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plus fubtils, & paffe les lumieres des mieux inftruits. Tout le monde eft informé des principales actions de la vie du feu Roi qui fait le fujet de tous les tableaux, & l'intelligence des curieux eft encore aidée par des infcriptions placées fous les fujets principaux. Néanmoins, il refte encore une infinité d'allegories & de fimboles que les plus lettrez ne fçauroient deviner. On s'eft vû réduit à mettre fur les tables de ce magnifique vaiffeau des livres qui les expliquaffent, & qui donnaffent, pour ainfi dire, le net de ces chiffres. On peut dire la même chofe de la galerie du Luxembourg. Les perfonnes les mieux informées des particularitez de la vie de Marie de Medicis, comme les plus fçavantes dans la Mythologie & dans la fcience des emblêmes, ne conçoivent pas la moitié des penfées de Rubens. Peut-être même, qu'elles ne devineroient pas le quart de ce qu'a voulu réprefenter ce Peintre trop ingenieux, fans l'explica tion de ces tableaux qu'une tradition

*Cette explication a été renouvellée avec des augmentations par Monfieur Moreau de Mautour, dans un Ecrit qui fut imprimé & répandu dans le Public en 1704. lorfque Monfieur le Duc de Mantoue logeoit au Palais de Luxembourg, où tout Paris alloit en foule pour voir

encore recente avoit confervée, quand Monfieur de Felibien la mit par écrit & l'infera dans les Entretiens fur les vies des Peintres. (a)

Toutes les Nations & les François principalement, fe laffent bientôt de chercher le fens des penfées d'un Peintre qui l'enveloppe toujours. Les tableaux de la galerie du Luxembourg dont on regarde le fujet avec le plus de plaifir, font ceux dont la compofition eft purement hiftorique, comme le mariage & le couronnement de la Reine. Tel eft le pouvoir de la verité, que les imitations & les fictions ne réuffiffent jamais mieux que lorfqu'elles l'alterent le moins. Après avoir regardé ces tableaux du côté de l'art, on les regarde encore avec l'attention qu'on donneroit aux recits d'un contemporain de Marie de Medicis. Chacun trouve quelque cho fe qui pique fon goût particulier dans des tableaux où le Peintre a réprefenté un point d'histoire dans toute la verité, c'eft-à-dire fans en alterer la vrai-femblance hiftorique. L'un s'arrête fur les habits du tems qui ne déplaifent jamais le Prince & la belle galerie de ce Palais. Peu de tems après elle a paru gravée.

(a) Tom. 2. pag. 198.

lorfqu'ils font traitez par un Artifan, qui a fçu les accommoder à l'air comme à la taille de fes perfonnages, & leur donner en les drappant la grace dont leur tournure les rendoit fufceptibles. Un autre examine les traits & la contenance des perfonnes illuftres. Le bien ou le mal que l'hiftoire en raconte lui donnoit envie depuis long-tems de connoître leur phyfionomie. Un autre s'attache à l'ordre & aux rangs d'une fcéance. Enfin ce que le monde a remarqué davantage dans la galerie du Luxembourg & dans celle de Verfailles, ce ne font pas les allegories femées dans la plupart des tableaux, ce font les expreffions de quelques paffions où veritablement il entre plus de Poëfie que dans tous les emblèmes inventez jufques ici.

Telle eft l'expreffion, qui arrête les yeux de tout le monde fur le vifage de Marie de Medicis qui vient d'accou- cher. On y apperçoit diftinctement la joïe d'avoir mis au monde un Dauphin, à travers les marques fenfibles de la douleur à laquelle Eve fut condamnée. Enfin chacun en convenant que ces galeries, deux des plus riches portiques qui foient en Europe, fourmillent de beautez admirables dans le deffein & dans

le coloris, & que la compofition de leurs tableaux eft des plus élegantes, chacun dis-je voudroit bien que les Peintres n'y euffent point introduit un fi grand nombre de ces figures qui ne peuvent point nous parler, comme tant d'actions qui ne fçauroient nous intereffer. Or, comme nous le dit Vitruve en termes trèsfenfez, il ne fuffit pas que nos yeux trouvent leur compte dans un tableau bien peint & bien deffiné: l'efprit y doit auffi trouver le fien. Il faut donc que l'Artifan du tableau ait choifi un fujet, que ce fujet fe comprenne diftinctement & qu'il foit traité de maniere qu'il nous intereffe. Je n'eftime gueres, ajoute-t-il, les tableaux dont les fujets n'imitent pas la verité. (a) Neque enim picture probari debent qua non funt fimiles veritati, nec fi facta funt elegantes ab arte, ideo de his debet ftatim judicari, nifi argumentationis certas habuerint rationes fine offenfionibus explicatas. Ce paffage m'exemtera de parler de ces figures qu'on appelle communement des grotesques.

Les Peintres doivent emploïer l'alFegorie dans les tableaux de devotion, plus fobrement encore que dans les tableaux prophanes. Ils peuvent bien dans (a) Vitruu. lib. 7. cap. s.

convient au lieu où le tableau fe trouve: placé Saint Dominique couvre le monde de fon manteau & du Rofaire. Je crois voir trop d'efprit dans la répresentation d'un fujet auffi terrible. Les hommes infpirez pouvoient bien emploïer des paraboles, pour nous expofer plusfenfiblement les veritez que Dieu nous reveloit par leur bouche. Dieu leur infpiroit lui-même les figures dont ils devoient fe fervir, & l'application qu'il en falloit faire. Mais c'eft affez d'honneur à nos Peintres que d'être admis à réprefenter hiftoriquement ceux des évenemens de nos myfteres, qui peuvent être mis fous nos yeux. Il ne leur eft point permis d'inventer des fictions, & de s'en fervir à leur gré, pour expofer de pareils fujets. Ce que je dis des Peintres je le penfe des Poëtes, & je n'approuve pas plus le Poëme de Sannazar, fur les couches de la Vierge, ni les vifions de l'Ariofte, que la compofition dont Rubens s'eft fervi pour réprefenter le merite de l'interceffion des Saints.

Vous reduifez donc les Peintres à la condition de fimples Hiftoriens, m'objectera-t-on, fans faire attention que L'invention & la Poëfie font de l'effence de la Peinture? Vous voulez. éteindre.

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