LX. Roquefane lui ferer avec lui fur écrit pour con la religion. nombre de Huffites; mais Roquefane qui fe difoit leur AN. 1451. archevêque, quoiqu'il n'eût point obtenu de bulles, craignant qu'il ne ramenât toute la fecte à l'unité de l'églife, parce qu'il en avoit déja converti plus de quatre mille, chercha l'occafion de le décrier; il l'invita par lettres à une conference touchant la communion fous les deux efpeces, que ce faint miffionnaire accepta, mais Pogebrac s'oppofa à cette entrevue, & lui refusa un sauf-conduit. Capiftran s'en plaignit hautement; il en écrivit même à Pogebrac & à la nobleffe en termes affez vifs. Roquefane & les fiens ne laifferent pas d'en triompher; ils firent courir le bruit que ce religieux n'avoit pas ofé s'expofer à une dispute, parce qu'il fe fentoit trop foible. Capistran fe défendit par un traité qu'il fit contre Roquefane, & qui ne se trouve point imprimé parmi fes ouvrages, C'est là, où, comme saint Paul, il raconte la grandeur & la multitude de fes exploits pour l'appui de l'évangile, mais d'un style bien moins charitable que celui de cet apôtre; auffi ne fervit-il qu'à irriter davantage Roquefanė, sans produire aucun avantage à la religion. Voyez plus haut LXI. Amurat affiege Croye capitale de l'Albanic. Chalcond l. 9, Scanderberg, après s'être rétabli par adresse dans les états de fon pere, défit plufieurs fois les Turcs, & ob- liv. 109. n. 74• ligea Amurat de lever le fiege de Croye capitale d'Albanie. L'affront que le fultan avoit devant cette reçu place, l'avoit fait réfoudre à fe retirer en Afie Mineure chez les Zechites religieux Turcs, pour y achever tranquillement le reste de ses jours; mais ne pouvant refifter à la passion qu'il avoit d'en tirer vengeance, & y .32.in fin. étant encore animé par les janiffaires, il reprit la con- Scanderberg. duite de fes états. Quelques efforts qu'il fit, & quel-Mort de ce ques artifices qu'il mît en ufage pour opprimer Scan- empereur de derberg, il eut toujours du deffous. Enfin plus irrité X xx ij ante fin. Phranz. lib. Barlet in vi Turcs. lib. 14. AN.1451. que jamais il raffembla toutes fes forces, & vint affieger une feconde fois la ville de Croye: mais ce fut avec encore moins de fuccès que la premiere. Avant que de fe presenter,il fit assembler dans fatente les genéraux d'armée, & comme s'ils euffent été les feules caufes des pertes qu'il avoit faites, il s'exhala en plaintes & en reproches. Il leur parla fi long-tems & avec tant de chaleur, que la fievre le faifit. Il mourut le mercredi onzième de FéLeunclav. de Vrier 1451. le premier jour de l'an 855. de l'hégire, âgé rebis Turcic. de foixante & quinze ans, felon quelques-uns, & de quatre-vingt cinq, felon d'autres, dans la trente-uniéme Sagredo, hift. année de fon regne. Phranzès rapporte autrement sa mort, & dit qu'il fut attaqué d'apopléxie à Andrinople, après avoir bû du vin avec excès, & qu'il en mourut. Il avoit paffé prefque tout fon regne à faire la guerre aux Chrétiens; & s'il en triompha fouvent, ce fut prefque toujours par leur propre faute. Les Grecs le louent de fa juftice & de fon équité; & l'on peut dire à fa louange, que, contre l'ordinaire des Infidéles, il gardoit avec affez de bonne foi tous les traitez qu'il faifoit. Phranz.lib. 3. 5. 2. Imper.Ottoman in Amur. LXIII. Mahomet II. cede. Sagredo, in Mabum. II. Il eut pour fucceffeur Mahomet II. fon fils, qui étoit fon fils lui fac pour lors en Afie, âgé de vingt un ans, étant né le vingt-quatriéme de Mars de l'an 1430. C'étoit le feul qui lui reftoit de tous les enfans qu'il avoit eus de plufieurs femmes. On dit qu'il étoit né de Milizza fille du defpote de Servie, dont Amurat avoit été paffionément amoureux. Cette princeffe étoit Chrétienne. Ce prince, la terreur de l'Europe, eut toujours une haine implacable pour les Chrétiens, & fut le plus heureux d'entre les Infidéles qui ayent jamais porté la couronne. Il reçut de la nature un corps extrêmement robufte, & capable de toutes les fatigues de la guerre, dont il fit fon occupation continuelle durant toute fa vie; il a- AN.1451. voit un tempérament tout de feu, & un naturel impétueux; fon efprit étoit vif, fubtil, adroit, fin & diffimulé, & d'une très-grande étendue : il