de geftis Bafil. après cette feconde, que le pape Eugene n'étoit point AN.1439. hérétique pour avoir contrevenu aux decrets du con- An. Sylv. l. 1. cile de Bafle. Alphonfe roi d'Arragon & de Sicile avoit conc.inFafciculo, exprès envoyé à ce concile des ambassadeurs, du nom- P• 4° bre defquels étoit Panorme, pour y foutenir la caufe de ce pape. L'évêque de Burgos fe joignit à lui en partie; c'est-à-dire, que comme entre les conclufions les trois premieres regardoient le droit, & les cinq autres concernoient le fait & la perfonne d'Eugene, ce prélat n'attaqua que les dernieres touchant le pape. Tout cela fe paffa dans une congrégation dans laquelle préfidoit le cardinal d'Arles, Nicolas Lamy théologien de Paris recueilloit les avis, & Jean Dienlifift Ecoffois étoit fecretaire. Æneas Sylvius rapporte la fubftance du difcours de Panorme, dans lequel il reconnoît à la verité que le concile eft au-deffus du pape; mais il foutient que cette doctrine ne doit pas paffer pour un article de foi; il avoue qu'Eugene avoit tort, mais il ne croit pas qu'on doive le confiderer & le traiter comme hérétique. Son difcours, dit le même auteur, fut plus loué qu'approuvé; cependant il fut caufe qu'on ôta des conclufions le terme de relaps, & qu'on mit en fa place celui de tombé. LVIL Jean de Ségovie Efpagnol & fçavant théologien de Salamanque répondit à ce difcours de Panorme, mais govie répond à avec beaucoup de douceur & de modeftie. Il foutint Panorme. qu'il ne pouvoit rien dire de plus avantageux pour fes adverfaires, & lui prouva, que fi l'on devoit tenir pour article de foi, tout ce qui refulte des décifions de l'églife, il s'enfuivroit neceffairement que le pape Eugene étoit hérétique, puifqu'il avoit violé les loix de l'église en fecouant le joug de l'obéiffance qu'il devoit au concile de Conftance, dont les decrets avoient En. Sylv. loco cit. p. 6. AN.1439. été fi fouvent réiterez dans le concile de Bafle: Panorme l'interrompoit de tems en tems, chagrin de l'avantage que l'on prenoit contre lui; mais Jean de Segovie poursuivit toujours. Un évêque parla après lui, & le fit avec tant d'aigreur qu'on en vint aux injures, & qu'il fallut que cet évêque en demandât pardon. Le jour fuivant il y eut une congrégation genérale, dans laquelle Amedée archevêque de Lyon & ambassadeur du roi de France, foutint par plufieurs raifons que le pape Eugene étoit heretique, & déclama fort contre la lâcheté de ceux qui l'avoient élevé au fouverain pontificat, exagerant beaucoup les calamitez de l'églife. Au contraire l'évêque de Burgos aumônier du roi d'Arragon s'efforça de l'excufer: il divifa les conclufions dont on a parlé plus haut, en genérales & en particulieres ; il parla fort éloquemment fur les trois premieres, prouvant que leur verité étoit incontestable, pourvu qu'on ne les regardât point abfolument comme articles de foi, ce qui lui fembloit douteux; & il s'arrêta long tems à montrer que le concile eft fuperieur au pape, ce qu'il prouva par le droit divin & par le droit humain, fans omettre l'autorité d'Ariftote, (c'étoit le goût de ce tems-là. ) En un mot il parla avec tant d'érudition & de politeffe, qu'il attira l'attention de tout le monde, & qu'on l'écoutoir avec un vrai plaifir: mais lorsqu'il voulut continuer fon difcours, & paffer aux cinq dernieres conclufions; l'on ne vit plus la même éloquence, ni la même force de raisonnement; & il parut fi different de lui même, qu'on difoit que ce n'étoit plus l'évêque de Burgos qu'on entendoit. Un abbé d'Ecoffe homme d'un efprit fort fubtil, & Thomas de Corcellis docteur & chanoine d'Amiens, foutinrent LVIII, Thomas de tre le pape Eu gene. foutinrent ce que l'archevêque de Lyon avoit avancé, AN.1439. & défendirent les conclufions. L'évêque de Burgos y oppofa plufieurs difficultez. Eneas Sylvius rapporte tout au long le difcours du docteur de Corcellis, dont il loue fort la modeftie & la fcience. Il montra que le pape étoit foumis au concile & à l'églife, d'autant qu'il pouvoit fe tromper & non pas elle ; qu'elle eft la mere & lui le fils; qu'elle eft l'époufe de Jesus-Chrift, & lui le vicaire seulement. Il explique ces paroles de l'évangile, Vous êtes Pierre, & fur cette pierre je bâtirai mon église, les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. Il expofe de l'églife ces autres paroles, j'ai prié pour vous, afin que votre foi ne défaille point, parce que tous les autres apôtres étoient contenus dans faint Pierre, & que les privileges que cet apôtre a reçus ne lui ont été accordez, que parce qu'il portoit la perfonne de toute l'églife, à qui Jefus-Chrift l'a renvoyé, quand il