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révérence, le remercia humblement. Entendez, mon fils (dit l'ancien Duc), je vous commande eftre bon Seigneur à voftre peuple, l'entretenir en paix fans le travailler d'impoft ne fubfides irraifonnables, gardant en tous endroitz équité, droiture & juftice, & fus toutes chofes maintenez l'honneur de Dieu, l'eftat de fainte Eglife, fes libertés & franchifes, & ne permettez qu'elle foit opprimée des tyrans fes ennemis. Honorez les Princes, Chevaliers & gens de bonne vie. Soyez large, doux & courtoys à tout le monde: fuyez l'orgueil & autres vices, qui conduyfent l'homme à la damnation éternelle. Singuliérement recognoiffez le très-Chreftien Roi de France & Empereur Charlemagne à Seigneur. Vous tenez de luy le Duché de Bourgogne, Auvergne & Lymofin. A cefte caufe il eft voftre Seigneur lige; vous le fervirez ainfi que tout noble Prince doit obéiffance à fon fupérieur : Dieu,

par fa bonté, vous en donne la grace! Les efforts que le Duc de Rouffillon avoit faits pendant cette augufte cérémonie, furent fuivis d'un long évanouiffement, dont il ne revint que pour adreffer les adieux les plus touchans à Gérard, à Améline & à tous fes illuftres parens. Peu après it expira, au grand regret, non feulement de fes fujets, mais de la France entiere & de toute la Chrétienté, à qui il avoit rendu les plus importans fervices. Gérard le pleura fincérement, & lui fit les plus magnifiques obfeques. Le bon Duc Doolin, Flandrine fon époufe & le Roi d'Afcalot ne le quitterent que lorfque La douleur fut un peu amortie, & qu'il eut reçu les hommages de fes nouveaux vaffaux.

Nous ne parlerons point des trois années qui fuivirent la mort de Gérard de Rouffillon, & que le fils de Doolin paffa au milieu des amusemens de toute efpece, & dans les bras de fa chere

Améline. Pendant ce temps rien ne manqua à fon bonheur, que la naiffance d'un fils qu'il fouhaitoit avec ardeur, & que la Providence lui refufa. Ce chagrin aigrit fon caractere, & rendit fon joug pefant à fes vaffaux & aux braves Chevaliers qui compofoient fa Cour. D'ailleurs jeune, brave, orgueilleux, couvert de gloire, & Souverain du Duché de Bourgogne, pairie de France, & des Comtés d'Auvergne & de Limoges, il ofa fe croire, par fes feules forces, affranchi de tout hommage envers Charlemagne, fon Seigneur fuzerain. Ce grand Empereur étoit alors occupé à réduire les Saxons, qui, tantôt foumis, tantôt révoltés, l'obligeoient chaque année à paffer le Rhin avec une armée, & le forcerent enfin à les détruire en partie pour le bonheur de ceux qui furvécurent au maffacre qu'il fit des plus dangereux. Ces jours de guerre continuelle donnerent à Gérard tout le temps de s'af

ce que

fermir dans l'idée de fon indépendance prétendue, & de braver hautement les menaces réitérées de fon Suzerain : mais l'orage n'éclate jamais avec plus de force, que lorfqu'il a long-temps grondé; c'est bientôt nous aurons occafion de remarquer. Le prudent Aldeno, inftruit du danger que couroit fon Eleve, voulut en prévenir les effets; & voici comme il s'y prit pour lui donner une leçon utile, & bien capable fans doute de le ramener à fes devoirs.

Gérard, ayant formé le deffein de vifiter fes Comtés d'Auvergne & de Limoges, nomma pour l'accompagner plufieurs Chevaliers & grand nombre d'Officiers, & prit congé de la Ducheffe fon époufe. Un jour qu'il côtoyoit la lifiere d'une forêt affez épaiffe, il en vit faillir un grand vilain hériffoné, veftu d'un taburlan barbarique de gris, bureau, traînant un pied de terre, portant une groffe maffue de houx tortu fus le col, qui fuyvoit deux nains

racourfiz, groz, lourds & contrefaits chassans un troupeau un troupeau de porcz Sauvages affez rudement, tant qu'ils les jeterent dans le chemin par où le Duc & fa compagnie devoient paffer, avec une façon de faire fi étrange & fi farouche, que le plus affuré en eût eu frayeur. Or étoit la voye longue, eftroite, mal-unie & fàcheufe, bordée de toutz côtés de deux endoffemens de la roche inacceffible, & ne reftoit que le paffage entre deux, taillé avec le fifeau par le mylieu, fans autre chemin. Fouques de Clermont, l'un des Chevaliers de la compagnie de Gérard, envoya quelques valets pour ordonner aux Nains de faire retirer leurs troupeaux de la route; mais ceux-ci, excités par leur Maître, chafferent les porcs entre les jambes des chevaux, dont quelques-uns culbuterent leurs Cavaliers. Cette audace excita la colere de Fouques, qui, pouffant auffi-tôt fon cheval jufqu'auprès des Nains leur

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