étoit hardi, entreprenant, & infatiable de gloire. Il ne dut pas fes conquêtes à fon feul courage, quelque grand qu'il fût, fa prudence & fa politique y eurent beaucoup de part, & ce fut plutôt par-là qu'il renverfa deux empires, conquit douze royaumes, & prit plus de deux cens villes fur les Chrétiens. Il étoit fçavant au-delà de tout ce qu'on pouvoit raisonnablement attendre d'un Mahometan, auquel il femble qu'il ne foit pas permis d'apprendre quelque chofe; il parloit cinq Langues, outre la fienne; fçavoir la grecque, la latine, l'arabe, la chaldéenne & la perfane. Il poffédoit les mathématiques, l'aftrologie & l'art militaire, où il fe rendit très-verfé & par étude & par expérience il fçavoit l'histoire des plus grands hommes de l'antiquité, de la gloire defquels il étoit devenu jaloux. Mais toutes ces connoiffances ne le rendirent pas plus honnête homme. Il n'adoroit que La bonne fortune qu'il reconnoiffoit pour l'unique divinité à laquelle il étoit toujours prêt de facrifier toutes chofes : il fe mocquoit de toutes les religions, entre autres, de la Chrétienne qu'il traitoit de fuperftition, de celle de Mahomet qu'il regardoit comme un chef de bandits, quand il en parloit à fes confidens: il se railloit de tous ceux qui croyoient qu'il y eût une autre Providence que celle que chacun doit avoir pour foi-même. Son interêt, fa grandeur & fon plaifir étoient l'unique régle de fes actions ; & il ne gardoit ni foi, ni parole, ni ferment, ni traité, qu'autant qu'il les trouvoit commodes & utiles pour arriver à fes fins. Xxx iij LXIV. Bonnes & mau vaifes qualitez de Mahomet. Son cœur étoit aufli corrompu que fon efprit; fes débauches & la foule effroyable de ses vices ternirent toute la gloire de fes plus belles actions. Il fit mourir Etienne prince de Bofnie, & le prince de Metelin, contre la parole qu'il en avoit donnée à David Comnène & à les enfans, qu'il traita tous avec une extrê me rigueur: fa cruauté alla un jour jufqu'à faire éventrer quatorze de fes pages, pour fçavoir lequel avoit mangé un melon qu'on avoit dérobe dans un jardin qu'il cultivoit, & il coupa lui-même la tête à une femme qu'on lui reprochoit de trop aimer. Tel étoit Mahomet II: que les Turcs ont furnommé Bojuc, c'està-dire le Grand titre qui ne lui convenoit, qu'en ce qu'il n'y eut jamais rien en lui de médiocre en orgueil, en ambition, en avarice, en brigandage, en perfidie, en cruauté, en toutes fortes de diffolutions, & fur-tout en impieté, Le pape Nicolas ayant appris la mort d'Amurat, prévit ce que la religion auroit à fouffrir fous fon fucceffeur, & touché du danger qui menaçoit la plupart des états Chrétiens, & principalement l'empire de Conftantinople dont Mahomet avoit réfolu de s'emparer à quelque prix que ce fût, exhorta les princes à fecourir les Grecs, & tâcha d'y engager les peuples, én animant leur zéle. Il envoya pour cet effet en Allemagne le cardinal de Cufa en qualité de légat ; & le chargea d'y rétablir la discipline, monaftique, d'y ménager une paix folide entre les princes; de publier les indulgences du jubilé, & d'exhorter les Fidéles à fecourir de leurs aumônes ceux que le Turc menaçoit, A peine les indulgences furent-elles publiées, qu'elles produifirent des quêtes abondantes; mais le bruit s'étant répandu qu'au lieu de conferver l'argent qui en leurs provenoit, pour faire la guerre aux Turcs, le pape AN.1451. LXVI. Le pape ac corde le jubilé auxLithuaniens. aux Polonois & Michou, l. 4. c. 59. Crom. 1. 22. LXVII. Le pape ex horte les Grecs renoncer au Tout étant ainfi difpofé pour foutenir la guerre, dont les Turcs menaçoient les princes Chrétiens; le pape écrivit aux Grecs, & les exhorta à penser à leur à falut, & à ne point rendre inutile le fecours que le Ciel vouloit leur donner. Il les preffe de faire pénitence, & de recevoir les decrets du concile de Florence; & par un efprit prophétique, il mande à Conftantin empereur de Conftantinople, qui donnoit lieu de croire alors qu'il n'agiffoit pas trop fincerement; qu'il y avoit déja trop long- tems que les Grecs fe jouoient de la patience de Dieu & des hommes, en differant toujours de fe réunir à l'églife; que felon la parabole de l'évangile, on attendroit encore trois ans, fchifme. |