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avoient pas toutes enlevées. Le Ganimede qui fe voit dans la Bibliotheque de S. Marc à Venife, fut trouvé en Grece il y a trois cens ans. L'Andromede qui eft chez le Duc de Modene, fut trouvée dans Athenes, quand cette ville fut prife par les Vénitiens durant la guerre terminée par la paix de Carlowitz. Les rélations des Voyageurs modernes font remplies de defcriptions des ftatues & des bas-reliefs qu'on voit encore dans la Grece & dans l'Afie Mineure. Les Romains avoient-ils enlevé les bas-reliefs du temple de la Minerve dans Athenes? Pour parler des Lettres, avoient-ils enlevé de la Grece tous les exemplaires d'Homere, de Sophocle & des autres Ecrivains du bon tems? Non, mais ces jours heureux étoient paffés. L'industrie des Grecs avoit dégénéré en artifice, comme leur fagacité en efprit de finesse. Les Grecs, au talent de s'entrenuire près, étoient redevenus groffiers. Durant les fix derniers fiécles de l'Empire de Conftantinople, ils étoient moins habiles, principalement dans les Arts, qu'ils ne l'avoient été au tems d'Amintas Roi de Macédoine. Il est vrai que le fiécle heureux de la Grece a duré plus longtems que le fiécle d'Augufte & que le fiécle de Leon X.

Les Lettres s'y font même foutenues longtems après la chûte des beaux Arts; parce que, généralement parlant, les Grecs dans tous les tems font nés avec plus d'efprit que les autres hommes. Il femble que la nature ait une force dans la Grece qu'elle n'a pas dans les autres contrées, & qu'elle y donne plus de fubftance aux alimens, & plus de malignité aux poisons. Les Grecs ont pouffé le vice & la vertu plus loin que les autres hommes.

La ville d'Anvers a été durant un tems l'Athenes des pays en deçà les Monts. Mais quand Rubens commença de rendre fon Ecole fameufe, les causes morales n'y faifoient rien d'extraordinaire en faveur des Arts. Si c'étoit l'état floriffant des Villes & des Royaumes, qui feul amenât la perfection des beaux Arts, la Peinture devoit être en fa fplendeur dans Anvers foixante ans plutôt. Quand Rubens parut, Anvers avoit déja perdu la moitié de fa fplendeur, parce que la République de Hollande nouvellement établie, avoit attiré chez elle la moitié du commerce d'Anvers. La guerre étoit aux environs de cette ville, fur laquelle fes ennemis faifoient tous les jours des entreprifes qui mettoient en danger l'état

des

des Marchands, des Eccléfiaftiques & de tous les principaux Citoyens. Rubens laiffa des Eleves, comme Jordaens & Vandick , qui font honneur à fa réputation, mais ces Eleves font morts fans difciples qui les ayent rempla. cés. L'Ecole de Rubens a eu le fort des autres Ecoles, je veux dire qu'elle est tombée quand tout paroiffoit concourir à la foutenir. Il femble du moins que Quellins, qu'on peut regarder comme fon dernier Peintre, doive mourir fans Eleves digne de lui. On n'en connoît pas encore, & il n'y a guéres d'apparences qu'il en faffe dans la retraite où il s'eft confiné.

Après tout ce que je viens d'exposer, il est clair que les Arts & les Lettres arrivent au plus haut point de leur fplendeur par un progrès fubit, qu'on ne fçauroit attribuer aux causes morales, & il paroit encore que les Arts & les Lettres retombent, quand ces causes font les derniers efforts pour les foutenir.

Tome II.

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TROISIEME REFLEXION.

Que les grands Peintres furent toujours les contemporains des grands Poëtes leurs compatriotes.

Enfin les grands Artifans d'un pays, ont prefque tous été contemporains. Non-feulement les plus grands Peintres de toutes les Ecoles ont vécu dans le même tems, mais ils ont été les contemporains des grands Poëtes leurs compatriotes. Les tems où les Arts ont fleuri, fe font encore trouvés féconds en grands fujets dans toutes les fciences, dans toutes les vertus & dans toutes les profeffions. Il femble qu'il arrive des tems où je ne fçai quel efprit de fection fe répand fur tous les hommes d'un certain pays. Il femble que cet efprit s'en retire, après avoir rendu deux ou trois générations plus parfaites que les générations précédentes & que les générations fuivantes.

per

Dans le tems où la Grece étoit féconde en Appelles, elle étoit auffi fertile en Praxiteles & en Lyfippes. C'étoit alors que vivoient fes plus grands Poëtes, fes plus grands Orateurs & fes plus grands Philofophes. Socrate, Platon, Ariftote, Demofthene, Ifocrate, Thucydide, Xenophon, Eschile, Euripide, Sophocle, Arif

tophane, Menandre & plufieurs autres, ont vécu dans le même fiécle. Quels hommes que les Généraux Grecs de ces tems-là! Quels grands exploits ne faifoient-ils pas avec de petites armées! Quels Princes que Philippe Roi de Macédoine & fon fils! Qu'on ramaffe tout ce que la Grece a produit d'hommes illuftres. dans les fiécles qui fe font écoulés depuis Perfée Roi de Macédoine, jufqu'à la prise de Conftantinople par les Turcs, & l'on ne trouvera pas dans ces dix-fept fiécles de quoi compofer un effain de grands hommes en toutes fortes de profeffions, qui foit auffi nombreux que celui qu'on peut ramaffer fans fortir du fiécle de Platon. Toutes les profeffions dégénererent en Grece en même tems que les Lettres & les Arts. Tite-Live appelle Philopemen, un des Préteurs des Achéens durant le regne de Perfée Roi de Macédoine, le dernier des Grecs.

Le fiécle d'Augufte eût la même destinée qu'avoit eu le fiécle de Platon. Parmi les monumens de la Sculpture Romaine, nous n'avons rien de plus beau que les morceaux qui furent faits dans le tems d'Augufte. Tels font le Bufte d'Agrippa fon gendre, qui fe voit dans la gallerie du Grand Duc, le Ciceron de la

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