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ter ces objets fur la fcene, que la Métamorphofe de Cadmus en Serpent, & celle de Progné en Hirondelle. Tous ces objets font de ceux dont Horace a dit:

Non tamen intus

Digna geri promes in fcenam, multaque tolles Ex oculis, qua mox narret facundia prafens. Quand bien même les loix de la Tragedie, fondées fur de bonnes raisons, ne défendroient point de mettre fur le théatre des évenemens tels que ceux dont nous avons parlé, le Poëte fenfé éviteroit toujours de les y mettre. Comme ces évenemens ne peuvent prefque jamais y être réprefentez avec vrai-femblance ni avec décence, ils dégenerent en un fpectacle froid & puerile. Il n'eft pas auffi facile d'en impofer à nos yeux qu'à nos oreilles. Certaines fictions réuffiffent donc mieux dans le recit que dans le fpectacle. L'évenement, qui pourroit nous toucher, s'il nous étoit raconté avec un choix ingenieux de circonftances, mifes en œuvre dans un recit où la vrai-femblance feroit menagée, devient un jeu de Marionetes quand on entreprend de le réprefenter fur le théatre. En effet les Métamorphofes qui fe réprefentent fur la fcene dans les Opera de

France & d'Italie y font rire prefque toujours, quoique l'évenement foit tragique par lui-même. Voilà pourquoi le Poëte qui fait une Tragedie eft obligé d'avoir recours à un recit pour nous exposer tous les évenemens tels que ceux dont il s'agit ici. Or le recit d'un ateur n'eft, pour ainfi dire, que l'imitation d'une imitation & une feconde copie.

Quoique l'action qu'on nous montre dans un recit, pour parler ainfi, foit très-touchante par elle-même, elle nous émouvra moins que ne le feroit une autre action moins tragique, mais qui fe pafferoit fous nos yeux & qui feroit réprefentée devant nous dramatiquement. La premiere fcene entre Rodrigue & Chimene nous émeut plus que le recit de la mort du pere de Chimene qu'elle fait au Roi, bien que ce recit fe faffe par une perfonne qui prend à l'évenement un fi grand interêt. Cependant la mort du Comte eft un évenement plus terrible & par confequent bien plus capable d'attacher que la converfation de Chimene & de Rodrigue, quelqu'intereffante qu'elle puifle être.

Les fujets, dont la beauté confifte principalement dans l'élevation d'efprit

que font voir des acteurs, dans la nobleffe de leurs fentimens, comme dans des fituations qui doivent agiter violemment & fans relâche les perfonnes intereffées & qui doivent ainfi donner lieu à divers fentimens très-vifs & à des entretiens animez, font plus heureux pour le Poëte tragique. Il peut, en traitant de pareils fujets, nous tenir toujours attentifs & nous faire voir même tous les principaux évenemens de fon action fans être reduit au fecours des recits. Ce discernement des fujets eft extrêmement important, & l'on peut adreffer aux Peintres comme aux Poëtes les vers qu'Horace écrivit pour ces derniers. Sumite materiam veftris, qui fcribitis, aquam Viribus.

Soit que vous vouliez peindre, foit que vous vouliez compofer des vers, aïez autant d'attention à choisir un fujet qui convienne au pinceau, fi vous voulez faire un tableau, & qui convienne, pour ainfi dire, à la plume fi vous êtes Poëte, qu'à le choifir convenable aux forces de votre genie particulier & proportionné avec vos talens perfonnels. Nous traiterons plus au long de ce dernier choix dans la fuite. Revenons aux fujets fpecialement propres pour être

traitez ou en vers ou dans un tableau, Le Poëte qui traite un fujet inconnu, generalement parlant, peut faire facilement connoître fes perfonnages dès le premier acte il peut même, comme nous avons déja dit, les rendre intereffans. Au contraire le Peintre à qui ces moïens manquent, ne doit jamais entreprendre de traiter un fujet tiré de quelque ouvrage peu connu; il ne doit introduire fur fa toile que des perfonnages dont tout le monde, du moins le monde devant lequel il doit produire fon tableau, ait entendu parler. Il faut que ce monde les connoiffe déja, car le Peintre ne peut faire autre chofe que de les lui faire reconnoître. Nous avons parlé de l'indifference des fpectateurs pour le tableau dont ils ne connoisfoient pas le fujet.

Le Peintre doit avoir cette attention fans ceffe, mais elle lui eft encore plus neceffaire quand il fait des tableaux de chevalet destinez à changer fouvent de place comme de maître. Le fujet des frefques peintes fur les murailles, & celui de ces grands tableaux qui demeurent toujours dans la même place, s'il n'eft pas bien connu, peut le devenir. On devine même que le tableau d'autel

d'une Chapelle réprefente quelque évenement de la vie du Saint fous le nom duquel elle eft dédiée. Enfin la renommée qui inftruit le monde du merite de ces ouvrages, lui apprend en même-tems l'hiftoire que le Peintre y peut avoir

traitée.

Il eft des fujets generalement connus. Il en eft d'autres qui ne font bien connus que dans certains païs.

Les fujets les plus connus generalement dans toute l'Europe font tous les fujets tirez de l'Ecriture fainte. Voilà peut-être pourquoi Raphaël & le Pouffin ont préferé ces fujets aux autres, principalement quand ils ont fait des tableaux de chevalet. De quatre tableaux du Pouffin, il y en a trois qui réprefentent une action tirée de la Bible. Les principaux évenemens de l'hiftoire des Grecs & de celle des Romains, ainfi que les avantures fabuleufes des Dieux qu'adoroient ces Nations, font encore des fujets generalement connus. La coutume établie maintenant chez tous les peuples polis de l'Europe veut qu'on faffe de Pétude des auteurs Grecs & Romains l'occupation la plus ferieufe des enfans.. En étudiant ces auteurs, on fe remplit la tête des fables & des hiftoires de leur Ey

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