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pables d'avoir dans le danger cette liberté d'efprit & d'imagination que les Romains même louoient dans Annibal. (a) Plurimum confilii inter ipfa pericula. C'eft ce que nous appellons être Général dans l'action.

Il en eft de toutes les profeffions, comme de celle de la guerre. La geftion des grandes affaires, l'art d'appliquer les hommes aux emplois pour lesquels ils font nés, la médecine, le jeu même, tout a fon génie. La nature a voulu répartir fes talens entre les hommes, afin de les rendre néceffaires les uns aux autres, parce que les befoins des hommes font le premier lien de la focieté. La nature a donc choifi les uns pour leur diftribuer l'aptitude à bien faire certaines chofes impoffibles à d'autres, & ces derniers ont pour des chofes différentes, une facilité qu'elle a refufée aux premiers. Les uns ont un génie fublime & étendu en une certaine fphere; d'autres ont dans la même sphere, le talent de l'application & le don de l'attention, fi propre à conduire les détails. Si les premiers font néceffaires aux feconds pour les guider, les feconds font néceffaires aux premiers pour opérer. La nature a fait un partage inégal de fes

(a) Livius, lib. 21.

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hériter perfonne, & l'homme entierem pourvu de toute efpece de talent, eft au qu'un génie univerfel. Des hommes fans efprit, font auffi rares que les monftre celui de tous les hommes qui s'est fait grande réputation dans la profeffion d'in les enfans. (a) Hebetes verò & indociles non fecundùm naturam hominis eduntur, quàm giofa corpora & monftris infignia.

Il femble même que la Providence n'ai lu rendre certains talens & certaines in tions plus communes parmi un certain p que parmi d'autres peuples, qu'afin de m entre les Nations la dépendance récipr qu'elle a pris tant de foin d'établir entre les ticuliers. Les befoins qui engagent les par liers d'entrer en fociété les uns avec les tres, engagagent auffi les Nations à lier elles une fociété. La Providence a donc v que les Nations fuffent obligées de faire les avec les autres, un échange de talens & dustrie, comme elles font échange des fi différens de leurs pays, afin qu'elles fe rec chaffent réciproquement, par le même moti fait que les particuliers fe joignent enfen (a) Quint. lib. 1. cap. 2.

pour compofer un même peuple: le défir d'être bien, ou l'envie d'être mieux.

De la différence des génies, naît la diverfité des inclinations des hommes, que la nature a pris la précaution de porter aux emplois, pour lefquels elle les deftine, avec plus ou moins d'impétuofité, fuivant qu'ils doivent avoir plus ou moins d'obstacles à furmonter, pour se rendre capables de remplir cette vocation. Les inclinations des hommes ne font fi différentes, que parce qu'ils fuivent tous le même mobile, je veux dire l'impulfion de leur génie.

Caftor gaudet equis, ovo prognatus eodem

Pugnis, quos capitum vivunt totidem ftudiorum
Millia (a)

D'où vient cette différence? Demandez-le, dit le même Philofophe, au génie d'un chacun qui peut feul vous en rendre compte: chaque particulier a le fien qui ne reffemble pas à celui des autres; il en eft même qui font auffi différens que le blanc & le noir.

Scit genius, natale comes qui temperat aftrum

Naturæ Deus humanæ, mortalis in unum

Quodque caput, vultu mutabilis, albus & ater. (b)

C'est ce qui fait qu'un Poëte plaît, fans ob

(a) Horat. Sat. prim. 1. 2.

(b) Ep. 2. 1. 2.

ferver les regles, quand un autre déplaî obfervant. (a) In quibufdam virtutes non gratiam, in quibufdam vitia ipfa delectant. ractere que les hommes apportent en na fait que les uns plaisent par leurs défauts m quand les autres déplaifent par leurs qualités.

Mon fujet ne veut pas que je parle pl long de la différence qui fe rencontre en génie des hommes, & même entre le gén Nations. Ceux qui voudroient s'en inftru perfectionner, par des lumieres acquifes, ftinct naturel qui nous fait faire le dife ment des hommes, peuvent lire l'Exame efprits par Huarté, & le Portrait du caracte hommes, des fiécles & des nations, par Ba On peut profiter beaucoup dans la lectur ces ouvrages, quoiqu'ils ne méritent pas la confiance du lecteur ; je ne dois parler ic du génie qui fait le Peintre & le Poëte. (c) Quintil. Inftit. l. 11. c. 3.

SEC

SECTION II.

Du génie qui fait les Peintres & les Poëtes.

JE conçois que le génie de leurs Arts confifte dans un arrangement heureux des organes du

cerveau,

dans la bonne conformation de chacun de ces organes, comme dans la qualité du fang, laquelle le difpofe à fermenter durant le travail, de maniere qu'il fourniffe er abondance des efprits aux refforts qui fervent aux fonctions de l'imagination. En effet, l'extrême laffitude & l'épuisement qui fuivent une longue contention d'efprit, rendent fenfible que les travaux d'imagination font une grande diffipation des forces du corps. J'ai fuppofé que le fang de celui qui compose, s'échauffât; car les Peintres & les Poëtes ne peuvent inventer de fang-froid: on fçait bien qu'ils entrent en une espece d'enthousiasme, lorsqu'ils produifent leurs idées. Ariftote parle même d'un Poëte qui ne compofoit jamais mieux, que lorfque fa fureur poëtialloit jufques à la frénéfie. Le Taffe n'enfantoit ces peintures admirables, qu'il nous a faites d'Armide & de Clorinde, qu'au prix de la

que

Tome II.

C

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