LE BERGIER. Je ne vous payeray point en foulz, Mais en bel or à la couronne. PATHELIN, Donc tu auras ta cause bonne. Si tu parles, on te prendra Et nuifent tant que ce font Diables Mais s'ils devoient rompre leurs teftes, 1474. Qu'autre mot n'iffe de ta bouche, 1474. Garde-t'en bien. LE BERGIER. Le faict me touche Je m'en garderay bien, vrayment, Je vous le prometz, & afferme. Or t'en garde, tiens toy bien ferme, Si ne repondz point aultrement, Moy, nenny, par mon facrement, Si je dy huy autre parole A vous, ne à autre perfonne, Voici le plus comique de la pièce. Pathelin fe préfente devant le Juge pour défendre Aignelet. Guillaume arrive, & plaide lui-même fa caufe contre fon Berger. Il apperçoit Pathelin : à cette vûe il s'embrouille, & confond dans fon difcours les Moutons égorgés & volés par Aignelet, avec les fix aunes de drap emportés parPathelin. Le Juge's'impatiente des interruptions, & du prétendu galimathias de Guillaume, & lui dit : Sus, revenons à nos Moutons; Qu'en fut-il ? DRAPPIER. LE Il en prit fix aulnes De neuf francs. LE JUGE. Sommes-nous béjaunes, Ou, Cornart, où cuidez vous estre? Pathelin triomphe du défordre où se trouve Guillaume pour faire entendre au Juge que ce Drappier n'a que de mauvaises raisons à alléguer contre fa partie. Le Juge, pour éclaircir l'affaire, interroge le Berger, qui fuivant le confeil de Pathelin, ne répond que Bée. LE JUGE. Vecy angoiffe. Quel bée eft cecy, fuis-je chiévre PATHELIN.. Croyez qu'il eft föl, ou teftu, LE DRAPPIER. A mon propos comment j'avoye 1474. Baillé fix aulnes, dois-je, dire, Six efcus d'or, quant je viendroye : (1) Con- Mon Bergier me convenança (1) venancer, Promettre. Que loyaulment me garderoit Mes Brebis, & ne m'y feroit De gros baftons fur la cervelle: Quant mon drap fut foubz fon aislelle; Il fe mit au chemin grant erre Et ne dit que j'allaffe querre Six efcus d'or en fa maison. LE JUGE. Il n'y a rime ne raison C En tout quanque vous rafardez: Qu'effe-cy? yous entrelardez Puis d'un, puis d'autre : fomme toute, Par la fangbieu, je n'y voy goute. 1474. Guillaume veut reprendre fon plaidoyé, & ne s'explique pas s'explique pas mieux que les précédentes fois. Le Juge le prend pour un Visionnaire, renvoye le Berger abfous, & s'enva. Guillaume au désespoir du jugement, fait de grandes menaces à Pathelin, & fe retire. Pa-- 11,5. thelin reste avec Aignelet, & après l'avoir félicité fur le gain de fa caufe, il lui demande de l'argent. Aignelet, fuivant la parole qu'il a donnée à Pathelin, ne répond que Bée, à tout ce que ce dernier lui dit. Pathelin s'apperçoit enfin qu'il eft trompé. PATHELIN. Par sainct Jehan, tu as bien raison, Les oyfons menent les oyes paistres |