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mains ne lui font plus rien; qu'il ne veut refpirer que dans les lieux qu'habiteront Anaïs & Zoroaftre. Il preffe, il conjure, il fupplie; Léo fe joint à ses prieres, & Zoroaftre vaincu dans cet inftant s'écrie: Qu'Anaïs foit donc fa ricompenfe! Que Numa devienne mon fils! Il apperçoit fa fille Voilà ton époux, lui dit-il; puiffe le grand Oromaze ne punir que moi feul, s'il n'ap prouve pas vos nœuds!

Anaïs rougit en baiffint les yeux, & confirme bientôt par un doux fourire le don que fon pere a fait de fa foi. L'heureux Numa, fon ami, auffi fatisfait que lui-même, & la belle Camille ne fonge plus qu'aux préparatifs de cet hyménée fixé à huit jours.

Numa fe bâtir une cabane près de celle du vieillard, & la pare avec ce goût & cette adreffe que fait fi bien donner l'amour. Anaïs fe joint à ce travail, & fa préfence anime le fils de Pompilius. Déja tout eft prêt, le jour heureux approche, quand, vers la nuit, lorfque tous vont s'affeoir à une table frugale, on entend frapper à la porte.

Un vieillard vénérable, accompagné de deux guerriers, demande l'hofpitalité. Léo les accueille, & ils s'avancent. A peine la lumiere qui éclaire la cabane a-t-elle frappé leur visage que Numa fair un cri, fe leve & court embraffer Métius, l'ami de Tatius & celui de Pompilius. O mon maître ! lui dit le vieux Romain, je vous trouve enfin, vous que je cherche dans toute I'Italie. Volefus & Proculus, dit-il à fes deux compagnons, nes recherches font finies: tombens

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tous aux pieds du roi de Rome. Numa les releve, & leur dit qu'il n'eft point leur roi; qu'il ne mérite ni ne défire cet honneur; mais il demande à être inftruit de ces grands événemens. Nos maux étoient à leur comble, répond Métius, un fceptre de fer s'appefantiffoit fur nous, le fang des patriciens couloit à la volonté d'un tyran farouche.... Les dieux irrités nous affligerent par de plus grands maux ; l'effrayante contagion fe répandit fur la nation : l'on ordonna des facrifices, des libations; le grand-prêtre confulta les entrailles des victimes, & la réponse fut terrible.... Peuple, dit le pontife haletant & les cheveux hériffés, un crime épouvantable eft demeuré impuni : tant que ce forfait ne fera pas expié, la peste ravagera nos murs; les dieux demandent le fang de... It alloit pourfuivre, Romulus lui jette un coup. d'œil terrible, & la frayeur éteint la voix. A l'inftant le ciel s'obscurcit, le tonnerre, les vents, les éclairs, menacent de voir la nature fe replonger dans le chaos; mais au bout de quelque tems, le calme diffipe les ténebres, & renaît dans les coeurs avec les rayons d'un fo. leil fans nuage. Tous les Romains fe regardent & fe retrouvent; Romulus feul a difparu. La garde du prince menace déja les patriciens, qu'ils accufent d'avoir immolé le roi à la faveur d'une nuit momentanée... Le peuple eft prêt à défendre les nobles, le fang va couler, conti nue Métius, lorfque Proculus que vous voyez ici, s'avance, & à l'aide d'une fiction adroite, calme tous les efprits... Romains, dit-il, ceffez

de chercher Romulus : j'ai vu Mars, fon pere, defcendre parmi nous & l'enlever dans fon char fanglant. Proculus, m'a dit ce prince en partant, ma gloire eft fatisfaite : j'ai vaincu, j'ai triomphé, j'ai bâti une ville qui doit être la maîtreffe du monde; mes devoirs font remplis ; le dieu des combats m'affocie à fes honneurs immortels; va l'annoncer aux Romains; Mars & moi, nous continuerons de guider leurs armes; qu'ils m'invoquent déformais fous le nom de Quirinus. Cette rufe heureufe réuffit au gré de tout le monde; mais il falloit nommer un fucceffeur; Herfilie prétend en vain à la cou-. ronae. Rejettée par tous les partis, Herfilie fort de Rome en menaçant d'y ramener bientôt la guerre. On la voit s'éloigner fans peine, on revient au choix d'un roi; quelqu'un vous nomme, & à ce nom, les citoyens s'embraífent & s'écrient: Il va donc renaître, le fiecle d'or, l'âge des vertus, puifque Numa va nous commander!

