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1578.

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MARC-ANTOINE,

TRAGEDIE

De ROBERT

GARNIER.

Ette Piéce n'a pas été inconnue,

Cai inutile à M. De la Chapelle, lorfqu'il compofa fa Tragédie de Cléopatre. Le parallele de ces deux Piéces pafferoit les bornes d'un Extrait; nous nous arrèterons au récit de la mort d'Antoine fait par ces deux Auteurs. Le plus ancien commencera.

Antoine croyant Cléopatre morte, fe frape de fon épée : dans le moment arrive

L'homme de Cléopatre,

Qui dit eftre chargé par fon commande

ment >

De le faire porter vers elle au monument.
A ces mots le pauvre homme efmeu de

grande joye,

Sçachant qu'elle vivoit, à nous prier s'em ploye

De le rendre à fa Dame: & lors deffus nos

bras

Le portons au fépulcre, où nous n'entrasmes
pas,

Car la Royne craignant d'eftre faite captive,
Et à Rome menée en un triomphe vive,
N'ouvrit la porte, ainçois une corde jetta,
D'une haute feneftre où l'on l'empaqueta :
Puis les femmes, & elles à mont le foufle

verent,

Er à force de bras jufqu'en haut l'attirerent.

Jamais rien fi piteux au monde ne s'
seftyeu,
L'on montoit d'une corde Antoine peu à peu,
Que l'ame alloit laiffant, la barbe mal-
peignée,

Sa face & fa poitrine étoit de fang baignée:
Toutesfois, tout hideux, & mourant qu'il

eftoit,

Ses yeux demi-couverts fur la Royne jettoit, Luy tendoit les deux mains, se souslevoit luymefme ;

Mais fon

corps retomboit d'une foibleffe ex-
trême.

La miférable Dame ayant les yeux mouillez,
Les cheveux fur le front fans art efparpillez,
La poitrine de coups fanglantement plombée,
Se penchoit contre bas, à tefte recourbée,

1578,

$578.

S'enlaçoit en la corde, & de tout fon effort,
Courageufe, attiroit cet homme demi-mort.
Le fang fuy dévaloit au vifage de peine,

Les nerfs luy roidiffoient, elle eftoit hors d'ha-
leine.

Le peuple qui d'a bas, amaffé, regardoit,
De gefte, & de voix à l'envi luy aidoit :
Tous crioient, l'excitoient, en fouffroient
en leur ame 2

Peinans, fuans ainfi que cette pauvre Dame.

Toutesfois invaincue, ce travail durant tant De fes femmes aidée, & d'un cœur fi conftant

Qu'Antoine fut tiré dans le fépulchre fom

bre,

Où je croy que des morts il augmente le

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nombre.

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L'Auteur moderne fait ainfi parler Agrippa à Octavie femme d'Antoine. Vers ces tombeaux fameux, où j'ay porté mes

pas,

Excité par les cris que pouffoient nos Sol

dats,

J'ay vû dans un état trop digne de vos

larmes,

Ce chef fi renommé pour la gloire des armes,
Qui n'aguerres fuivi de mille légions,
Se faifoit obéir par tant de Nations.

Cet Antoine en un mot, fi fier, fi redouta-
ble,

A qui de fa grandeur Cesar eft redevable;
Je l'ay vu dépouillé des marques de fon rang,
Pâle, défiguré, tout couvert de fon fang.
Quatre efclaves honteux dans leur douleur
profonde,

De voir entre leurs mains un des Maîtres du

monde,

Sur leurs bras tous fouillés, le portoient en tremblant,

Et détournoient leurs yeux de cet objet san-
glant..

Cependant avec foin Cléopatre enfermée,
Et de tant de Soldats justement allarmée,
N'ofe ouvrir le tombeau, regarde Antoine en
pleurs,

Dont fa présence encore augmente les dou

leurs :

1578.

(1) Confi

Lorfque de Charmion (1) l'adreffe favorable, dente de Surmonte par fes foins tout ce qui les acca- Cléopatrtą›

ble:

Dans ce befoin preffant elle ajuste en liens

Les voiles précieux de la Reine, & les fiens.
Pitoyable fecours! ou malgré vous, &

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1578.

Qui tandis que les fiens prennent foin d'ars

rêter

Les nœuds infortunés qui doivent le porter

Plein de ce même amour, que tout femble
combattre,

N'ouvre les yeux mourans, que pour voir
Cléopatre.

Déja par Charmion les tiffus préparés

Etoient de mille nœuds autour de luy ferrés
Déja la Reine même attachée au cordage
Prêtoit fes belles mains à ce pénible ouvrage.

Un Maître, un Empereur du Monde, & des
Romains,

Elevé lentement par de fi foibles mains,
Paroiffoit comme en butte, avec ignominie
Aux infolens regards d'une Armée ennemie..
Chacun l'encourageoit, & lui-même animé
Par les tendres regards d'un objet trop aimé,
Tâchoit de ramaffer fes forces languiffantes,
Et vers la Reine encor tendoit fes mains fan-
glantes..

Que vous dirai-je? Enfin un fecours fi nou

veau

Le conduit à nos yeux jufques dans le tom

beau.

La Reine entre fes bras le reçoit éperdue::
Leur amoureux tranfport éclate à notre vuë

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