des Macédoniens fembloit promettre tout l'avantage à Æfchines, qui avoit été depuis long-temps le partifan de Philippe & de fon fils, & qui ne dirigeoit fes coups fur Créfiphon que pour bleffer Démosthènes, l'ennemi déclaré des deux rois. banni com niateur. Nous trouvons, dans l'oraifon d'Afchines, Æfchines le pouvoir de la raison & de l'argument, com- me calombiné avec la plus brillante éloquence. Néanmoins la véhémence perfuafive de Démosthènes prévalut dans le débat. Les traits de force fans: exemple, par lefquels il obtint la victoire feront admirés jufqu'aux derniers âges du monde. A quel degré d'enthousiasme l'orateur & fon auditoire ne devoient-ils pas être élevés, lorfque, pour fe juftifier fur ce qu'il avoit confeillé la funefte bataille de Chéronée, il s'écria: « Non," mes concitoyens, vous n'étiez pas dans l'erreur; j'en jure par les mânes de ces héros qui: combattirent pour la même caufe à Marathon & à Platée ». Quel art fublime ne falloit-il pas pour arriver, par de juftes degrés, à ce fentiment extraordinaire qui, fous un autre point de vue que celui des traits d'éloquence. dont il étoit environné, paroîtroit tout-à-fait extrême & gigantefque. Voyez l'oraifon de Corona toute entière. Générosité thenes. L'Orateur justifia non-feulement Ctéfiphon & de Démof- lui-même, mais fi: bannir fon adverfaire comme l'auteur d'une accusation calomnieuse Quelque honorable que fut ce triomphe, Démosthènes tira plus de gloire encore de la manière généreufe dont il traita fon rival vaincu. Avant qu'Æfchines s'embarquât, il lui porta une bourse d'argent, qu'il le força; par les inftances les plus engageantes à accepter; générosité qui fit fentir vivement au banni le poids de fon châtiment, & lui fit dire : « Combien ne dois-je pas regretter un pays où les ennemis font plus généreux que les amis ne le font partout ailleurs. » Æfchines fe retira dans l'ifle de Rhodes, où il établit une école d'éloquence qui fleurit durant plufieurs fiècles. On rapporte qu'ayant lu à ses disciples l'oraifon qui avoit occafionné fon banniffement, elle fut reçue avec des applaudiffemens extraordinaires ; mais ces applaudiffemens redoublant lorsqu'il lut la réplique de Démosthènes, loin de témoigner la moindre peine, il cria à fon auditoire: Quelle auroit donc été votre admiration,. fi vous l'aviez entendu lui-même » * ? * Efchines avoit été l'ennemi déclaré de Démosthèneş; il avoit montré, en toute occafion, fon reffentiment & sa jaloufie contre cet orateur, fon compa Démosthènes furvécut à Alexandre, dont la grandeur d'ame dédaigna de punir un ennemi qu'il ne regardoit pas comme très-dangereux. Mais cet illuftre patriote Athénien fut la victime de la politique plus foupçonneuse d'Anti pater. Sur les inftances de ce prince, il fut banni d'Athènes, & fe voyant poursuivi par des affaffins Macédoniens dans la petite ifle de Calaurie, il finit fa vie par le poison 2. a Sa mort. Olymp. cXIV. 3. A. C. 322. des Athé mofthènes.. On pourroit croire que le conquérant de La fentence l'empire de Perfe n'eut pas le loifir ou la vo- niens en fa lonté de faire attention à une difpute perfon-veur de Dénelle entre deux orateurs Athéniens, & que devient une preuve de la l'accufation ni la défense, de Démosthènes ne modération purent affecter fon orgueil ou fon intérêt. Il dre. eft bon d'observer cependant que cet orateur étoit depuis long-temps l'ennemi de la grandeur triote & fon confrère; il avoit trahi même fa patrie, moins fans doute par défaut de vertu & de lumières, que pour être d'un parti contraire; & cependant la conduite généreuse de Démosthènes envers Æfchines, après le banniffement de ce dernier, lui avoit rendu toute fa vertu. Tant il eft vrai que la fierté de l'amour-propre, dans un homme éclairé & sensible, ne peut être vaincue que par des traits de générofité, & jamais par l'infolence & le defpotisme de ceux qui l'ont fubjugué, Note du Traducteur. a Plut. in Demofth, & Lucian. Demofth. d'Alexan Etat de lá nées du rè lexandre. de fa famille, & qu'au commencement de fon Privés en effet de l'honneur, mais auffi dé. Grèce pen- livrés des foins d'une fouveraineté indépendante, dant les dernières an- & à l'abri de ces diffenfions continuelles & gne d'A- fouvent meurtrières, qui fouillent les annales de leur liberté turbulente, les Grecs fe livroient à leur goût naturel pour les agrémens de lá vie fociale; goût par lequel ils étoient diftingués honorablement de toutes les autres nations de l'antiquité. l'antiquité. Leurs cérémonies religieufes, leurs fêtes publiques, leurs fpectacles dramatiques n'avoient jamais été célébrés auparavant avec autant de pompe. Les écoles de philofophes & de rhéteurs étoient fréquentées par toutes les claffes de citoyens; la peinture & la fculpture étoient cultivées avec autant de fuccès que d'ardeur. On fit plufieurs découvertes dans les fciences; &, comme on le verra pleinement par la fuite, les Grecs, & fur-tout les Athé niens, étoient encore, pour le goût & le génie, les émules de leurs ancêtres, quoiqu'ils n'en euffent confervé ni l'efprit ni la vertu. Dans cet état de dégénération même, lorfque le patriotifme & la véritable valeur étoient éteints, & que ces républicains fubjugués n'avoient plus de liberté à chérir ni de patrie à défendre, leur réputation militaire fe ranima en s'affociant à la renommée de leur vainqueur *. Leurs exploits fous Alexandre, quoique dirigés vers un but * Quand une nation n'a plus cette véritable valeur que donne l'amour de la patrie, & qu'il ne lui refte que l'honneur martial, c'est-à-dire le caput mortuum de fon ancienne liberté, il lui faut néceffairement un Alexandre pour la ranimer; &, malgré cela, elle ne va pas bien loin, comme l'histoire de l'ancienne Grèce le prouve incons testablement. Note du Traducteur. |