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rendu fa compofition nouvelle. Son tableau réprefente le moment où la nature s'émut d'horreur à la mort du Créateur; le moment où le Soleil s'éclipfa fans l'interpofition de la Lune, & où les morts fortirent de leurs fepulchres. Dans l'un des côtez du tableau l'on voit des hommes faifis d'une peur mêlée d'étonnement à l'aspect du defordre nouveau, où paroît le Ciel, fur lequel leurs regards font attachez. Leur épouvante fait un contrafte avec une crainte mêlée d'horreur, dont font frappez d'autres fpectateurs, au milieu defquels un mort fort tout-à-coup de fon tombeau. Cette penfée très-convenable à la fituation des perfonnages, & qui montre des accidens differens de la même paffion, va jusques au sublime; mais elle paroît fi naturelle en mêmetems, que chacun s'imagine qu'il l'auroit trouvée, s'il eût traité le même fujet. La Bible qui cft celui de tous les livres qu'on lit le plus, ne nous apprendelle pas que la nature s'émût d'horreur à la mort de Jefus-Chrift, & que les. morts fortirent de leurs tombeaux? Comment, dirions-nous, a-t-on pû faire un feul tableau du crucifiment, fans y emploïer ces accidens terribles, & capa

bles de produire un fi grand effet? Cependant le Pouffin introduit dans fon tableau du crucifiment un mort fortant du fepulchre, fans tirer de l'appari tion de ce mort le trait de Poëfie, que Monfieur Coypel en a tiré. Mais c'cft le caractere propre de ces inventions fublimes que le genie feul fait trouver, que de paroître tellement liées avec le fujet, qu'il femble qu'elles aïent dû être les premieres idées qui fe foient préfentées aux Artifans, qui ont traité ce fujet. On fue vainement, dit Horace, quand on veut trouver des inventions du même genre fans avoir un genie pareil à colui du Poëte, dont on veut imiter le naturel & la fimplicité. (a)

Ut fibi qui vis Speret idem, fudet multum fruftraque laboret Aufus idem.

Le genie de la Fontaine lui fait rencontrer dans la compofition de fes Fables, une infinité de traits qui paroiffent fi naïfs & tellement propres à fon fujet, que le premier mouvement du Lecteur eft de croire qu'il les eut trouvez auffi bien que lui, s'il avoit eu à mettre en vers le même Apologue. Cette penfée a

De Arte poët.

fait venir depuis long-tems à quelques Poëtes le deffein d'imiter la Fontaine, mais il s'en faut beaucoup qu'en l'imiils aïent fait comme lui.

tant,

SECTION

XXVII.

Que les Sujets ne font pas épuifez pour les Poëtes.

Qu'on peut encore trouver de nouveaux caracteres dans la Comedie.

CE que nous venons de dire de la Peinture fe peut dire auffi de la Poëfie. Non feulement un Poëte né avec du genie, ne dira jamais qu'il ne fçauroit trouver de nouveaux fujets, mais j'ole même avancer qu'il ne trouvera jamais aucun fujet épuifé. La penetration, compagne infeparable du genie, lui fait découvrir des faces nouvelles dans les fujets qu'on croit vulgairement les plus ufez; car le genie conduit chaque mortel dans fes travaux par une route particuliere, comme je l'exposerai dans la feconde partie de cet ouvrage. Auffi les Poëtes guidez chacun par un genie, fe rencontrent firarement, qu'on

peut dire, que generalement parlant, ils ne fe rencontrent jamais. Quand Corneille & Racine ont traité le même fujet, & quand ils ont fait chacun une Tragedie de Berenice, ils ne fe font pas rencrez. Rien n'eft fi different du plan &u caractere de la Tragedie de Corle, que le plan & le caractere de la agedie de Racine. Les Comedies que oliere compofa quand il eut atteint periode de fes forces, ne reffemblent ux Comedies de Terence, que parce que les unes & les autres font des pieces excellentes. Leur genre de beauté eft bien different.

Les Artifans nez avec du genie ne prennent point pour modeles les ouvrages de leurs devanciers, mais la nature même ; & la nature eft encore plus féconde en fujets differens, que le genie des Artifans n'eft varié. D'ail leurs tous les fujets ne font point à la portée des yeux d'un feul homme. It ne découvre que ceux qui font convenables à fon talent & aufquels il fe fent propre particulierement. Comme fon genie ne lui fournit pas d'idées frappantes fur les autres fujets, ils lui paroiffent ingrats. Il ne les regarde point comme des fujets propres à réuffir. Un autre

Poëte les trouve des fujets heureux, parce que fon genie eft d'un caractere different du genie de l'autre. C'eft ainsi

que

Corneille & Racine ont découvert les fujets convenables à leurs talens, & qu'ils les ont traitez, chacun fuivant fon caractere. Un Poëte tragique qui auroit autant de genie qu'eux, trouveroit des fujets qui leur ont échappé, & il traiteroit les fujets qu'il mettroit au Théatre dans un goût auffi different du goût de Corneille que le goût de Racine, & auffi éloigné du goût de Racine que le goût de Corneille. Comme le dit Ciceron (a) en parlant de quelques Poëtes Dramatiques illuftres dans la Grece & à Rome, c'eft fans fe reffembler qu'ils ont réuffi également. Atque id primum in Poetis cerni licet quibus eft proxima cognatio cum Oratoribus, quàm fint inter fe Paccuvius, Ennius, Acciufque diffimiles, quàm apud Gracos Efchyles, Sophocles, Euripides quamquàm omnibus par pene laus in diffimili genere fcribendi tribuatur.

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Les fujets qui font encore intacts nous échappent, & nous lifons plufieurs fois. l'hiftoire qui les raconte fans les remarquer, parce que le genie n'ouvre. pas nos yeux; mais ces fujets frappe

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