페이지 이미지
PDF
ePub

Que la donation que je suis prêt à faire

N'aura lieu pour Chloé qu'en épousant Valère : Voilà mon dernier mot.

LISETTE.

Voilà parler, cela!

GÉRONTE.

Il n'est point de parti meilleur que celui-là.

Assurément.

LISETTE.

GÉRONTE.

C'étoit pour traiter cette affaire,

Qu'Ariste vint ici la semaine dernière.
La mère de Valère, entre tous ses amis,

Ne pouvoit mieux choisir pour proposer son fils.
Ariste est honnête homme, intelligent et sage:
L'amitié qui nous lie est, ma foi, de notre âge.
Il est parti muni de mon consentement,
Et l'affaire sera finie incessamment;
Je n'écouterai plus aucun avis contraire.
Pour la conclusion l'on n'attend que Valère:
Il a dû revenir de Paris ces jours-ci;
Et ce soir au plus tard je les attends ici.

Fort bien.

LISETTE.

GERONTE.

Toujours plaider m'ennuie et me ruine: Des terres du futur cette terre est voisine; Et, confondant nos droits, je finis des procès Qui, sans cette union, ne finiroient jamais.

LISETTE.

Rien n'est plus convenable.

GÉRONTE.

Et puis d'ailleurs, ma nièce Ne me dédira point, je crois, de ma promesse, Ni Valère non plus. Avant nos différends, Ils se voyoient beaucoup, n'étant encor qu'enfans; Ils s'aimoient; et souvent cet instinct de l'enfance Devient un sentiment quand la raison commence. Depuis près de six ans qu'il demeure à Paris, Ils ne se sont pas vus : mais je serois surpris Si, par ses agrémens et son bon caractère, Chloé ne retrouvoit tout le goût de Valère.

Cela n'est

LISETTE.

pas douteux.

GERONTE.

Encore une raison

Pour finir : j'aime fort ma terre, ma maison;
Leur embellissement fit toujours mon étude.
On n'est pas immortel: j'ai quelque inquiétude
Sur ce qu'après ma mort tout ceci deviendra;
Je voudrois mettre au fait celui qui me suivra,
Lui laisser mes projets. J'ai vu naître Valère:
J'aurai, pour le former, l'autorité d'un père.

[blocks in formation]

LISETTE.

Pourquoi? Pour une bagatelle

Qui fera tout manquer. Madame y consent-elle ?
Si j'ai bien entendu, ce n'est pas son avis.
GÉRONTE.

Qu'importe? ses conseils ne seront pas suivis.

LISETTE.

Ah! vous êtes bien fort, mais c'est loin de Florise.
Au fond, elle vous mène, en vous semblant soumise:
Et, par malheur pour vous et toute la maison,
Elle n'a pour conseil que ce monsieur Cléon,
Un mauvais cœur, un traître, enfin un homme horrible
Et pour qui votre goût m'est incompréhensible.
GÉRONTE.

Ah! te voilà toujours! On ne sait pas pourquoi
Il te déplaît si fort,

LISETTE.

Oh! je le sais bien, moi.
Ma maîtresse autrefois me traîtoit à merveille,
Et ne peut me souffrir depuis qu'il la conseille.
Il croit que de ses tours je ne soupçonne rien;
Je ne suis point ingrate; et je lui rendrai bien...
Je vous l'ai déjà dit, vous n'en voulez rien croire,
C'est l'esprit le plus faux, et l'ame la plus noire;
Et je ne vois que trop que ce qu'on m'en a dit...

GÉRONTE.

Toujours la calomnie en veut aux gens d'esprit.
Quoi donc ! parce qu'il sait saisir le ridicule,
Et qu'il dit tout le mal qu'un flatteur dissimule,
On le prétend méchant! C'est qu'il est naturel :
Au fond, c'est un bon cœur, un homme essentiel.

LISETTE.

Mais je ne parle pas seulement de son style.
S'il n'avoit de mauvais que le fiel qu'il distille,
Ce seroit peu de chose, et tous les médisans
Ne nuisent pas beaucoup chez les honnêtes gens.
Je parle de ce goût de troubler, de détruire,
Du talent de brouiller, et du plaisir de nuire:
Semer l'aigreur, la haine et la division,
Faire du mal enfin, voilà votre Cléon;
Voilà le beau portrait qu'on m'a fait de son ame
Dans le dernier voyage où j'ai suivi madame.
Dans votre terre ici fixé depuis long-temps,
Vous ignorez Paris et ce qu'on dit des gens.
Moi, le voyant là-bas s'établir chez Florise,
Et lui trouvant un ton suspect à ma franchise,
Je m'informai de l'homme, et ce qu'on m'en a dit
Est le tableau parfait du plus méchant esprit;
C'est un enchaînement de tours, d'horreurs secrètes,
De gens qu'il a brouillés, de noirceurs qu'il a faites,
Enfin, un caractère effroyable, odieux,

GÉRONTE.

Fables que tout cela, propos des envieux.
Je le connois, je l'aime, et je lui rends justice.
Chez moi, j'aime qu'on rie, et qu'on me divertisse;
Il y réussit mieux que tout ce que je voi :
D'ailleurs, il est toujours de même avis que moi;
Preuve que nos esprits étoient faits l'un pour l'autre,
Et qu'une sympathie, un goût comme le nôtre,
Sont pour durer toujours. Et puis, j'aime ma sœur;
Et quiconque lui plaît convient à mon humeur ;

Elle n'amène ici que bonne compagnie;
Et, grâce à ses amis, jamais je ne m'ennuie.
Quoi! si Cléon étoit un homme décrié,
L'aurois-je ici reçu l'auroit-elle prié ?

Mais quand il seroit tel qu'on te l'a voulu peindre,
Faux, dangereux, méchant; moi, qu'en aurois-je à craindre?
Isolé dans mes bois, loin des sociétés,

Que me font les discours et les méchancetés?

LISETTE.

Je ne jurerois pas qu'en attendant pratique,
Il ne divisât tout dans votre domestique..
Madame me paroît déjà d'un autre avis
Sur l'établissement que vous avez promis,
Et d'une... Mais enfin je me serai méprise;
Vous en êtes content; madame en est éprise.
Je croirois même assez...

GERONTE.

Quoi ? qu'elle aime Cléon ?

LISETTE.

C'est vous qui l'avez dit, et c'est avec raison
Que je le pense, moi; j'en ai la preuve sûre.
Si vous me permettez de parler sans figure,
J'ai déjà vu madame avoir quelques amans;
Elle en a toujours pris l'humeur, les sentimens,
Le différent esprit. Tour à tour je l'ai vue
Ou folle, ou de bon sens, sauvage, ou répandue;
Six mois dans la morale, et six dans les romans
Selon l'amant du jour et la couleur du temps;
Ne pensant, ne voulant, n'étant rien d'elle-même,
Et n'ayant d'ame enfin que par celui qu'elle aime.

[ocr errors]
« 이전계속 »