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valoir fon deffein & fon coloris, il pouvoit introduire dans fon tableau des Forçats aidans au débarquement & les mettre en telle attitude qu'il auroit voulu. Ce n'eft point que je difpute aux Peintres le droit qui leur eft acquis de peindre des Sirenes, des Tritons, des Néreïdes, des Faunes & toutes les Divinitez fabuleufes, nobles chimeres dont l'imagination des Poëtes peupla les eaux & les forêts, & enrichit toute la natu re. Ma critique n'eft point fondée sur ce qu'il n'y eut jamais de Sirenes & de Néreïdes, mais fur ce qu'il n'y en avoit plus, pour ainfi dire, dans les tems où arriva l'évenement qui donne lieu à cette difcuffion. Je tomberai donc d'accord qu'il eft des compofitions hiftoriques où les Sirenes & les Tritons, comme les autres divinitez fabuleufes peuvent avoir part à une action. Ce font les compofitions qui réprefentent des évenemens arrivez durant le Paganifine, & quand le monde croïoit que ces divinitez exiftoient réellement. Mais ces mêmes divinitez ne doivent pas avoir part à l'action dans les compofitions hiftoriques qui réprefentent des évenemens arrivez depuis l'extinction du Paganifme, & dans des tems où elles

avoient déja perdu l'efpece d'être que l'opinion vulgaire leur avoit donné en d'autres fiecles. Elles ne peuvent être introduites dans ces dernieres compofitions que comme des figures allegoriques & des fymboles. Or nous avons déja vû que les perfonnages allegoriques ne doivent entrer dans les compofitions hiftoriques, que comme des perfonages fimboliques qui dénotent les attri buts des perfonnages hiftoriques.

Le fpectateur fe prête fans peine à la croïance qui avoit cours dans les tems où l'évenement que le Peintre & le Poëte réprefentent eft arrivé. Ainfi je regarde Iris comme un perfonnage hiftorique dans la réprefentation de la mort de Didon. Venus & Vulcain font des perfonnages hiftoriques dans la vie d'Enée. Nous fommes en habitude de nous prêter à la fuppofition que ces divinitez aïent exifté veritablement dans ces tems - là, parce que les hommes croïoient alors leur exiftence. Le Peintre qui réprefente les avantures d'un Heros Grec ou Romain , peut donc y faire intervenir toutes les divinitez comme des perfonnages principaux. Il peut à fon gré embellir fes compofitions avec les Tritons & les Sirenes. Il ne fait rien

contre fon fiftème. Je l'ai déja dit, les livres qui firent l'occupation de notre jeuneffe, la vrai-femblance qu'on trouve à voir un Heros fecouru par les Dieux qu'il adoroit, nous mettent en difpofition de nous prêter fans aucune peine à la fiction. A force d'entendre parler durant notre enfance des amours de Jupiter & des paffions des autres Dieux, nous fommes en habitude de les regarder comme des êtres qui auroient autrefois exifté, étant fujets à des paffions du même genre que les nôtres. Quand nous lifons l'hiftoire de la bataille de Pharfale, ce n'eft que par reflexion que nous diftinguons le genre d'exiftence que Jupiter foudroïant avoit dans ces tems-là, d'avec le genre d'existence de Cefar & de Pompée.

Mais ces Divinitez changent de na. ture, pour ainfi dire, & deviennent des perfonnages purement allegoriques dans la réprefentation des évenemens arrivez en un fiecle où le fiftême du Paganifme n'avoit plus cours. Quand on les introduit dans ces évenemens comme des perfonnages veritables, je les comparerois volontiers à ces Saints, les Patrons de ceux qui faifoient peindre des fujets de devotion, & que les Peintres

plaçoient

plaçoient autrefois dans des tableaux plus devors que fenfez, fans égard pour la Chronologie ni pour la vrai-femblance. On y voïoit S. Jerôme préfent à la Cé ne, & S. François atlifter au crucifiment. Cer ufage vicieux eft relegué depuis long-tems dans les tableaux de village.

Après avoir difcouru des perfonnages allegoriques i convient de retourner aux compofitions allegoriques. Une telle compofition eft la réprefentation d'une action qui n'arriva jamais, & que le Peintre invente à plaifir pour réprefenter un ou plufieurs évenemens merveilleux, qu'il ne veut point traiter en s'affujetiffant à la verité hiftorique. Les -Peintres font fervir encore ces compofitions à peu près au même ufage que les Egyptiens emploïoient leurs figures Hierogliphiques; c'eft-à-dire pour mettre fenfiblement fous nos yeux quelque verité generale de la Morale.

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Les compofitions állegoriques font de deux efpeces; les unes font purement allegoriques parce qu'il n'entre dans leur compofition que de ces perfonnages fimboliques éclos du cerveau des Peintres & des Poëtes. De ce genre font deux tableaux du Correge ·peints en détrempe & qu'on pent voir Tome I.

I

dans le cabinet du Roi. Dans l'un, le Peintre a répresenté l'homme tyrannifé par les paffions, & dans l'autre, il exprime d'une maniere fimbolique l'empire de la vertu fur les paffions. Les compofitions allegoriques de la feconde efpece font celles où le Peintre mêle des perfonnages hiftoriques avec les perfonnages allegoriques. Ainfi l'apotheofe de Henri IV. & l'avenement de Marie de Medicis à la Regence, réprefentez dans le tableau qui eft au fonds de la galerie du Luxembourg, font une compofition mixte. L'action du tableau eft feinte, imais le Peintre introduit dans cette action qui eft le type de l'Arrêt du Parlement par lequel la Regence fut déferée à la Reine, Henri IV. & plufieurs autres perfonnages hiftoriques.

Il eft rare que les Peintres réuffiffent dans les compofitions purement allegoriques, parce qu'il eft prefque impoffible que dans les compofitions de ce genre, ils puiffent faire connoître diftinctement leur fujet, & mettre toutes leurs idées à portée des fpectateurs les plus intelligens. Encore moins peuvent-ils toucher le cœur peu difpofé à s'attendrir pour des perfonnages chimeriques, en quelque fituation qu'on les réprefente.

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