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lon? Aubry, Maître Paveur à Paris, n'a-t'il pas fait représenter depuis foixante ans des Tragédies de fa façon? Nous avons même pu voir un cocher, qui ne fçavoit pas lire, faire des vers très-mauvais à la vérité; mais qui ne laiffent pas de prouver que la moindre étincelle du feu poëtique le plus groffier, ne fçauroît être fi bien couverte, qu'elle ne jette quelque lueur. Enfin ce ne font pas les Lettres qu'on enseigne à un homme qui le rendent Poëte; c'est le génie poëtique, que la nature lui donne en naiffant, qui les lui fait apprendre, en le forçant de chercher des moyens d'acquérir les connoiffances propres à perfectionner fon talent.

L'enfant né avec le génie qui fait les Peintres, crayonne avec du charbon, dès l'âge de dix ans, les Saints qu'il voit dans fon Eglife: vingt années fe pafferont-elles avant qu'il trouve une occafion de cultiver fon talent? Ce talent ne frappera-t'il perfonne, qui le menera dans une Ville voifine, où, fous le Maître le plus groffier, il fe rendra digne de l'attention d'un plus habile, qu'il ira bien-tôt chercher de Province en Province ? Mais je veux bien que cet enfant refte dans fa bourgade : il y cultivera fon génie naturel, jufques à ce que fes tableaux

furprennent quelque paffant. Telle fut la née du Correge, qui fe trouva être un Peintre, avant que le monde eût entendu qu'il y avoit dans le bourg de Correg jeune homme d'une grande espérance, montroit un talent nouveau dans fon art. chofe arrive rarement, c'est qu'il naît rar des génies auffi puiffans que celui du Cor & qu'il eft encore plus rare que de tels g ne fe trouvent point en leur place dès l'â vingt ans. Les génies qui demeurent enfe toute leur vie, je l'ai déja dit, font des g foibles ce font de ces hommes qui n'aur jamais fongé à peindre ni à compofer, fi l'o leur avoit pas dit de travailler; de ces hom qui d'eux-mêmes ne chercheroient jamais l' mais aufquels il faut l'indiquer. Leur perte pas grande; ils n'étoient

luftres Artifans.

pas nés

pour

être

L'hiftoire des Peintres & des Poëtes & autres Gens de lettres, eft donc remplie de f qui convaincront pleinement que rien ne fc roit empêcher les enfans nés avec du génie, franchir la plus grande diftance que la naiffar puiffe mettre entr'eux & les Ecoles. En u pareille matiere, les faits font plus éloquens q

le raisonnement ne peut l'être. Que ceux qui ne voudront pas se donner la peine de lire cette hiftoire, faffent du moins réflexion fur la vivacité de la jeuneffe, fur fa docilité, fur les voies fans nombre dont nous n'avons indiqué qu'une partie, & qui peuvent toutes en particulier conduire un enfant jufques à une fituation où il puiffe cultiver fes talens naturels. Ils feront convaincus qu'il eft comme impoffible, que de cent génies, un feul demeure toujours enfeveli, à moins que par une bizarrerie particuliere le harfard ne le fit naître parmi les Tartares Calmucs, ou qu'on ne l'eût tranfporté, dès fon enfance, chez les Lappons.

SECTION V.

· Des Etudes & des progrès des Peintres & des Poëtes.

LE génie eft donc une plante, qui, pour ainfi dire, pouffe d'elle-même; mais la qualité, comme la quantité de fes fruits, dépendent beaucoup de la culture qu'elle reçoit. Le génie le plus heureux, ne peut être perfectionné qu'à l'aide d'une longue étude.

Natura fieret laudabile carmen, an arte,

Quæfitum eft: ego nec ftudium fine divite vena,
Nec rude quid profit video ingenium. Alterius fic
Altera pofcit opem res, & conjurat amicè. (a)

Quintilien, un autre grand maître da ouvrages d'efprit, ne veut pas même qu'o te la queftion, fi c'eft le génie, ou fi c'e tude qui forme l'Orateur excellent. Il n'est grand Orateur, dit-il, fans le concours d & du génie. (b) Scio quæri natura ne plus co ad eloquentiam quàm doctrina. Quod ad prop noftri quidem operis non pertinet. Nec enim co matus artifex, nifi ex utraque fieri poteft.

Mais un homme né avec du génie, est tôt capable d'étudier tout feul, & c'eft l' qu'il fait par fon choix, & déterminé pa goût, qui contribue le plus à le former. étude confifte dans une attention contin fur la nature. Elle confifte dans une réfle férieufe fur les ouvrages des grands maî fuivie d'observations fur ce qu'il convien miter, & fur ce qu'il faudroit tâcher de fu fer. Ces obfervations nous enfeignent beau de chofes, que notre génie ne nous auro mais fuggérées de lui-même, ou dont il

(a) Hor. de Arte. Poet. (b) Quint. Inftit. 1. x1.

feroit avifé que bien tard. On fe rend propre en un jour des tours & des façons d'opérer, qui couterent aux Inventeurs des années de recherches & de travail. En fuppofant même que notre génie auroit eu la force de nous porter un jour jufques-là, quoique la route n'eût pas été frayée, nous n'y ferions parvenus du moins, avec le feul fecours de fes forces, qu'au prix d'une fatigue pareille à celle des Inventeurs.

Michel-Ange avoit apparemment travaillé durant longtems, avant que de parvenir à peindre la majefté du Pere Eternel avec ce caractere de fierté divine qu'il a fçu lui donner. Peut-être que Raphaël, né avec un génie moins hardi que le Florentin, ne feroit jamais parvenu, en volant de fes propres aîles, au fublime de cette idée. Du moins n'y feroit-il arrivé qu'après une infinité de tentatives inutiles, & au prix de grands efforts réiterés plufieurs fois. Mais Raphael voit un moment le Pere Eternel peint par Michel-Ange: Frappé par la nobleffe de l'idée de ce puiffant génie, que nous pouvons appeller le Corneille de la Peinture, il la faifit, & il fe rend capable en un jour de mettre dans les figures qu'il fait pour repréfenter le Pere Eternel, le caractere de grandeur, de fierté & de di

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