la langue de ceux qui les païent. Mais comme les Pieces Italiennes qui ne font point compofées dans nos mœurs ne peuvent amufer le public; les Comediens dont je parle ont encore été obligez de jouer des pieces écrites dans les mœurs Françoifes. Les premiers Auteurs Anglois qui mirent en leur langue les Comedies de Moliere, les traduifirent mot à mot. Ceux qui l'ont fait dans la fuite ont accommodé la Comedie Françoife aux mœurs Angloifes. Ils en ont changé la fcene & les incidens, & ils en ont plu davantage. C'eft ainfi que Monfieur Wycherley en ufa lorsqu'il fit du Milantrope de Moliere fon Homme au franc procedé qu'il fuppofe être un Anglois & homme de mer. Nos premiers faifeurs d'Opera fe font égarez, ainsi que nos Poëtes comiques, pour avoir imité trop fervilement les Opera des Italiens de qui nous empruntions ce genre de fpectacle, fans faire attention que le goût des François aïant été élevé par les Tragedies de Corneille & de Racine, ainfi que par les Comedies de Moliere, il exigeoit plus de vrai-femblance, qu'il demandoit plus de regularité & plus de dignité dans les Poëmes dramatiques, qu'on n'en exige au delà delà des Alpes. Auffi nous ne fçaurions plus lire aujourd'hui fans dedain l'Opera de Gilbert & la Pomone de l'Abbé Perrin. Ces pieces écrites depuis quarante-huit ans nous paroiffent des Poëmes gothiques compofez cinq ou fix generations avant nous. Monfieur Quinault, qui travailla pour notre théatre Lyrique après les Auteurs que j'ai citez, n'eut pas fait deux Opera qu'il comprit bien que les perfonnages de bouffons, tellement effentiels dans les Opera d'Italie, ne convenoient pas dans des Opera faits pour des François. Thefée eft le dernier Opera où Monfieur Quinault ait introduit des bouffons, & le foin qu'il a pris d'annoblir leur cara&tere, montre qu'il avoit déja fenti que ces rolles étoient hors de leur place dans des Tragedies faites pour être chantées, autant que dans des Tragedies faites pour être déclamées. . Il ne fuffit pas que l'Auteur d'une Comedie en place la fcene au milieu du peuple qui la doit voir réprefenter, il faut encore que fon fujet foit à la portée de tout le monde, & que tout le monde puiffe en concevoir fans peile nœud, le dénouement & entendre le fin du dialogue des perfonnages ne, Une Comedie qui roule fur le détail d'une profeffion particuliere, & dont. le public generalement parlant n'est pas inftruit, ne fçauroit réaffir. Nous avons vû échouer une Comedie, parce qu'il falloit avoir plaidé long-tems pour l'entendre. Ces farces, dont le fujet éternel eft le train de vie de gens de mauvaifes mœurs & d'un certain étage, font autant contre les regles que contre la bienféance. Il n'eft qu'un certain nombre de perfonnes qui aïent affez frequenté les originaux dont on expofe des copies, pour juger fi les caracteres & les évenemens font traitez dans la vrai-femblance. On fe laffe de la mauvaise compagnie fur le théatre comme on s'en laffe dans le monde, & l'on dit des Poëtes de pareilles pieces, ce que Defpreaux dit du fatirique Regnier, SECTION XXII. Quelques remarques fur la Poësie paftorale & fur les Bergers des Eglogues. A Scene des poëmes bucoliques doit toujours être à la campagne, du moins elle ne doit être ailleurs que pour quelques momens: En voici la raifon. L'effence des poëmes bucoliques confifte à emprunter des prez, des bois, des arbres, des animaux; en un mot de tous les objets qui parent nos campagnes, les métaphores, les comparaifons & les autres figures dont le ftile de ces poëmes eft fpecialement formé. Il faut donc fuppofer que les interlocuteurs des Poëfies paftorales aïent ces objets devant leurs yeux. Le fonds de ces efpeces de tableaux doit toujours, pour. ainfi dire, être un païfage. Ainfi les actions violentes & fanguinaires ne fçauroient être le fujet d'un Eglogue. Des perfonnages agitez par des paffions furieufes & tragiques doivent être fans fentiment pour les beautez ruftiques. II feroit entièrement contre la vrai-fem blance qu'ils fiflent affez d'attention fur les objets qui fe préfentent à la campagne pour en tirer leurs figures. Un general qui donne une bataille fait-il reflexion fi le terrain qu'il fait occuper par fon corps de referve feroit propre pour y afleoir une maifon de campagne ? Je ne crois pas qu'il foit de l'effence de l'Eglogue de ne faire parler que des amoureux Puifque les bergers d'Egypte & d'Affyrie font les premiers Aftronomes, pourquoi ce qui fe trouve de plus facile & de plus curieux dans l'aftronomie ne feroit-il pas un sujet propre pour la Poëfie bucolique? Nous avons vû des Auteurs qui ont traité cette matiere en forme d'Eglogue avec un fuccès auquel toute 1 Europe a donné fon applaudiffement. Le premier livre de la pluralité des Mondes traduite en tanɛ de langues, eft la meilleure Eglogue qu'on nous ait donnée depuis cinquante ans. Les defcriptions & les images que font fes interlocuteurs font très-convenables au caractere de la Poëfie paftorale, & il y a plufieurs de ces images que Vir gile auroit emploïées volontiers. J'ai dit que les personnages tragiques nous intereflent toujours par le caractere de leurs paffions & par l'importance |