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chus Epiphane étoit réfugié chez les Parthes, & il n'y avoit plus de Roi de Commagene. Notre Poëte peche enco re contre la verité, quand il fait dire à Paulin que Titus charge, comme foa confident, de lui parler fur le mariage de Berenice: Qu'on a vu

Des fers de Claudius Felix encore fletri De deux Reines, Seigneur, devenir le mari, Et s'il faut jufqu'au bout que je vous obéisse, Ces deux Reines étoient du fang de Berenice. Ce Felix, fi connu ៤ connu par Tacite & par Jofeph, n'époufa jamais qu'une Reine ou fille d'un fang roial, qui fut Drufille. Il eft vrai qu'elle étoit du fang de Berenice. C'étoit fa propre fœur. Je ne voudrois donc pas accufer de pedanterie celui qui cenfureroit M. Racire d'avoir fait un fi grand nombre de faures contre une hiftoire autant averée, & generalement auffi connue que l'histoire des premiers Empereurs des Romains, comme d'être tombé dans des erreurs de Geographie qu'il pouvoit aifément s'épargner. Telle eft l'erreur qu'il fait commettre par Mithridate, en lui faifant dire à fes fils, dans l'expofition de fon projet, de paffer en Italie & de furprendre Rome.

Doutez vous que l'Euxin ne me porte en deux jours

Aux lieux où le Danube y vient finir fon

cours?

Il en pouvoit bien douter, dit un Prince qui a commandé des Armées fur les bords du Danube, & qui, comme Mithridate, a confervé fa réputation de grand Capitaine dans l'une & dans l'autre fortune, puifque la chofe eft réellement impoffible. L'armée navale de Mithridate, en partant des environs. d'Afaph & du détroit de Caffa, où Racine établit la Scene de la piece, avoit près de 300. lieues à faire pour débarquer fur les rives du Danube. Des vaiffeaux qui naviguent en flotte, & qui n'ont d'autres moïens d'avancer que des rames & des voiles, ne fçauroient fe promettre de faire cette route en moins de huit ou dix jours. M. Racine, fans craindre d'ôter le merveilleux de l'entreprise de Mithridate, pouvoit bien encore accorder fix mois de marche à fon armée qui avoit fept cens lieues à faire pour arriver à Rome. Le Vers qu'il fait dire à Mithridate

Je vous rends dans trois mois aux pieds du Capitole..

revolte ceux qui ont quelque connoiffance de la diftance des lieux. Quoique les Armées Grecques & Romaines marchaffent avec plus de celerité que les nôtres, il est toujours vrai qu'il n'y a point de troupes qui puiffent durant trois mois, & fans jamais fejourner, faire chaque jour près de huit lieuës, fur tout en palfant par des païs difficiles & ennemis, ou du moins fufpects, tels qu'étoient la plupart des païs que Mithridate avoit à traverfer. Ces fortes de critiques courent dans le monde, fur tout quand une piece eft nouvelle, & fouvent on les fait valoir contre un Poëte encore: plus qu'elles ne devroient valoir.

Monfieur Corneille eft fouvent tom-bé dans la même inattention, que M.. Racine. Je n'en citerai qu'un exemple,, ce que dit Nicomede à Flaminius, l'Am baffadeur des Romains auprès du Ro Prufias fon pere. Nicomede après avoir fait reffouvenir l'Ambaffadeur qu'Annibal avoit gagné la bataille de Trafimé ne fur un Flaminius, il l'avertit encore oublier.

de ne pas

Qu'autrefois ce grand homme Commença par fon pere à triompher deRome

Mais Titus Quintus Flaminius, celuial

à qui parle Nicomede, & qui avoit con traint Annibal d'avoir recours au poifon, n'étoit pas le fils de celui qui perdit la bataille de Trafiméne contre Annibal. Ils étoient même de maison & de races differentes. Flaminius défait à Trafiméne étoit Plebeïen, & Flaminius qui fut Ambaffadeur de la Republique auprès de Prufias, & qui fut caufe de la mort d'Annibal, étoit Patricien. D'ail leurs la bataille de Trafiméne ne fut point le premier fuccès d'Annibal en Italie. Elle avoit été précedée par la bataille de la Trebbia, & par le fameux combat du Téfin que le General Carthaginois avoit déja gagnez, quand il battit Flaminius auprès du Lac de Peroufe. Je ne fçais pourquoi il a plû à M. Corneille de faire cette faute en confondant deux Flaminius, quand les Sçavans la reprochoient depuis long- tems à l'Auteur de la vie des Hommes Illuftres, qui eft fous le nom d'Aurelius Victor,

Il eft vrai que les Tragiques Grecs ont fait quelquefois de femblables fautes, mais elles n'excufent point celles des modernes, d'autant plus que l'art devroit du moins être aujourd'hui plus parfait. D'ailleurs on a toujours repris

les Poëtes Tragiques de la Grece de ces fautes qui nuifeut à la vrai-femblance de leurs fuppofitions, en combattant des

veritez certaines & connues. Paterculus (a) reproche même à ces Poëtes, comme une erreur groffiere, d'avoir appellé Theffalie cette partie de la Grece qui fut ainsi nominée dans la fuite, en des tems où elle ne portoit pas encore ce nom. Quo nomine mirari convenit eos ? qui, Iliaca componentes tempora, de ea regione ut Theffalia commemorant quòd: cùm alii faciant Tragici, frequentiffimè faciunt, quibus minimè id concedendum eft, nihil enim fub perfona Poeta, fed omnia fub eorum, qui illo tempore vixerunt, dixerunt. En effet, la faute choque d'autant plus dans le Poëte Tragique, qu'il la fait commettre à un perfonnage qui vivoit dans des tems où il ne pouvoir point faire cette faute. Nous pouvons encore confirmer notre fentiment par ce qu'Ariftote dit (6) au fujet de la vrai-femblance hiftorique qu'il faut garder dans les Poëmes. Il blâme ceux qui prétendent que l'exactitude à fe conformer à eette vrai-femblance foit une affectation inutile, & même il réprend Sophocle d'avoir fait annoncer dans la Tragedie

(a)-Lib. prim. hift. (b) Poetic..Chap. 25.

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