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Après que j'aurai fait la leçon à Valère

Sur toute la maison, et sur l'art d'y déplaire:
Avec son ton, ses airs et sa frivolité,

Il n'est pas mal en fonds pour être détesté.
Une vieille franchise à ses talens s'oppose;
Sans cela l'on pourroit en faire quelque chose.

SCÈNE VII.

CLÉON, VALÈRE, en habit de campagne.

VALÈRE, embrassant Cléor.

Ea! bon jour, cher Cléon! je suis comblé, ravi
De retrouver enfin mon plus fidèle ami.
Je suis au désespoir des soins dont vous accable
Ce mariage affreux : vous êtes adorable!
Comment reconnoîtrai-je?...

CLÉON.

Ah! point de complimens; Quand on peut être utile, et qu'on aime les gens, On est payé d'avance... Eh bien, quelles nouvelles A Paris?

VALÈRE.

Oh! cent mille, et toutes des plus belles : Paris est ravissant, et je crois que jamais Les plaisirs n'ont été si nombreux, si parfaits, Les talens plus féconds, les esprits plus aimables; Le goût fait chaque jour des progrès incroyables; Chaque jour le génie et la diversité

Viennent nous enrichir de quelque nouveauté.

CLÉON.

Tout vous paroît charmant, c'est le sort de votre âge:
Quelqu'un pourtant m'écrit (et j'en crois son suffrage)
Que de tout ce qu'on voit on est fort ennuyé;
Que les arts, les plaisirs, les esprits, font pitié;
Qu'il ne nous reste plus que des superficies,
Des pointes, du jargon, de tristes facéties;
Et qu'à force d'esprit et de petits talens,

Dans peu nous pourrions bien n'avoir plus de bon sens.
Comment! vous qui voyez si bien les ridicules,
Ne m'en dites-vous rien? tenez-vous aux scrupules,
Toujours bon, toujours dupe?

VALERE.

Oh! non, en vérité; Mais c'est que je vois tout assez du bon côté : Tout est colifichet, pompon et parodie: Le monde, comme il est, me plaît à la folie. Les belles tous les jours vous trompent, on leur rend: On se prend, on se quitte assez publiquement; Les maris savent vivre, et sur rien ne contestent; Les hommes s'aiment tous; les femmes se détestent Mieux que jamais : enfin c'est un monde charmant; Et Paris s'embellit délicieusement.

CLÉON.

Et Cidalise?...

VALÈRE.

Mais...

CLÉON.

C'est une affaire faite?

Sans doute vous l'avez?...Quoi! la chose est secrète?

VALÈRE.

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VALERE.

Mais cela fut-il vrai, le dirois-je?

CLEON.

Partout;

Et ne point l'annoncer, c'est mal servir son goût.

VALERE.

Je m'en détacherois si je la croyois telle.

J'ai, je vous l'avourai, beaucoup de goût pour elle;
Et pour l'aimer toujours, si je m'en fais aimer,
J'observe ce qui peut me la faire estimer.

CLÉON, avec un grand éclat de rire.
Feu Céladon, je crois, vous a légué son ame:
Il faudroit des six mois pour aimer une femme
Selon vous; on perdroit son temps, la nouveauté,
Et le plaisir de faire une infidélité.

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Laissez la bergerie, et, sans trop de franchise,
Soyez de votre siècle, ainsi que Cidalise :
Ayez-la, c'est d'abord ce que vous lui devez;
Et vous l'estimerez après si vous pouvež.
Au reste, affichez tout. Quelle erreur est la vôtre!
Ce n'est qu'en se vantant de l'une qu'on a l'autre;
Et l'honneur d'enlever l'amant qu'une autre a pris
A nos gen's du bel air met souvent tout leur prix.

VALERE.

Je vous en crois assez... Eh bien! mon mariage?
Concevez-vous ma mère, et tout ce radotage?
CLEON.

N'en appréhendez rien. Mais soit dit entre nous,
me reproche un peu ce que je fais pour vous;

Je

Car enfin si, voulant prouver que je vous aime, J'aide à vous nuire, et si vous vous trompez vous-même RÉPERTOIRE. Tome XLVI.

5

En fuyant un parti peut-être avantageux?

VALÈRE.

Eh! non vous me sauvez un ridicule affreux,
Que diroit-on de moi, si j'allois, à mon âge,
D'un ennuyeux mari jouer le personnage ?
Ou j'aurois une prude au ton triste, excédant,
Une bégueule enfin qui seroit mon pédant;
Ou si, pour mon malheur, ma femme étoit jolie,
Je serois le martyr de sa coquetterie.

Fuir Paris, ce seroit m'égorger de ma main.
Quand je puis m'avancer et faire mon chemin,
Irois-je, accompagné d'une femme importune,
Me rouiller dans ma terre et borner ma fortune?
Ma foi, se marier, à moins qu'on ne soit vieux į
Fi! cela me paroît ignoble, crapuleux.

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A vous en est toute la gloire : D'après vos sentimens je prévois mon histoire, Si j'allois m'enchaîner; et je ne vous vois pas Le plus petit scrupule à m'ôter d'embarras.

CLÉON.

Mais malheureusement on dit que votre mère
Par de mauvais conseils s'obstine à cette affaire :
Elle a chez elle un homme, ami de ces gens-ci,
Qui, dit-on, avec elle est assez bien aussi ;
Un Ariste, un esprit d'assez grossière étoffe ;
C'est une espèce d'ours qui se croit philosophe ;
Le connoissez-vous?

VALÈRE.

Non, je ne l'ai jamais vu ;

que

Chez moi depuis six ans je ne suis pás venu:
Ma mère m'a mandé c'est un homme sage,
Fixé depuis long-temps dans notre voisinage;
Que c'étoit son ami, son conseil aujourd'hui,
Et qu'elle prétendoit me lier avec lui.

CLÉON.

Je ne vous dirai pas tout ce qu'on en raconte ;
Il vous suffit qu'elle est aveugle sur son compte :
Mais moi, qui vois pour vous les choses de sang-froid,
Au fond je ne puis croire Ariste un homme droit :
Géronte est son ami, cela depuis l'enfance...

VALÈRE.

A mes dépens peut-être ils sont d'intelligence?

Cela m'en a tout l'air.

CLÉON.

VALERE.

1

J'aime mieux un procès :

J'ai des amis là-bas, je suis sûr du succès.

CLÉON.

Quoique je sois ici l'ami de la famille,

Je dois vous parler franc; à moins d'aimer leur fille, Je ne vois pas pourquoi vous vous empresseriez Pour pareille alliance: on dit que vous l'aimiez Quand vous étiez ici ?

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Nous étions élevés, accoutumés ensemble;
Je la trouvois gentille, elle me plaisoit fort:
Mais Paris guérit tout, et les absens ont tort.

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