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Sur le champ nous fommes députés pour vous aller chercher, & les immortels nous ont conduits ici. Venez donc, roi de Rome: deux nations vous attendent; vous êtes leur unique efpoir; chaque moment de retard eft un vol fait à notre amour & à la félicité publique.

C'eft par-là que fisit le récit de Métius, que nous venons d'efquiffer à grands traits, & qui dans l'ouvrage eft un morceau d'une grande beauté. Le tableau de la pefte y eft tracé avec des couleurs & des mouvemens qui peuvent le mettre à côté de celui de Lucrece, pour le ftyle, & pour les idées.

Numa ne fe rend point, & continue de refu fer le trône par les raifons les plus fpécieuses. Il fe croit quitte envers fa patrie : il a fauvé les Sabins par fon exil. Sa tâche eft remplie ; il veut vivre dans ce vallon cent fois, plus beau pour lui que le capitole ; il y coulera des jours. purs & paifibles en honorant les dieux, en faifant la félicité de fon époufe..... Anaïs l'interrompt d'une voix ferme & lui dit : Tu en répondras, Numa, fi ton amour pour moi, fi ton goût pour la retraite te font facrifier deux peuples.... Tu crois ne plus rien devoir à ta nation, parce que tu combattois pour elle ; j'en appelle à ton propre cœur : étoit ce pour Rome ou pour Herfilie que tu expofas tes jours ? Quand tu aurois verfé ton fang pour ton peuple, tant qu'il en reftera une feule goutte, cette goute lui appartient: on n'eft jamais quitte envers la patrie; elle l'eft toujours avec nous.

Elle ajoute que fi le défir de mener une vie obfcure auprès d'elle, fi fa religion injuftement perfécutée font la caufe de fon refus, dès ce moment elle renonce à lui. Numa, dit-il, je connois mes devoirs & les tiens: fi tu refules d'être utile aux hommes, c'eft moi que j'en punirai.

Zoroaftre & Léo furent de l'avis d'Anais; Camille feule refta du parti de Numa. Mérius & les ambaffadeurs effayerent encore de perfuader le jeune prince de la néceffité de les fuivre à Rome; il fut inébranlable. Mon pere, dit-il à Métius, ne me parle plus d'un trône que je crains plus que le tombeau.... Viens repofer

dans ma cabane, non pas auprès de ton roi, mais auprès de ton ami. Demain tu retourne- · ras dire aux Romains que s'ils aiment Numa, ils le lui prouveront en lui laiffant fon heureufe obfcurité.

Il fort en même tems de la demeure de Zoroaftre; Anaïs le rappelle en vain pour la premiere fois, & elle refte avec fon pere pour méditer enfemble l'exécution d'un projet important.

Liv. XI. Numa, pendant la nuit, voit l'om bre de Tatius; elle lui dit d'un ton févere que les dieux lui ordonnent de régner; qu'elle n'habite point encore les champs Elysées; que Minos, avant de la récompenfer du peu de bien qu'elle a fait, la punit du mal qu'elle a laiffé faire; qu'elle doit refter dans le Tartare jufqu'à ce que le peuple romain foit le plus heureux des peuples. Numa, continue-t-elle, fois mon libérateur.

Il fe réveille couvert d'une fueur froide, fe jette à genoux, adore les immortels, fait des libations de vin fur un brafier, & dès que le foleil a paru, il va retrouver Anaïs pour diffiper fon trouble; mais personne ne paroît chez elle; il entre; la maison eft abandonnée par fes maîtres; une tablette frappe fa vue; il la faifit & y lit les adieux d'Anaïs & de fon pere. Ils font partis. On lui recommande d'aller rẻgner à Rome & d'être heureux s'il eft poffible. Songe Numa, dit Anaïs à fon amant, que dans mon obfcur afyle je ferai fans ceffe occupée de toi: j'entendrai, j'efpere, benir ton nom : alors je m'ap

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