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feulement comme fpectateurs, prendre part aux actions des autres perfonnages, ainfi que les chœurs prenoient part aux Tragedies des Anciens.

Je crois qu'on peut traiter dans la Poëfie les perfonnages allegoriques parfaits, comme nous les avons traitez dans la Peinture. Ils n'y doivent pas jouer un des rolles principaux d'une action, mais ils y peuvent feulement intervenir, foit comme les attributs des perfonnages principaux, foit pour exprimer plus noblement, par le fecours de la fiction, ce qui paroîtroit trivial s'il étoit dit fimplement. Voilà pourquoi Virgile perfonifie la Renommée dans 'Eneïde. On remarquera que ce Poëte fait entrer dans fon ouvrage un petit nombre de perfonnages de cette efpece, & je n'ai jamais entendu louer Lucain d'en avoir fait un ufage plus fréquent.

Le Lecteur fera de lui-même la reflexion que Venus, l'Amour, Mars & ks autres Divinitez du Paganifme, font des perfonnages hiftoriques dans l'Eneïde. Les évenemens dépeints dans ce Poëme, font arrivez en des tems où le commun des hommes étoit perfuadé de leur existence. Ces Divinitez font même des perfonnages hiftoriques dans les Poëmes

des Ecrivains modernes qui choififfent leur Scene & leurs Acteurs dans les tems du Paganisme. Ils peuvent donc, en traitant de pareils fujets emploïer ces Divinitez comme des Acteurs principaux, mais qu'ils obfervent de ne point confondre avec elles les perfonnages, qui, comme la Difcorde & la Renommée, n'étoient déja que des perfonnages allegoriques dans ces tems-là. Quant aux Poëtes qui traitent des actions qui ne se font point paffées entre des Païens, ils ne doivent emploïer les Divinitez fabuleufes que comme des perfonnages allegoriques. Ainfi Minerve, l'Amour & Jupiter même ne doivent pas y jouer un rolle principal.

Quant aux actions allegoriques, les Poëtes n'en doivent faire ufage qu'avec un grand difcernement. On peut s'en fervir avec fuccès dans les Fables & dans plufieurs autres ouvrages qui font deftinez pour inftruire l'efprit en le divertiffant, & dans lefquels le Poëte parle en fon nom & peut faire lui même l'application des leçons qu'il prétend nous donner. C'eft à l'aide des actions allegoriques que plufieurs Poëtes nous one dit, avec agrément, des veritez qu'ils n'auroient pû nous expofer fans le fe

cours de cette fiction. Les converfations que les Fables fuppofent entre les animaux, font des actions allegoriques, & les Fables font un des plus aimables genres de Poëfie.

Je ne crois point qu'une action allegorique foit un fujet propre pour les Poëmes dramatiques, dont le but est de nous toucher par l'imitation des paffions humaines. Comme l'Auteur ne nous parle point directement dans ces fortes de Poëmes, & qu'ainfi il ne fçauroit nous expliquer lui-même ce qu'il veut dire par fon allegorie, il nous expoferoit fouvent à la lire fans que nous puiffions comprendre fon idée. Il faut avoir trop d'efprit pour demêler toujours avec julteffe l'application que nous devons faire d'une allegorie. Je crois donc qu'il en faut abandonner l'ufage aux Poëtes qui racontent, & qu'elle ne doit point être emploïée par les Poëtes Dramatiques.

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D'ailleurs il eft impoffible qu'une piece dont le fujet eft une action allegorique, nous intereffe beaucoup. Celles que des Ecrivains à qui perfonne ne refufe de l'efprit, ont hazardées en ce genre-là, n'ont pas autant réufli que celles où ils avoient bien voulu être moins ingenieux & traiter un fujet hiftorique. Le

brillant

brillant qui naît d'une action Metaphorique, les penfées délicates qu'elle fuggere & les tours fins avec lefquels on applique fon allegorie aux folies des hommes; en un mot toutes les graces qu'un bel efprit peut tirer d'une pareille fiction, ne font point en leur place fur le théatre. Le piédestal n'eft point fait pour la ftatuë. Notre cœur exige de la verité dans la fiction même, & quand on lui préfente une action allegorique, il ne peut fe réfoudre, pour parler ainfi, à entrer dans les fentimens de ces perfonnages chimeriques. Il les regarde comme des fymboles & des énigmes, fous lefquels font enveloppez des préceptes de Morale, & des traits de Satyre qui font du reffort de l'efprit. Or une piece de théatre qui ne parle qu'à l'efprit, ne fçauroit nous tenir attentifs pendant toute fa durée. C'eft donc principalement aux Poëtes dramatiques qu'on peut dire avec Lactance. Apprenez que la licence Poëtique a fes bornes, au-delà defquelles il n'eft point permis de porter la fiction. C'eft à bien réprefenter ce qui a pû veritablement arriver, & à l'orner par des images nettes & élegantes que confifte l'art du Poëte. Mais inventer une action chimerique & créer des perfonnages du

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même genre que l'action, c'eft être impofteur plûtôt que Poëte. Nefciunt hbomines qui fit Poetica licentia modus, quoufque progredi fingendo liceat: cum officium Poeta in eo fit ut ea qua verè geri potuerint, in alias fpecies obliquis figurationibus cum decore aliquo converfa tradu cat. Totum autem quod referas fingere, id eft ineptum effe & mendacem potius quàm Poetam.

Je n'ignore pas que les perfonnages de plufieurs Comedies d'Ariftophane, ceux des Oifeaux & des chœurs des Nuées, par exemple, ne foient allegoriques. Mais on devine aifément les raifons qu'Ariftophane avoit de traiter ainfi fes fujets, quand on fçait que ce Poëte vouloit jouer dans Athénes, les hommes les plus confiderables de la Republique, & principalement ceux qui venoient d'avoir la plus grande part à la guerre du Péloponefe. Les Sçavans font tous convaincus que ce Poëte fait fouvent allufion dans ces Comedies à differens évenemens arrivez dans cette guerre, ou à des avantures dont elle avoit été l'occafion. Ariftophane qui vouloit attades gens plus à craindre que Socrate, ne pouvoit pas donc trop mafquer les perfonnages, ni perfonnages, ni trop déguiser

quer

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