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par exemple, a très-bien réufli dans cette partie de l'ordonnance que nous appellons compofition pittorefque. Aucun Peintre n'a fçu mieux que lui bien arranger dans une même fcene un nombre infini de perfonnages, placer plus heureufement fes figures, en un mot bien remplir une grande toile fans y mettre de la confufion. Cependant Paul Veronéfe n'a pas réuffi dans la compofition poëtique. Il n'y a point d'unité d'action dans la plupart de fes grands tableaux. Un de fes plus magnifiques ouvrages, les nôces de Cana, qu'on voit au fond du Refectoire du Couvent de Saint Georges à Venife, eft rempli de fautes contre la Poësie pittorefque. Un petit nombre des perfonnages fans nombre dont il eft rempli, fe trouve être attentif au Miracle de la converfion de l'eau en vin qui fait le fujet principal. Perfonne n'en eft touché autant qu'il le faudroit. Paul Veronéfe introduit parmi les conviez des Religieux Benedictins du Couvent pour lequel il travailloit. Enfin fes perfonnages font habillez de caprice, & comme dans fes autres tableaux, il y contredit ce que nous fçavons pofitivement des mœurs & des ufages du peuple dans lequel il choifit fes Acteurs.

Monfieur de Piles grand amateur de la Peinture, & qui lui-même manioit le pinceau, nous a laiffé plufieurs écrits touchant cet art, qui meritent d'être connus de tout le monde; mais un de ces écrits merite toutes les loüanges qui font dûës aux livres Originaux : c'est fa Balance des Peintres. On y apprend diftinctement à quel point de merite chaque Peintre dont il parle eft parvenu en chacune des quatre parties dans lefquelles l'art de la Peinture peut fe divifer; & ces parties font la compofition, le deffein, l'expreffion & le coloris. (a) Après avoir fuppofé que le vingtiéme degré de fa Balance marque le plus haut point de perfection, où il foit poffible d'atteindre en chacune de ces parties il nous dit à quel degré chaque Peintre eft demeuré. Mais pour n'avoir pas diftribué l'art de la Peinture en cinq parties, ni divifé ce qu'on appelle en general l'ordonnance, en compofition pittorefque & en compofition poëtique, il tombe dans des propofitions infoutenables, comme eft celle de placer au même degré de fa balance Paul Veronéfe & le Pouffin en qualité de Compofiteurs. Cependant les Italiens

(a) Cours de Peinture p. 489.

mêmes tomberont d'accord que Paul Veronéfe n'eft nullement comparable dans la Poëfie de la Peinture au Pouffin qu'on a nommé dès fon vivant le Peintre des gens d'efprit, éloge le plus flatteur qu'un Artifan pût recevoir.

Le même Paul Veronéfe fe trouve encore placé dans notre balance à côté de M. le Brun, quoique dans la partie de la comparaifon poëtique, la feule dont il s'agiffe ici, le Brun ait peut-être été auffi loin que Raphaël. On voit dans le grand Appartement du Roi à Verfailles deux excellens tableaux, placez vis-à-vis l'un de l'autre, les Pellerins d'Emmaüs

par Paul Veronéfe & les Reines de Perfe aux pieds d'Alexandre par le Brun. Un peu d'attention fur ces tableaux fera juger que fi Paul Veronéfe eft un fi méchant voifin pour le Brun quant au coloris, le François eft encore un plus méchant voifin pour l'Italien, quant à la poëfie pittorefque & à l'expreffion. Il n'eft pas difficile de deviner à qui Raphael auroit donné le prix : fuivant l'apparence Raphael auroit prononcé en faveur du genre de merite dans lequel il excelloit, je veux dire en faveur de l'expreffion & de la poëfie. Je confeille à mon Lecteur de lire dans le premier

volume des Paralelles de M. Perrault (a) le jugement raifonné qu'il porte fur ces deux tableaux. Ce galand homme dont la memoire fera toujours en veneration à ceux qui l'ont connu, nonobftant tout ce qu'il peut avoir écrit fur l'antiquité, étoit auffi capable de faire une bonne comparaifon de l'ouvrage de Paul Veronéfe & de celui de le Brun, que M. Wotton dit qu'il étoit incapable de faire un bon paralelle des Poëtes anciens & des Poëtes modernes. (a) Pag. 225.

SECTION XXXII.

De l'importance des fautes que les Peintres & les Poëtes peuvent faire contre leurs regles.

Omme les parties d'un tableau font toujours placées l'une à côté de l'autre & qu'on en voit l'Ensemble du même coup d'œil, les défauts qui font dans fon ordonnance nuifent beaucoup à l'effet de fes beautez. On apperçoit fans peine fes fautes relatives quand on a fous les yeux en mêmetems les objets qui n'ont pas entre eux

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le rapport qu'ils doivent avoir. Si cette faute confifte, comme celle du Bandinelli, dans une figure de femme plus haute qu'une figure d'homme d'égale dignité, elle eft facilement remarquée, puifque ces deux figures font l'une à côté de l'autre. Il n'en eft pas de même d'un poëme de quelque étendue. Comme nous ne voïons que fucceffivement un poëme dramatique ou un poëme épique, & comme il faut emploïer plufieurs jours à lire ce dernier, les défauts qui font dans l'ordonnance & dans la diftribution de ces poëmes ne viennent pas fauter aux yeux comme des défauts pareils qui font dans un tableau. Pour remarquer les fautes relatives d'un Poëme, il faut fe rappeller ce qu'on a déja vû ou entendu, & retourner pour ainfi dire fur fes pas afin de comparer les objets qui manquent de rapport ou de proportion. Par exemple, il faut fe reflouvenir que l'incident qui fait le dénouement dans le cinquième Acte n'aura point été suffisamment préparé dans les Actes précedens, ou qu'une chofe dite par un perfonnage dans le quatrième Acte dément le caractere qu'on lui a donné dans le premier.Voilà ce que tous les hommes n'obfervent point toujours:

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