lui a dit de même qu'aux autres, Dites-le à l'eglife. D'où il conclut que file pape n'écoute point l'églife il doit être regardé comme un Payen & un Publicain; que ceux qui affurent que ce qui convient à l'églife, ne convient pas de même au concile, ne font que des flatteurs qui parlent ainsi par ambition ou par interêt; ou des chicaneurs quidifputent plus par opiniâtreté, que par ignorance. Tout le refte de ce difcours qui eft fort long, ne tend qu'à prouver la fuperiorité du concile au-deffus du pape. George évêque de Vicenze, qui étoit de retour de Maïence depuis quelques jours, & qui n'avoit point été prefent au commencement de cette difpute, ne pouvoit confentir à la résolution qu'on vouloit prendre, de déclarer le pape Eugene heretique: & quoique l'archevêque de Lyon ne fût pas de fon fentiTome XXII. Mm Matt. c. 16. V. 18. Luc. c. 12. ve 32. 1 AN. 1439. ment, il ne laiffoit pas de le favorifer, & de fe ranEn. Sylv. in ger de fon parti, dans l'appréhenfion qu'on n'allât ftis conc. Bafil, trop vite dans la dépofition d'Eugene, & qu'on n'a Fafciculo de ge p. 19. git avec trop de précipitation dans une affaire de cette confequence. Et comme plufieurs autres furent du même avis, la délibération fut fufpendue, quoique les huit conclufions euffent déja été approuvées par les trois premieres députations; parce que la quatriéme ne vouloit recevoir que les trois premieres conclufions, & refufoit d'admettre les cinq dernieres. Le vendredi arriva, jour auquel on avoit coutume de tenir une congrégation générale; mais les archevêques de Milan & de Palerme avec les orateurs du roi d'Arragon & du duc de Milan y formerent beaucoup d'obstacles, & exhorterent ceux de leur parti à résister courageufement. On appella le cardinal de Tarragone qui étoit à Soleurre, & Louis protonotaire qui étoit allé prendre les bains, autant pour fa fanté que pour n'être point obligé d'agir contre fa confcience en faveur d'Eugene. L'on appella auffi beaucoup d'évêques d'Arragon, qui tous s'en étoient retournez la veille du jour qu'on devoit tenir la congrégation. Elle fe tint cependant : les orateurs des princes s'y trouverent, &, comme de concert, s'unirent tous pour empêcher la conclufion de l'affaire. Les contef tations fe renouvellerent; les Italiens & les Efpagnols s'oppoferent fortement à la réception des articles propofez. Le premier qui parla fut l'évêque de Burgos, qui opina qu'on devoit differer jusqu'à ce que les autres orateurs des princes fuffent de retour de Maïence. Après lui Panorme fit un long difcours qu'il commença par ces paroles du prophéte Ifaïe : Criez fans Ifaïe, ch. 58. ceße, faites retentir votre voix comme une trompette; auffi 2. 1. parla-t-il fortement, croyant que cela étoit néceffaire AN. 1439. pour préserver l'église, disoit-il, de la ruine dont elle étoit menacée. Il finit en menaçant de protester contre tout ce que les peres feroient, fi l'on ne prenoit pas le parti de furfeoir l'affaire, & il fit lire fa proteftation qu'il avoit écrite. Louis protonotaire lui répondit. Il ne furvécut pas long-tems à cette dispute, étant mort de la pefte à l'âge de trente ans, & n'ayant été malade que trente-fix heures. Æneas Sylvius en fait un éloge magnifique, & vante beaucoup fa grande facilité à parler, & fa profonde érudition. LIX. Difcours du cardinal d'Arles tion d'Eugene. pour la dépof En. Sylv. in Après que plufieurs eurent dit leur avis dans cette congrégation, le cardinal d'Arles qui en étoit le préfident, & comme l'ame de tout le concile, fit une récapitulation de tout ce qu'on avoit dit ; enfuite il entra en matiere, refuta les raifons de ceux qui vouloient qu'on differât la dépofition d'Eugene: il s'expliqua avec beaucoup de force & de hardieffe, contre le pape & contre tous ceux qui le favorifoient; enforte qu'Æneas Sylvius dit que fon zele étoit digne de la couronne du martyre. Le difcours de ce cardinal é- Fasciculo, p. 22. tonna toute l'assemblée : les uns louoient fa mémoire, lés autres vantoient fon érudition: Mais les Catalans qui voyoient que tout le difcours du préfident ne tendoit qu'à n'accorder aucun délai, crioient qu'on lût tout haut la protestation de l'archevêque de Palerme, avant toute autre délibération : ce qui renouvella le trouble, & ce qui fut caufe que des clameurs on en vint aux injures & aux querelles. Le patriarche d'Aquilée apoftropha Panorme; celui-ci s'écria, qu'il n'y avoit du pape jettent donc point de liberté dans le concile, & exhorta ceux de fon parti à fe retirer, puifque le patriarche les menaçoit de leur faire caffer la tête. Il étoit vrai en ef LX. le trouble dans l'affemblée. |