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que changement dans la configuration du corps des hommes. Le changement que vous croyez arriver dans leur intérieur, feroit accompagné d'un changement fenfible dans leur extérieur.

Je réponds en premier lieu, fondé fut tout ce que j'ai dit précédemment, que la cause qui eft affez puiffante pour agir fur les cerveaux de toute efpece, peut bien n'être pas affez efficace pour altérer la ftature des corps. En fecond lieu, je réponds que fi l'on faifoit en France, par exemple, une attention exacte & fuivie fur la ftature des corps & fur leurs forces, peut-être trouveroit-on qu'il y paroît en certain tems des générations d'hommes plus grands & plus robuftes que dans d'autres. Peut-être trouveroit-on qu'il y a des âges, où l'efpéce des hommes va en se perfectionnant, comme il y en a d'autres où elle décheoit. Lorsqu'on voit que nos guerriers trouvent le poids d'une cuiraffe & d'un cafque un fardeau infupportable, au lieu que leurs ancêtres ne trouvoient pas l'habillement entier de l'homme d'armes un poids trop lourd; quand on compare les fatigues qu'on avoit à effuyer dans les guerres des Croifades avec la molleffe de nos camps, n'eft-on pas

tenté de dire que la chofe arrive ainfi.

Il ne faut point alléguer que c'eft la molleffe de l'éducation qui énerve les corps. Eft-ce d'aujourd'hui que les peres & les meres choyent trop leurs enfans, & les enfans de toute condition n'étoient-ils pas élevés par leurs parens dans les tems dont je parle, ainsi que le font ceux d'aujourd'hui ? Ne feroit-ce point parce que les enfans naiffent plus délicats, que l'expérience fait prendre des précautions plus fcrupuleufes pour les conferver? Il est naturel qu'un pere & une mere apportent à l'éducation phyfique de leurs enfans, les mêmes attentions & les mêmes foins dont ils fe fouviennent d'avoir eu befoin. Il est naturel qu'ils jugent de la délicateffe de leurs enfans, par la délicatesse dont ils ont été durant leur enfance. L'expérience feule peut, en apprenant que ces foins ne fuffifent plus, nous faire penfer qu'il faut employer plus d'attention & plus de ménagement pour la conservation de nos enfans, qu'on n'en a eu pour la nôtre. L'impulfion de la nature à laquelle on ne réfifte gueres, ne fait-elle pas aimer encore aujourd'hui les exercices qui fortifient le corps à ceux à qui elle a donné une fanté capable de les foutenir? Pourquoi le commun du monde les néglige-t'il aujourd'hui ? Enfin notre molleffe

vient-elle de notre genre de vie, ou bien eft-ce parce que nous naiffons plus foibles par l'eftomach & par les vifceres que nos ayeux, que chacun dans fa condition cherche de nouvelles préparations d'alimens, des nourritures plus aifées, & que les abftinences que ces ayeux obfervoient fans peine, font aujourd'hui réellement impraticables au tiers du monde. Pourquoi ne pas croire que c'est le physique qui donne la loi au moral? Je crois donc que le genre de vie, que la mode de fe vêtir plus ou moins en certaines faisons, qui a lieu fucceffivement dans le même pays, dépend de la vigueur des corps qui les fait fouffrir du froid, ou du chaud, plus ou moins, fuivant qu'ils font plus ou moins robuftes. Il y a cinquante ans que les hommes ne s'habilloient pas auffi chaudement en France durant l'hyver qu'ils s'habillent aujourd'hui, parce que les corps y étoient communément plus robuftes & moins fenfibles aux injures du froid. J'ai obfervé, dit Chardin, (a) dans mes voyages, que comme les maurs fuivent le tempérament du corps, felon la remarque de Gallien, le tempérament du corps fuit la qualité du climat; de forte que les coutumes (1) Voyage de Perfe, tom. 2. p. 275.

ou habitudes des peuples ne font point l'effet du pur caprice, mais de quelque cause ou néceffité naturelle qu'on ne découvre qu'après une exacte recherche. Quand les corps deviennent plus foibles & plus fenfibles aux injures de l'air, il s'enfuit qu'un peuple doit changer quelque chose dans fes mœurs & dans fes coutumes; ainfi qu'il le feroit, fi le climat étoit changé. Ses befoins varient également par l'un ou par l'autre change

ment.

Les perfonnes âgées foutiennent encore qu'une certaine Cour étoit compofée de femmes plus belles & d'hommes mieux faits, qu'une autre Cour peuplée des descendans de ceux-là. Qu'on entre en certains tems dans le détail de cent familles, & l'on en trouvera quatrevingt où le fils fera d'une ftature moins élevée que celle de fon pere. La race des hommes deviendroit une race de Pigmées, s'il ne fuccédoit point à ces tems de décadence, des tems où la ftature des corps fe releve. Les générations plus foibles, & les générations plus robuftes que les générations précédentes, fe fuccedent alternativement.

On ne fçauroit encore attribuer qu'aux changemens qui furviennent dans les qualités de l'air

dans le même pays la différence qui fe remarque entre les moeurs & la politeffe de divers fiécles. On a vu des tems où l'on tiroit facilement les principaux d'une nation de leurs foyers. On les engageoit fans peine d'aller chercher la guerre à mille lieues de leur patrie au mépris des fatigues de plufieurs mois de voyage qui paroiffent les travaux d'Hercule à leur poftérité amolie. C'eft, dirat'on, que la mode d'y aller s'étoit établie. Mais de pareilles modes ne s'établiroient pas aujourd'hui. Elles ne peuvent s'introduire qu'à l'aide des conjonctures phyfiques, pour ainfi dire. Croit-on que le plus éloquent de nos Prédicateurs qui prêcheroit une Croifade aujourd'hui, trouvât bien des Barons qui le vouluffent fuivre outre-mer.

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De la différence des mœurs & des inclinations du même peuple en des fiècles différens.

IL arrive encore des tems dont les événemens font penfer qu'il eft arrivé quelque altération phyfique dans la conftitution des hommes. Ce font ceux où des hommes d'ailleurs très-polis &

même

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