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haine eft encore plus forte que celle du premier, quoique fon maintien & fon gefte ne marquent pas tant de fureur. Sa colere contre un homme condamné par la loi, & qu'il execute par principe de Religion, n'en eft pas moins grande pour être d'une espece differente.

L'emportement d'un General ne doit pas être le même que celui d'un fimple foldat. Enfin il en eft de même de tous les fentimens & de toutes les paffions. Si je n'en parle point plus au long, c'eft que j'en ai déja dit trop pour les perfonnes qui ont reflechi fur le grand art des expreffions, quand je n'en fçaurois-dire affez pour celles qui n'y ont pas reflechi.

La vrai-femblance poëtique confifte encore dans l'obfervation des regles que nous comprenons, ainfi que les Italiens, fous le mot de Costume': obfervation qui donne un fi grand merite aux tableaux du Pouffin. Suivant ces regles, il faut réprefenter les lieux où Faction s'eft paffée tels qu'ils ont été fi nous en avons connoiffance, & quand il n'en eft pas demeuré de notion précife, il faut, en imaginant leur difpofition, prendre garde à ne fe point trouver en contradiction avec ce qu'on en

peut fçavoir. Les mêmes regles veu lent encore qu'on donne aux differentes Nations qui paroiffent ordinairement fur la fcene des tableaux, la couleur de vifage & l'habitude de corps que P'hiftoire a remarqué leur être propres. Il est même beau de pouffer la vraifemblance jufques à fuivre ce que nous fçavons de particulier des animaux de chaque païs, quand nous réprefentons un évenement arrivé dans ce païs-là. Le Pouffin qui a traité plufieurs actions, dont la fcene eft en Egypte, met pref que toujours dans fes tableaux des bâtimens, des arbres ou des animaux, qui, par differentes raifons, font re gardez comme étans particuliers à ce païs.

Monfieur le Brun a fuivi ces regles dans fes tableaux de l'hiftoire d'Alexandre avec la même ponctualité. Les Perfes & les Indiens s'y diftinguent des Grecs à leur phifionomie autant qu'à leurs armes. Leurs chevaux n'ont pas le même corfage que ceux des Macedoniens. Conformément à la verité, les chevaux des Perfes y font répréfentez plus minces. J'ai entendu dire à M. Perrault que fon ami M. le Brun avoit fait deffiner à Alep des chevaux de

Perfe, afin d'observer le Coftumé fur ce point là dans fes tableaux. Il eft vrai qu'il fe trompa fur la tête d'Alexandre dans le premier qu'il fit. C'est celui qui réprefente les Reines de Perfe aux pieds d'Alexandre. On avoit donné à M. le Brun pour la tête d'Alexandre une tête de Minerve qui étoit fur une Medaille, au revers de laquelle on lifoit le nom d'Alexandre. Ce Prince, contre la verité qui nous eft connuë, paroît donc beau comme une femme dans ce tableau. Mais M. le Brun fe corrigea dès qu'il eut été averti de fa méprife, & il nous a donné la veritable tête d'Alexandre dans le tableau du paffage du Granique & dans celui de fon entrée à Babylone. Il en prit idée d'après le bufte de ce Prince qui fe voit dans un des bofquets de Verfailles fur une colonne, & qu'un Sculpteur moderne a déguifé en Mars Gaulois en lui mettant un coq fur fon cafque. Ce bufte, ainfi que la colonne qui eft d'albâtre Oriental ont été apportez d'Alexandrie.

La vrai-femblance poëtique exige auffi qu'on réprefente les Nations avec leurs vêtemens, leurs armes & leurs étendarts. Qu'on mette dans les enfeignes

des Atheniens la chouette, dans celles des Egyptiens la cicogne, & l'aigle dans celles des Romains; enfin qu'on fe conforme à celles de leurs coûtumes qui ont du rapport avec l'action du tableau. Ainfi le Peintre qui fera un tableau de la mort de Britannicus ne réprefentera point Neron & les autres convives affis autour d'une table, mais bien couchez fur des lits.

L'erreur d'introduire dans une action des perfonnages qui ne purent jamais en être les témoins, pour avoir vêcu dans des tems éloignez de celui de l'action, eft une erreur groffiere où nos Peintres ne tombent plus. On ne voit plus un Saint François écouter la prédication de Saint Paul, ni un Confefleur le Crucifix en main, exhorter le bon Lar

ron.

par

que

Enfin la vrai-femblance poëtique demande le Peintre donne à fes perfonnages leur air de tête connu, foit que cet air de tête nous ait été tranfmis des médailles, des ftatues ou par des portraits, foit qu'une tradition dont on ne connoît pas la fource nous l'ait confervé, foit même qu'il foit imaginé. Quoique nous ne fçachions pas bien certainement comment Saint Pierre étoit

fait, néanmoins les Peintres & les Sculpreurs font tombez d'accord par une convention tacite de le réprefenter avec un certain air de tête & une certaine taille qui font devenus propres à ce Saint. En imitation, l'idée reçue & generalement établie tient lieu de la verité. Ce que j'ai dit de Saint Pierre peut auffi fe dire de la figure fous laquelle on réprefente plufieurs autres Saints, & même de celle qu'on donne ordinairement à S. Paul, quoiqu'elle ne convienne pas trop avec le portrait que cet Apôtre fait de lui-même. Il n'importe, la chose eft établie ainfi. Le Sculpteur qui réprefenteroit Saint Paul plus petit, plus décharné, & avec une barbe plus courte que Saint Pierre, feroit repris autant que fut Bandinelli pour avoir mis à côté de la ftatuë d'Adam qu'il a faite pour le dôme de Florence, une ftatuë d'Eve plus haute que celle de fon mari.

le

Nous voïons par les Epitres de Sidonius Apollinaris (a) que les Philofophes illuftres de l'Antiquité avoient auffi chacun fon air de tête, fa figure & son gefte qui lui étoient propres en Peinture, Per Gymnafia pinguntur Zeufippus cervi ce curva, Aratus panda, Zenon fronte (4) Libro nono epift. nona,

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