1558. LA TRESORIERE, (a) COMEDIE Par JACQUES GREVIN. «Mise en jeu à Paris au College de » Beauvais, après la Satyre qu'on (a) Grevin dans la Préface de fon Théatre, qui contient deux Comédies, & une Tragédie, après avoir parlé fur ces Pieces, ajoute, «Je me conten»te de donner aux Fran Piéce dérobée, que nous fommes tentés de croire que c'est la même, fous deux Titres. Voici fur quoi nous fondons notre conjecture. A la fin de l'Avant Jeu de la Trefo »çois la Comédie en tel-riere on trouve ceci. »le pureté qu'ancienne»ment l'ont baillé Ari»ftophane aux Grecs, » Plaute & Térence aux » Romains, car je me "fuis propofé toufiours > en écrivant ce Poëme, » ainfi qu'ont pu apper»cevoir ceux qui ont vu »LA MAUBERTINE pre» miere Comédie que je » mis en jeu, & que j'a"vois bien délibéré te "donner, fi elle ne m'euft » efté dérobée ». La Tré. foriere reflemble si fort à la Maubertine que Grevin annonce comme une Or fçachez qu'en tout Et la fineffe coutumie D'une gentille Tréfo riere Dont le mestier est Non loin de la Place Voilà donc le principal perfonnage de la Piéce qui eft de la Place Maubert. Ne doutons point que Grévin fit la Maubertine, qu'il la perdit ; دو appelle communément les Veaulx, mais qu'aidé de fa mé- Spectateurs les plus impatiens pendant que les Acteurs s'habilloient pour jouer leurs rolles. Il nous refte un morceau de ce genre, qui est à la tête des Corrivaux, Comédie de PierreTroterel, Geur d'Aves, qui mérite d'avoir place ici. Un Prologueur vient fur le Théatre, & après quelques complimens qu'il fait à l'Affemblée, un Acteur caché derriere une tapifferie, Pinterrompt en difanc : LE CACHE'. Vrayment vous dites vray, Capitaine l'Oison, LE PROLOGUEUR. Oh! qu'entens-je morbleu! Qu'eft-ce qui m'injuries Que Diable! j'en battray qui fent les Veanlx céans, J'en tremble comme un four: Qu'il fera du fiens, O Corbleu! c'est trop fait, il faut que je l'affaille. LE CACHE'. O mon amy, c'eft non, LE PROLOGUEUR. Efcoutez oyez-vous comme il rumine encore? Efcoutez, oyez-vous cette groffe pécore ! 1558. GRE'VIN. J GRÉVIN. ACQUES GREVIN, né à Clermont en Beauvoifis vers l'an 1540: dès l'âge de quinze ans Amant de Nicole Eftienne, fille de Charles Eftienne Médecin ; il fit pour cette Belle beaucoup de Poëfies galantes qu'on trouve imprimées, fous le titre de l'Olympe, Paris 1561. Mais comme le plus fidéle, n'est pas toujours le plus heureux Grévin eut le chagrin de voir fa Maîtresse mariée à Jean Liébaut,Médecin, Auteur de la Maison Ruftique. Gré LE PROLOGUEUR. Pécore par la mort, tu mens, il n'en eft rien, Il faut donc té brufler pour avoir de ta cendre. LE PROLOGUEUR. pas Brufler digne morbeuf! je ne vais attendre. ピ LE CACH E'. Ma foy, vous dites vray, mon pauvre. Jobelin. vin vin en fut fans doute fâché, mais fon goût pour la Poëfie Françoife ne l'a- 1558. bandonna pas, au contraire il s'y attacha encore plus fortement, & travailla dans le genre Dramatique. LA TRÉSORIERE, Comédie qui parut en public en 1558: LA MORT DE CÉSAR Tragédie, & LES ESBAHIS, Comédie, Piéces représentées le même jour en 1560 en font une preuve convainquante: & l'on peut dire qu'il effaça les Auteurs qui l'avoient précédé. Huit ou dix Poëtes comme lui auroient mis le Théatre François fur un pied affez paffable. La Verfification de Grévin eft coulante, fur-tout dans fes deux Comédies: & fes plans font affez bien faits. Ronfard chantre banal de tous les beaux efprits de fon tems, lui addressa les Vers que voici. Et toy, Grevin, après, toy, mon Grévin, encor, Qui dore ton menton d'un petit crefpe d'or, Tu nous as toutesfois les Mufes amenées, fons, Et qui penfions avoir Phoebus en nos maisons. Amour premierement te bleffa la poitrine La docte Médecine, & les Vers tout enfem- Grévin mourut à Turin les Novembre 1570. n'ayant pas encore trente (a) « Les Oeuvres de »Nicandre, Poëte Grec, » contenant fes Théria»ques, & Alexiphar» maques, traduites en Vers françois, par Jac»ques Grévin, Anvers 1588.Chriftophe Plan» tin, in-4°. » Du Verdier, Biblioth. Fran» coife, pag. 604. (b) Il le faut avouer, Grévin étoit né avec un génie fupérieur, avant vingt-deux ans, il avoit non feulement fait fes cours de Medecine, mais même il s'étoit fait recevoir Médecin, & en cette qualité, il avoit acquis une fi haute réputa tion, que la Ducheffe de Savoye ayant eu occafion de le connoitre, fut fi charmée de son esprit & de fon fçavoir, qu'elle l'emmena avec elle à Turin, auffi bien que fa femme, & fe fervit toujours de lui, non feulement en qualité de Medecin, mais auffi en celle de confeiller dans les affaires les plus importantes. Auffi fe plaignit-elle, après la mort de Grévin, qu'elle avoit perdu en même tems fon Médecin pour les maladies du corps, & fon confolateur pour les maladies de l'esprit. |