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N'en déplaise à ces Fous nommez Sages de Grece
En ce monde il n'eft point de parfaite fageffe.
Tous les hommes font fous: & malgré tous leurs foins,
Ne different entre Eux que du plus & du moins.
Comme on voit qu'en un bois, que cent routes separent

Les

voyageurs fans guide affez fouvent s'égarent;

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L'un à droit, l'autre à gauche, & courant vainement,
La mefine erreur les fait errer diversement.

Chacun fuit dans le monde une route incertaine
Selon que fon erreur le joue & le promene;
Et Tel y fait l'habile & nous traite de fous,
Qui fous le nom de fage eft le plus fou de tous.
Mais quoy que fur ce point la Satire public,
Chacun veut en fageffe ériger fa folie,
Et fe laiffant regler à fon efprit tortu,
De fes propres defauts fe fait une vertu.
Ainfi, cela foit dit pour qui veut fe connaître,
Le plus fage eft celuy qui ne penfe point l'eftre:
Qui toûjours pour un autre enclin vers la douceur,
Se regarde foy-mefme en fevere Cenfeur,"
Rend à tous fes defauts une exacte justice,
Et fait fans se flatter le procés à fon vice.

Mais chacun pour foy-mesme eft toûjours indulgent

Un Avare idolâtre, & fou de fon

argent

Rencontrant la difette au sein de l'abondance,
Appelle fa folie une rare prudence,

Et met toute sa gloire, & son souverain bien,
A groffir un tréfor qui ne luy fert de rien.
Plus il le voit accrû, moins il en fçait l'ufage
Sans mentir, l'avarice eft un étrange rage
Dira cet autre Four non moins privé de sens,
Qui jette, furieux, fon bien à tous venans,
Et dont l'ame inquiete à foy-mefme importune,
Se fait un embarras de fa bonne fortune.
Qui des deux en effet eft le plus aveuglé

L'un & l'autre à mon fens ont le cerveau troublé, Répondra chez Fredoc, ce Marquis fage & prude, Et qui fans ceffe au jeu, dont il fait fon étude, Attendant fon deftin, d'un quatorze ou d'un fept, Voit fa vie ou fa mort fortir de fon cornet.

Que fi d'un fort fâcheux la maligne inconftance

Vient par un coup

fatal faire tourner la chance :

Vous le verrez bien-toft les cheveux heriffez,

Et les

yeux vers le Ciel de fureur élancez,

Ainfi qu'un Poffedé que le Preftre exorcife,
Fefter dans fes fermens tous les Saints de l'Eglife.
Qu'on le lie, ou je crains, à fon air furieux.
Que ce nouveau Titan n'efcalade les Cieux.

Mais laiffons-le plûtoft en proye à fon caprice,
Sa folie, auffi-bien, luy tient lieu de fupplice.

Il eft d'autres erreurs, dont l'aimable poison
D'un charme bien plus doux enyvre la raison :
L'efprit dans ce nectar heureusement s'oublie
Chapelain veut rimer, & c'est là sa folie.
Mais bien que fes durs vers d'epithetes enflez,
Soient des moindres Grimauds chez Ménage fiflez:
Luy-mefme il s'applaudit, & d'un efprit tranquille,
Prend le pas au Parnaffe au deffus de Virgile.

Que feroit-il, helas! fi quelque Audacieux

Alloit pour fon malheur luy défiller les

yeux: Luy faifant voir ces vers & fans force & fans graces, Montez fur deux grands mots,comme fur deux échaffess Ces termes fans raifon l'un de l'autre écartez, Et ces froids ornemens à la ligne plantez ? Qu'il maudiroit le jour où fon ame insensée Perdit l'heureuse erreur qui charmoit sa pensée ! Jadis certain Bigot, d'ailleurs homme sensé D'un mal affez bizarre eut le cerveau bleffé: S'imaginant fans ceffe, en fa douce manie, Des Elprits bien-heureux entendre l'harmonie, Enfin un Medecin fort expert en fon art, Le guerit par adreffe, ou plûtoft par hazard.

Mais voulant de fes foins exiger le falaire :

Moi? vous payer? luy dit le Bigot en colere, Vous, dont l'art infernal, par des fecrets maudits, En me tirant d'erreur m'ôte du Paradis.

J'approuve fon courqux. Car, puifqu'il faut le dire, Souvent de tous nos maux la Raison eft le pire. C'eft Elle qui farouche, au milieu des plaifirs, D'un remords importun vient brider nos defirs.

La Fâcheufe a pour nous des rigueurs fans pareillesz C'eft un Pedant qu'on a fans ceffe à fes oreilles Qui toujours nous gourmande, & loin de nous toucher, Souvent, comme Joly, perd fon temps à prescher. Envain certains Rêveurs nous l'habillent en reine, Veulent fur tous nos fens la rendre fouveraine, Et s'en formant en terre une divinité,

Penfent aller par Elle à la felicité.

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C'eft Elle, difent-ils, qui nous montre à bien vivre.
Ces difcours, il eft vrai, font fort beaux dans un livre,
Je les eftime fort: mais je trouve en effet,
Que le plus fou fouvent eft le plus fatisfait,

粥粥

SATIRE V

A MONSIEUR

LE MARQUIS

DE DANGEAU

A Nobleffe, Dangeau, n'eft pas une chi

mere;

Quand fous l'étroite loi d'une vertu fe,

vere,

Un homme iffu d'un fang fecond en Demi-Dieux,

Suit, comme toy, la trace où marchoient les ayeux.

Mais je ne puis fouffrir qu'un Fat, dont la molleffe N'a rien pour s'appuier qu'une vaine noblesse,

Se pare infolemment du merite d'autruy,

de Luy.

Et me vante un honneur qui ne vient pas
Je veux que la valeur de fes ayeux antiques,

Ait fourni de matiere aux plus vieilles chroniques,

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