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gination de l'Artifan a eu lieu de fe déployer. Les faifeurs de Paftiches, ce font ces tableaux peints dans la maniere d'un grand Artifan, & qu'on expofe fous fon nom, bien qu'il ne les ait jamais vus; leş faifeurs de Paftiches, disje, ne fçauroient contrefaire l'ordonnance, ni le coloris, ni l'expreffion des grands Maîtres. On imite la main d'un autre, mais on n'imite pas de même, pour parler ainfi, son esprit, & l'on n'apprend point à penfer comme un autre, ainfi qu'on peut apprendre à prononcer comme lui.

Le Peintre médiocre qui voudroit contrefaire une grande compofition du Dominiquin ou de Rubens, ne fçauroit nous en impofer plus que celui qui voudroit faire un Paftiche fous le nom du Georgeon ou du Titien. Il faudroit avoir un génie prefque égal à celui du Peintre qu'on veut contrefaire, pour réuffir à faire prendre notre ouvrage pour être de ce Peintre. On ne fçauroit donc contrefaire le génie des grands hommes; mais on réuffit quelquefois à contrefaire leur main, c'est-à-dire, leur maniere de coucher la couleur & de tirer les traits, les airs de tête qu'ils répétoient, & ce qui pouvoit être de vicieux dans leur pratique. Il est

plus facile d'imiter les défauts des hommes leurs perfections. Par exemple, on reproche Guide d'avoir fait fes têtes trop plates. E manquent fouvent de rondeur, parce que le parties ne fe détachent point, & ne s'élev pas affez l'une fur l'autre. Il fuffit donc, p lui reffembler en cela, de fe négliger & de point fe donner la peine de pratiquer ce q l'art enseigne à faire pour donner de la ro deur à fes têtes.

Jordane le Napolitain, que fes compatriot appelloient Il fà presto, ou le dépêche befogne étoit après Teniers un des grands faiseurs Paftiches, qui jamais ait tendu des piéges au curieux. Fier d'avoir contrefait avec fuccès que ques têtes du Guide, il entreprit de faire d grandes compofitions dans le goût de cet aim ble Artisan, & dans le goût des autres Eleve du Carache. Tous ces tableaux qui représen tent différens événemens de l'hiftoire de Perfée font à Gennes dans le Palais du Marquis Grillo qui paya le fauffaire mieux que les grands Maî tres dont il fe faifoit le finge, n'avoient ét payés dans leur tems. On eft furpris en voyan ces tableaux; mais c'eft qu'un Peintre qui ne manquoit pas de talens, ait fi mal employé fes

veilles, & qu'un Seigneur Genois ait fait un fi mauvais ufage de fon argent.

La même chose est véritable en Poëfie. Un homme fans génie, mais qui a lu beaucoup de vers, peut bien, en arrangeant fes réminifcences avec difcernement, compofer une Epigramme qui reffemblera fi bien à celles de Martial, qu'on pourra la prendre pour être de ce Poëte. Mais un Poëte, qui après s'être diverti à compofer un treiziéme livre de l'Enéïde, feroit affez hardi pour l'attribuer à Virgile, n'en impoferoit à perfonne. Muret a bien pu faire prendre fix vers qu'il avoit compofés lui-même pour fix vers de Trabea, Poëte comique Latin, qui vivoit fix cens ans après la fondation de Rome.

Here, fi quærelis, ejulatu, fletibus
Medicina fieret miferiis mortalium;
Auro paranda lacrima contra forent.

Nunc hæc ad minuenda mala non magis valent.
Quam nenia Præficæ ad excitandos mortuos..
Res turbida confilium, non fletum expetunt.

Ces vers ont pu éblouir Joseph Scaliger au point qu'il les ait cités dans fon Commentaire fur Varron (a) comme un fragment de Trabea trouvé dans un ancien manufcrit. Si Muret avoit voulu fuppofer une comédie entiere à Téren

(a) Pag. 212. Edit. ann. 1573.

ce, Muret n'en auroit pas imposé à Scalig Or les hommes foigneux de leur réputation, doivent pas donner lieu aux fauffaires à veni d'imputer à leur mémoire des ouvrages qu' n'auront pas faits. C'eft affez que d'avoir à z pondre de ses propres fautes à la postérité.

SECTION XII.

Des fiècles illuftres & de la part que les cau morales ont au progrès des Arts.

Tous les fiécles ne font pas également fertil en grands Artisans. Les perfonnes les moins fp culatives ont fait plufieurs fois réflexion, qu étoit des fiécles où les Arts languiffoient, con me il en étoit d'autres où les Arts & les Scier ces donnoient des fleurs & des fruits en abor dance. Quelle comparaifon entre les produ tions de la Poëfie dans le fiécle d'Augufte, les productions du même art dans le fiécle d Gallien! La Peinture étoit-elle le même art pour ainsi dire, dans les deux fiécles qui précé derent le fiécle de Leon X, que dans le fiécl de ce Pape? Mais la fupériorité de certains fie clesfur les autres fiécles, eft trop connue pou

qu'il foit befoin que nous nous arrêtions à la prouver. Il s'agit uniquement de remonter, s'il eft poffible, aux causes qui donnent tant de fupériorité à un certain fiécle fur les autres fiécles.

Avant que d'entrer en matiere, je dois demander à mon lecteur qu'il me foit permis de prendre ici le mot de fiécle dans une fignification un peu différente de celle qu'il doit avoir à la rigueur. Le mot de fiécle pris dans fon fens précis, fignifie une durée de cent années, & quelquefois je l'employerai pour fignifier une durée de foixante ou de foixante & dix ans. J'ai cru pouvoir employer le mot de fiécle dans cette fignification avec d'autant plus de liberté, que la durée d'un fiécle eft arbitraire effentiellement, & qu'on eft convenu de donner cent années à chaque fiécle uniquement pour faciliter en Chronologie les calculs & les citations. Il ne s'acheve point aucune révolution physique dans la nature en l'efpace de cent ans, ainfi qu'il se fait une révolution phyfique dans la nature dans le terme d'une année, qui eft cette révolution du Soleil qu'on nomme annuelle. Le mot d'âge fignifie un tems trop court pour m'en fervir ici, & d'ailleurs le monde eft dans l'habitude de fe fervir du mot de fiécle, quand il parle de

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