페이지 이미지
PDF
ePub

dans ce sujet, que les idées de physique y sont riantes d'elles-mêmes, et que, dans le même temps qu'elles contentent la raison, elles donnent à l'imagination un spectacle qui lui plaît autant que s'il étoit fait exprès pour elle.

Quand j'ai trouvé quelques morceaux qui n'étoient pas tout-à-fait de cette espèce, je leur ai donné des ornements étrangers: Virgile en a usé ainsi dans ses Géorgiques, où il sauve le fond de sa matière, qui est tout-à-fait sèche, par des digressions fréquentes et souvent fort agréables. Ovide même en a fait autant dans l'Art d'aimer, quoique le fond de sa matière fût infiniment plus agréable que tout ce qu'il y pouvoit mêler; apparemment il a cru qu'il étoit ennuyeux de parler toujours d'une même chose, fût-ce de préceptes de galanterie: pour moi, qui avois plus besoin que lui du secours des digressions, je ne m'en suis pourtant servi qu'avec assez de ménagement. Je les ai autorisées par la liberté naturelle de la conversation; je ne les ai placées que dans les endroits où j'ai cru qu'on seroit bien aise de les trouver; j'en ai mis la plus grande partie dans les commencements de l'ouvrage, parcequ'alors l'esprit n'est pas encore assez ac

coutumé aux idées principales que je lui offre; enfin je les ai prises dans mon sujet même, ou assez proche de mon sujet.

Je n'ai rien voulu imaginer sur les habitants des mondes, qui fût entièrement impossible et chimérique : j'ai tâché de dire tout ce qu'on en pouvoit penser raisonnablement, et les visions même que j'ai ajoutées à cela ont quelque fondement réel. Le vrai et le faux sont mêlés ici, mais ils y sont toujours aisés à distinguer: je n'entreprends point de justifier un composé si bizarre; c'est là le point le plus important de cet ouvrage, et c'est cela justement dont je ne puis rendre raison.

mais ce

Il ne me reste plus, dans cette préface, qu'à parler à une sorte de personnes, seront peut-être les plus difficiles à contenter, non que l'on n'ait à leur donner de fort bonnes raisons, mais parcequ'elles ont le privilège de ne se payer pas, si elles ne veulent, de toutes les raisons qui sont bonnes. Ce sont les gens scrupuleux qui pourront s'imaginer qu'il y a du danger, par rapport à la religion, à mettre des habitants ailleurs que sur la terre. Je respecte jusqu'aux délicatesses excessives que l'on a sur le fait de la religion; et celle-là même,

je l'aurois respectée au point de ne la vouloir pas choquer dans cet ouvrage, si elle étoit contraire à mon sentiment; mais ce qui va peutêtre vous paroître surprenant, elle ne regarde pas seulement ce système où je remplis d'habitants une infinité de mondes; il ne faut que démêler une petite erreur d'imagination : quand on vous dit que la lune est habitée, vous vous y représentez aussitôt des hommes faits comme nous; et puis, si vous êtes un peu théologien, vous voilà plein de difficultés. La postérité d'Adam n'a pas pu s'étendre jusque dans la lune, ni envoyer des colonies en ce pays-là. Les hommes qui sont dans la lune ne sont donc pas fils d'Adam: or il seroit embarrassant, dans la théologie, qu'il y eût des hommes qui ne descendissent pas de lui. Il n'est pas besoin d'en dire davantage; toutes les difficultés imaginables se réduisent à cela, et les termes qu'il faudroit employer dans une plus longue explication sont trop dignes de respect pour être mis dans un livre aussi peu grave que celui-ci. L'objection roule donc tout entière sur les hommes de la lune, mais ce sont ceux qui la font à qui il plaît de mettre des hommes dans la lune; moi je n'y en mets

point: j'y mets des habitants qui ne sont point du tout des hommes. Que sont-ils donc? je ne les ai point vus; ce n'est pas pour les avoir vus que j'en parle; et ne soupçonnez pas que ce soit une défaite dont je me serve pour éluder votre objection, que de dire qu'il n'y a point d'hommes dans la lune : vous verrez qu'il est impossible qu'il y en ait, selon l'idée que j'ai de la diversité infinie que la nature doit avoir mise dans ses ouvrages. Cette idée régne dans tout le livre, et elle ne peut être contestée d'aucun philosophe: ainsi, je crois que je n'entendrai faire cette objection qu'à ceux qui parleront de ces Entretiens sans les avoir lus. Mais est-ce un sujet de me rassurer? Non; c'en est un au contraire très légitime de craindre que l'objection ne me soit faite de bien des endroits.

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

Vous voulez, monsieur, que je vous rende un compte exact de la manière dont j'ai passé mon temps à la campagne, chez madame la marquise de G*** 1. Savez-vous bien que ce compte exact sera un livre, et, ce qu'il y a de pis, un livre de philosophie? Vous vous attendez à des fêtes, à des parties de jeu ou de chasse, et vous aurez des planètes, des mondes, des tourbillons 2; il n'a presque été ques

1

C'est madame de la Mesengère, de Rouen, qu'il avoit en vue, et le parc de la Mesengère se reconnoissoit dans sa description. (Mémoires pour servir à l'histoire de la vie et des ouvrages de M. de Fontenelle.)

C'étoit une très belle femme; mais comme elle ne vouloit pas qu'on la reconnût, l'auteur, de brune qu'elle étoit, la fit blonde.

'Les tourbillons de Descartes étoient une hypothèse phy

« 이전계속 »