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brodequins de fon devancier. Il est donc rel que les jeunes Poëtes, qui, au lieu d'i la nature du côté que le génie la leur mo l'imitent du côté par lequel les autres l'ont tée, qui forcent leur talent, & le veulent jettir à tenir la même route qu'un autre avec fuccès, ne faffent d'abord que des o ges médiocres. Ce font des aînés indigne dinairement de leurs cadets.

Il feroit inutile cependant de vouloir en de jeunes gens, preffés par l'émulation, ex par l'activité de l'âge, & entraînés par un impatient de s'annoncer au public, d'atten fe produire, qu'ils euffent connu l'efpéce) eft leur talent, & qu'ils l'euffent perfecti On leur représenteroit en vain qu'ils peu gagner beaucoup à furprendre le public: Q public auroit bien plus de vénération pour s'il ne les avoit jamais vu des apprentifs : des chefs-d'œuvres inefpérés, contre lef l'envie n'a point eu le tems de cabaler bien un autre progrès que des ouvrages a dus longtems, qui trouvent les rivaux fur gardes, & dont on peut définir l'auteur pa poëme ou par un tableau médiocre. Rien capable de retenir la fougue d'un jeune hom

féduit encore par la vanité, dont l'excès feul eft à blâmer dans la jeuneffe. D'ailleurs, comme dit Ciceron, (a) Prudentia non cadit in hanc ata

tem.

Ces ouvrages précipités demeurent; mais il eft injufte de les reprocher à la mémoire des Artifans illuftres. Ne faut-il pas faire un apprentiffage dans toutes les profeffions? Or tout apprentiffage confifte à faire des fautes, afin de se rendre capable de n'en plus faire. S'avisa-t'on jamais de reprocher à celui qui écrit bien en latin les barbarifmes & les folécifmes dont fes premiers thêmes ont été remplis certainement. Si les Peintres & les Poëtes ont le malheur de faire leur apprentiffage fous les yeux du public, il ne faut pas du moins que le public mette en ligne de compte les fautes qu'il leur a vu faire, lorfqu'il les définit, après qu'ils font devenus de grands Artifans.

Au lieu que les Artisans fans génie, qui font auffi propres à être les Eleves du Pouffin que du Titien, demeurent durant toute leur vie dans la route où le hasard les peut avoir engagés, les Artifans doués de génie, s'apperçoivent, quand le hasard les égare, que la route qu'ils

(a) Pro Cali.

Tome II.

M

ont prife n'eft point celle qui leur convient l'abandonnent pour en prendre une autre quittent celle de leur maître pour s'en faire nouvelle. Par maître, j'entends ici les ouvra auffi-bien que les perfonnes. Raphaël, mort puis deux cens ans, peut encore faire des E ves. Notre jeune Artifan, doué de génie forme donc hui-même une pratique pour imi la nature, & il forme cette pratique des ma mes réfultantes de la réflexion qu'il fait fur travail & fur le travail des autres. Chaque jo ajoute ainfi de nouvelles lumieres à celles qu avoit acquifes précédemment. Il ne fait pas u élégie ni un tableau, fans devenir meille Peintre ou meilleur Poëte; & il furpaffe en ceux qui peuvent avoir été plus heureux que en maîtres & en modeles. Tout est pour l'occafion de quelque réflexion utile ; & da le milieu d'une plaine, il étudie avec autant profit que s'il étoit dans fon cabinet. Enfin, fo mérite parvenu où il peut atteindre, fe foutier toujours, jufques à ce que la vieilleffe affo bliffant les organes, fa main tremblante fe re fufe à l'imagination encore vigoureufe. Le ge nie eft dans les hommes, ce qui vieillit le der nier. Les vieillards les plus caducs fe raniment

ils redeviennent de jeunes gens, dès qu'il s'agit des chofes qui font du reffort de la profefsion, dont la nature leur avoit donné le génie. Faites parler de guerre cet Officier décrépit, il s'échauffe comme par infpiration; on diroit qu'il s'eft affis fur le trépied: il s'énonce comme un homme de quarante ans, & il trouve les choses & les expreffions avec la facilité que donne, pour penfer & pour parler, un fang pétillant d'efprits.

Plufieurs témoins oculaires m'ont raconté, que le Pouffin avoit été jufques à la fin de fa vie un jeune Peintre du côté de l'imagination. Son mérite avoit furvécu à la dextérité de fa main, & il inventoit encore, quand il n'avoit plus les talens néceffaires à l'exécution de fes inventions. A cet égard, il n'en est pas tout-à-fait des Poëtes comme des Peintres. Le plan d'un long ouvrage, dont la difpofition, pour être bonne, veut être faite dans la tête de l'inventeur, ne peut être produite fans le fecours de la mémoire, ainfi ce plan doit fe fentir de l'affoibliffement de cette faculté, fuite trop ordinaire de la vieilleffe. La mémoire des vieillards eft infidéle pour les chofes nouvelles. Voilà d'où viennent les défauts qui font dans le plan des

dernieres Tragédies du grand Corneille. événemens y font mal amenés, & fouvent perfonnages s'y trouvent dans des fituati où ils n'ont naturellement rien de bon & naturel à dire: mais on y reconnoît de tems tems à la poëfie du ftyle, l'élévation, & r me la fertilité du génie de Corneille.

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Des obftacles qui retardent le progrès des jeune Artifans.

ους

Tous les génies fe manifestent bien, mais ne parviennent point tous au dégré de perfe tion où la nature les a rendus capables d'attei dre. Il en eft dont le progrès eft arrêté au m lieu de la course. Un jeune homme ne fçauro faire dans l'Art de la Peinture tout le progr dont il eft capable, fi fa main ne fe perfectionn pas en même tems que fon imagination. Il fuffit pas aux Peintres de concevoir des idées no bles, d'imaginer les compofitions les plus éle gantes, & de trouver les expreffions les plu pathétiques, il faut encore que leur main ait ét rendue docile à fe fléchir avec précifion en cen

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