimes de votre vie.

LA VEUVE.

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Mais, Mademoiselle, n'employezvous pas un terme trop fort? Je vous l'ai dit, ma vie étoit inutile, mais elle n'étoit pas criminelle.

LA BONN E.

O funefte effet du péché! tu nous aveugles, tu nous ôtes le fentiment. Si on pouvoit vous convaincre d'avoir été ingrate envers la derniere des créatures

de qui vous auriez reçu quelque fervice, vous en rougiriez, & vous vous croiriez bien coupable; mais fi vous aviez cherché à rendre le mal pour le bien, vous ne pourriez vous diffimuler à vous-même que vous feriez digne de tous les mépris. Si on pouvoit vous prouver que fans égard pour la justice, vous avez refufé le falaire des ouvriers, le gage des domestiques; que vous avez tâché de vous approprier le bien d'autrui par toutes fortes de voies, votre confcience vous forceroit à prendre rang parmi les victimes de la vindicte publique.Si votre cœur vous reprochoit de n'avoir eu aucun amour pour ceux qui vous ont donné la vie, d'avoir regardé les foins qu'ils ont pris de votre education, avec une brutale indifférence, de ne leur avoir rendu aucun des devoirs que la nature exige. Ah! vous auriez horreur de vous-même, vous ne pourriez vous empêcher d'être en proie aux repentirs les plus cuifans.

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