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bien d'autres font remplies d'un amour fophiftiqué qui ne reffemble en rien à la nature. Les Auteurs de ces chansons, en voulant feindre des fentimens qui n'étoient pas les leurs, ni peut-être ceux de leur âge, fe font encore metamorphofez en bergers imaginaires dans leurs froids delires. On fent dans tous leurs vers un Poëte plus glacé qu'un vieil Eunuque.

SECTION

XXIII.

Quelques remarques fur le Poëme Epique. Obfervation touchant le lieu & le tems où il faut prendre l'action.

U

N poëme épique étant l'ouvrage le plus difficile que la Poëfie Françoife puiffe entreprendre, à caufe des raifons que nous expoferons en parlant du genie de notre langue & de la mesure de nos vers, il importeroit beaucoup au Poëte qui oferoit en compofer un, de choifir un fujet où l'interêt general fe trouvât réuni avec l'interêt particulier. Qu'il n'efpere pas de réuffir, s'il n'entretient point les François des lieux fa

meux dans leur hiftoire, & s'il ne leur parle point des perfonnages & des évenemens aufquels ils prennent déja un interêt, s'il eft permis de parler ainsi, national. Tous les endroits de l'hiftoire de France qui font memorables, ne nous intereffent pas même également. Nous ne prenons un grand interêt qu'à ceux dont la memoire eft encore recente. Les autres font prefque devenus pour nous Tes évenemens d'une hiftoire étrangere, d'autant plus que nous n'avons pas le foin de perpetuer le fouvenir des jours heureux à la nation par des fêtes & par des jeux annuels, ni celui d'éternifer la memoire de nos Heros, ainfi que le pratiquoient lesGrecs & les Romains. Combien peu y en a-t-il parmi nous qui s'affectionnent aux évenemens arrivez fous Clovis & fous la premiere race de nos Rois. Pour rencontrer dans notre Hiftoire un fujet qui nous intereffât vivement, je ne crois pas qu'il fallut remonter plus haut que Charles VII.

Il eft vrai que les raifons que nous: avons alleguées pour montrer qu'on ne devoit point prendre une action trop recente pour le fujer d'une Tragedie, prouvent auffi qu'une action trop recente ne doit pas être le fujet d'uns

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Poëme Epique. Que le Poëte choififfe donc fon fujet en des tems qui foient à une diftance convenable de fon fiecle, c'est-à-dire en des tems que nous n'aïons pas encore perdus de vue, & qui foïent cependant affez éloignez de nous pour qu'il puiffe donner aux caracteres la nobleffe neceffaire fans qu'elle foit exposée à être démentie par une tradition encore trop recente & trop com

mune.

que

il

Quand bien même il feroit vrai que nos mœurs, nos combats, nos fêtes, nos ceremonies & notre Religion, ne fourniroient point aux Poëtes une matiere auffi heureufe que celle fourniffoit à Virgile le fujet qu'il a traité, ne feroit pas moins neceffaire d'emprunter de notre hiftoire les fujets des poëmes épiques. Ce feroit un inconvenient, mais il en épargneroit un plus grand, le défaut d'interêt particulier. Mais la chose n'eft pas ainfi. La pompe d'un caroufel & les évenemens d'un tournois, font des fujets plus magnifiques par eux mêmes que les jeux qui fe firent au tombeau d'Anchife & dont Virgile sçait faire un fpectacle fi fuperbe ? Quelles peintures ce Poëte n'auroit-il pas faites des effets de la poudre à canon dans les

differentes operations de guerre dont elle eft le reffort. Les miracles de notre Religion ont un merveilleux qui n'est pas dans les fables du Paganifme. Qu'on voïe avec quel fuccès Corneille les a traitez dans Polieucte & Racine dans Athalie. Si l'on reprend Sannazar, l'Ariofte & d'autres Poëtes, d'avoir mêlé mal à propos la Religion chrétienne dans leurs poëmes, c'eft qu'ils n'en ont point parlé avec la dignité & la décence qu'elle exige, c'eft qu'ils ont allié les fables du Paganisme aux veritez de notre Religion. C'eft qu'ils font, comme dit Defpreaux, follement idolatres en des fujets chrétiens. On les blame de n'avoir pas fenti qu'il étoit contre la raifon, pour ne rien dire de plus fort, de fe permettre en parlant de notre Religion, la même liberté que Virgile pouvoit prendre en parlant de la fienne. Que ceux qui ne voudroient pas faire le choix du fujet d'un poëme épique tel que je le propofe, alleguent donc leur veritable excufe: c'eft que le fecours de la Poëlie des Anciens leur étant neceffaire, pour rendre leur verve feconde, ils aiment mieux traiter les mêmes fujets que les Poëtes Grecs & les Poëtes Latins ont traitez, qué des sujets

,

me couché, aïant à fes pieds une Louve qui allaite deux enfans, font des perfonnages allegoriques inventez depuis long-tems & que tout le monde reconnoît pour ce qu'ils font. Ils ont acquis, pour ainfi dire, droit de bourgeoifie parmile genre humain. Les perfonnages allegoriques modernes font ceux que les Peintres ont inventez depuis peu & qu'ils inventent encore, pour exprimer leurs idées. Ils les caracterifent à leur mode & ils leur donnent les attributs qu'ils croient les plus propres à les faire re

connoître.

Je ne parlerai que des perfonnages allegoriques de la premiere efpece, c'està-dire des aînez ou des anciens. Leurs cadets qui depuis une centaine d'années font fortis du cerveau des Peintres, font des inconnus & des gens fans aveu, qui ne meritent pas qu'on en faffe aucune mention. Ils font des chiffres dont perfonne n'a la clef, & même peu gens la cherchent. Je me contenterai donc de dire à leur fujet que l'inventeur fait ordinairement un mauvais ufage de fon efprit, quand il l'occupe à donner le jour à de pareils êtres. Les Peintres qui paffent aujourd'hui pour avoir été les plus grands Poëtes en pein

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